Dimanche de Pâques

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 1998-1999

Jn 20, 1-9

Jésus Fils de Dieu, mais quel Fils exemplaire ? Sans que son Père céleste ne le lui demande, il range sa « chambre tombale » : la pierre est roulée, les bandelettes et le linceul sont pliés et mis à leur place. Voilà le Fils rêvé que tant de parents auraient aimé avoir, je crois. Tout est en ordre, tout semble clair et pourtant un seul verra et croira. Je nous propose de nous arrêter un instant sur le rôle de Jean. De nous arrêter et de nous reposer.

En effet, l'évangile de ce soir est un évangile fatigant, épuisant, surtout en cette fin de week-end. Ils n'arrêtent pas de courir : d'abord Marie-Madeleine, ensuite Pierre et Jean. Je suis déjà essoufflé à leur place rien qu'en lisant cet épisode. Jean, plus jeune, arrive le premier, c'est vrai mais il n'entre pas. Pierre le suit, entre directement dans le tombeau et ne comprend pas. Comment aurait-il pu d'ailleurs.

Pour comprendre la résurrection, pour saisir un tel mystère, tout comme Jean, il faut s'arrêter. Il faut prendre le temps. Un peu comme si cette histoire d'il y a bientôt deux mille était encore et toujours notre histoire aujourd'hui. Nous aussi nous n'arrêtons pas de courir, nous sommes pris tout le temps au risque de nous faire dépasser tant par les événements que par nous-mêmes. Tout va tellement vite, que je n'ai même pas vu le Carême passé, nous confiais l'un de ceux qui a préparé cette célébration. C'est dingue, alors que le Carême était cette occasion qui nous avait été donnée pour revenir à l'essentiel, pour reprendre un peu de temps pour vivre du bonheur, voilà que, pour certains d'entre nous, nous sommes passés à côté. Heureusement, il n'y a pas lieu d'attendre un an, cette quête, cette conquête de l'essentiel, nous pouvons la vivre à chaque instant de notre vie. Mais pour se faire, il faut être capable de s'arrêter. Or de cela, nous en avons parfois peur. Pourquoi ? Peur de croire que nous ne pourrons pas tout faire. Peur peut-être de découvrir le non sens d'un ensemble de choses que nous faisons, comme si je prenais le risque de prendre conscience que je ne fais pas grand chose de ma vie, que je la gaspille. Peur aussi d'être face à nous-mêmes et de se poser les vraies questions. Etre capable de s'arrêter, c'est donc sans doute oser être confronté avec soi-même pour pouvoir contempler ce que nous sommes et ce qui nous fait vivre. Mais comme le fait remarquer l'évangile de ce soir, cela n'est pas suffisant. C'est tout simplement la première partie de la démarche. Pour comprendre, pour tenter de saisir une partie du mystère de la résurrection, de la vie, il faut d'abord s'arrêter, faire le vide.

Vient ensuite une seconde étape, sans doute la plus essentielle, celle du désir de comprendre. Ma démarche n'est pas seulement intellectuelle, elle prend sa source dans le désir. Il faut d'abord désirer comprendre avant de comprendre. Si je veux être à même de réaliser un exercice de maths, de physique ou pire encore de chimie, il faut que naisse en moi d'abord le désir de le faire. Tant que le désir n'y est pas, je n'y arriverai pas et je ne comprendrai pas. Tant pour les maths, le physique ou la chimie, il n'y a pour le moment aucun danger pour que ce désir soit en moi, soyez rassurés. A partir de cet exemple, je crois pouvoir affirmer que pour désirer comprendre, il faut d'abord désirer. Ce qui nous fait continuer, ce qui nous fait avancer, ce qui permet à Jean de comprendre le mystère du tombeau vide, c'est le désir, c'est-à-dire l'amour. Après s'être arrêté, après avoir laissé Pierre entrer le premier, Jean trouve en lui la source du sens, le fondement de l'essentiel. C'est au coeur de son propre coeur qu'il trouve l'amour nécessaire pour entrer dans cette dynamique du chemin de foi qui lui permet soudainement de comprendre ce qui le dépasse totalement. Ce que Jean nous fait découvrir ce soir c'est que même notre raison doit être guidée par les sentiments de l'amour pour que nous puissions saisir ce qui donne sens à notre vie. Sans amour, nous ne sommes que des cymbales retentissantes, chante saint Paul dans son hymne. Il nous faut une dose d'amour pour comprendre la résurrection, il nous faut toujours autant cette dose pour continuer à vivre du Ressuscité. Cet amour se vit en nous, ainsi qu'au coeur des relations que nous avons les uns avec les autres, ainsi qu'avec le Tout-Autre. Prenons alors le temps de nous arrêter, de nous arrêter pour aimer.

Amen.

33e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Dans ma vie, je n'ai jamais eu aussi peur qu'une nuit à Rixensart. J'étais louveteau et nous étions venu de Braine-l'Alleud passer un week-end dans cette charmante commune du Brabant wallon. C'était au cours d'un jeu de nuit terrfiant. Nous étions dans les bois du Château et nous avions tous peur, très peur. Du groupe, j'étais sans doute celui qui a eu le plus peur. Je me suis d'abord caché pour être certain de ne pas être attrapé. Mais ma peur était toujours là. Alors, j'ai pris mon courage à deux mains, le courage d'un enfant de 10 ans et je suis sorti du bois. Je suis allé sonner à une maison où il y avait encore de la lumière, avenue de Terlinden je crois. Et là, j'ai demandé de pouvoir appeler la police. Ce que le propriétaire a gentiment fait puis avec moi, sur le parking en face de cette Eglise (de l'Eglise Ste Croix) nous avons attendu le combi de la gendarmerie. C'était un jeu de nuit, un simple jeu de nuit. Et j'ai eu tellement peur. J'en ris aujourd'hui quand je revois la tête paniquée des animateurs à la vue du gyrophare. C'était au départ leur jeu, avec les gendarmes, il était devenu le mien.

Pourquoi vous racontez cette histoire, me direz-vous ? Parce que, je crois que l'histoire des Talents est d'abord et avant tout l'histoire d'une peur. Et des peurs, nous en avons toutes et tous. La première chose à faire, est d'abord de se l'avouer, de ne pas crâner sinon notre aggressivité sera signe de cette peur intérieure. Ayant pris conscience de celle-ci, il y a lieu d'agir nous dit le Christ. A force d'avoir peur, nous risquons de ne plus rien faire à l'image de l'homme qui n'avait qu'un seul talent. Cet homme a manqué d'audance et de confiance. Il n'a pas pris ses reponsabilités. Nous ne sommes pas sur terre pour subir la vie mais pour la vivre à fond et pour ce faire, il y a parfois des risques à prendre. Refuser d'agir au nom de la peur, c'est donner un terrible pouvoir à l'autre et c'est ne pas utiliser sa liberté. Si je ne fais rien à 15 ans parce que j'ai peur d'être renvoyé alors que j'assiste à une injustice. Si je ne fais rien à 40 ans, parce que j'ai peur de perdre mon emploi. Ou encore, quand j'ai vu quelque chose qui m'a choqué et j'ai failli réagir mais je n'ai rien fait. Des si, si, et si et des j'ai failli jalonnent nos vies. Mais alors quand serais-je libre ? A 65 ans ? Non parce qu'à ce moment là je commencerai à avoir peut-être peur de la mort ? Malgré nos fragilités, nos peurs sont à dépasser. Elles ne doivent pas guider nos vies. Un être qui a peur, enterre sa vie parce qu'il a trop peur de la perdre. Or, une seule vie nous a été donnée, ne passons pas à côté de celle-ci. Elle vaut tellement la peine d'être vécue en plénitude.

Pour ce faire, il nous suffit de repartir des talents, des dons que chacune et chacun nous avons reçus. Peu importe leur nombre, exploitons ce que nous avons, même si cela nous semble tout petit. De toute façon, nous avons toujours l'impression que ce que les autres ont, c'est mieux que ce que nous possédons et nous en arrivons à oublier ce qui est nôtre, comme si c'était rangé au fond d'une caisse de notre être. Et pourtant pour exister, pour vivre pleinement, le Seigneur attend de nous de faire fructifier les talents qu'Il nous a donnés. Rien de plus, rien de moins. C'est à partir de nos dons que nous pouvons construire la vie que nous souhaitons vivre. Gandhi ne disait-il déjà pas : « sois toi-même le changement que tu veux pour le monde ». Soyons d'abord nous-mêmes. Reconnaissons ce que nous avons puis aimons-nous. Oui, aimons-nous. C'est dans le « je m'aime » que je peux trouver les forces nécessaires pour être moi en vérité, utiliser ma propre créativité pour exister. C'est vrai qu'il y a des lieux qui nous empêchent de développer nos richesses personnelles. A nous de les transformer pour qu'ils deviennent eux aussi des lieux invitant à la simplicité, à la spontanéité et donc au refus de posséder ce qui ne nous a pas été donné. Il faut alors arrêter en nous cette machine infernale de passer son temps à tenter d'acquérir les dons des autres. Certains prétendent qu'améliorer ce que nous avons, c'est trop facile. Je crois sincèrement qu'ils se trompent en disant cela. Nous ne sommes pas sur terre pour souffrir mais pour grandir et vivre. Essayons d'abord de prendre ce temps qui nous est donné pour faire fructifier ce qui est à nous, ou plutôt ce qui est nous. Alors et alors seulement nous pourrons devenir qui nous sommes et au retour, de son voyage, sans peur, nous pourrons répondre à la question de Dieu : qu'as-tu fait des dons que je t'ai donnés ?

Amen.

28e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Mt 22, 1-14

Alors qu'Olivier Strelli vient de nous annoncer qu'il ne dessinera pas la robe de mariée de la future reine des Belges, que les médias nous parlent des collections de mode présentées à Paris cette semaine, les couturiers de Ralph Loren, Scapa of Scotland, Cricket and Co doivent être heureux d'entendre l'évangile de ce jour. Quelle belle publicité pour eux. Enfin pour qu'ils en soient conscients, il faudrait évidemment qu'ils assistent à la messe, et ça, je n'en suis pas trop sûr, mais qui sait finalement. Je profite de cette occasion pour formellement démentir le bruit qui a couru chez certains d'entre vous que les habits dominicains allaient être confectionnés par la célèbre marque belge. C'est tout à fait faux.

Et pourtant aussi compétents qu'ils soient ces couturiers, ils n'arriveront jamais à réaliser les vêtements dont le Christ nous parle. En effet, il n'existe à ce jour aucun tissu qui permet de confectionner les habits de la foi pour participer à la noce. Un vêtement spécifique que nous revêtons pour dire l'aujourd'hui de notre bonheur de croire. Il est cousu avec les plus beaux fils invisibles entrelacés d'amour et de douceur. Nous sommes invités à le porter tout le temps, à chaque instant. Et c'est là que les choses se compliquent un tant soit peu. Vivre et croire ne vont pas toujours très bien ensemble. C'est tellement facile pour nous d'être pris par les choses de la vie que nous en arrivons parfois à oublier les choses de l'éternité, de se limiter à ce que l'on voit plutôt qu'à ce que nous ne voyons pas, d'entendre les appels de plus en plus pressant du monde plutôt que la douceur de la voix du Christ. Nous pouvons être à ce point préoccupés de gagner notre vie que nous en arrivons à la perdre en passant à côté d'elle comme si l'organisation, la gestion de cette dernière nous en faisait presque oublier son existence. Je ne vis plus, je survis dans un monde qui me demande de plus en plus et j'en arrive presque à me noyer dans cet océan sans fond, sans îlot pour se reposer ne fut-ce qu'un petit temps au cours de cette course folle. Courir, toujours courir mais après quoi finalement : un bien-être terrestre, des désirs à combler, des plaisirs à fredonner. Au risque de se perdre soi-même. C'est vrai, il est souvent bien difficile à porter cet habit de foi, de vivre en accord avec soi au nom des valeurs auxquelles nous adhérons, au nom du Dieu auquel nous croyons.

Alors, c'est vrai, parfois nous nous déshabillons, nous retirons cet habit et nous succombons à certaines tentations qui ne nous font pas grandir, qui parfois nous blessent nous ou celles et ceux qui croisent nos chemins. Et ces fameuses tentations font elles aussi partie de la vie mais nous gardons en nous l'espérance que si nous ne portons pas toujours l'habit de la foi, il en reste toujours sa trace, comme s'il était imprimé sur notre corps. Même si Dieu n'est pas omniprésent dans nos existences, dans nos gestes quotidiens, la foi a ancré en nous des marques précises. Celles-ci parfois de manière inconsciente nous permettent de ne pas nous trahir, de continuer à avancer avec les valeurs de l'éternité que sont le respect, la tolérance de soi, des autres, du Tout-Autre. Parce que dans le miroir de l'amour nous revient toujours l'image de l'être que nous souhaitons devenir malgré nos errances, nos trébuchements. [Comme le disaient ceux qui ont préparé cette eucharistie, et comme ils sont tous en voie de devenir ingénieur,] « une flamme doit toujours rester comme dans le boiler de la salle de bain ». C'est une image peut-être un peu terre à terre mais elle nous rappelle que l'éphémère ne doit jamais l'emporter sur l'éternel. Le vêtement de la noce à laquelle toutes et tous nous sommes conviés est un habit divin. Il se porte, en tout temps, en tout lieu, avec douceur et en tendresse. Ne l'abîmons pas, ne le négligeons pas, il est souffle de vie. Il nous accompagne dans les plaines, sur des sentiers escarpés et même lorsque la vie nous semble devenir une montagne infranchissable. L'habit de la foi, revêtons-le, au-delà des couleurs qu'il apporte, il donne un tout autre goût à la vie.

Amen.

34e dimanche ordinaire, année A (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

S'il y a bien quelque chose que je trouve énervant, voire même insupportable dans la vie, c'est le football. Je n'arrive pas à comprendre comment 22 types peuvent s'amuser à courir derrière un ballon devant des milliers de gens qui, dans les gradins, gesticulent, hurlent, chantent et même parfois, mangent des boudins blancs dans des pistolets, tout cela cuit le long du terrain. J'ai vécu un match Anderlecht-Standard à 14 ans et j'en suis encore marqué. C'était la première et la dernière fois que j'assistais à ce genre de rencontre. C'était presque trop pour moi. Même le Mondial ne fait vibrer aucune fibre patriotique en moi. Je dois vous avouer que je suis même content lorsque les belges perdent, au moins je n'entendrai plus parler de ce sport. Pire encore, lorsqu'il m'arrive de passer devant une télévision et d'entendre un footballeur interrogé par le journaliste, je le supplie intérieurement de se taire et de retourner le plus vite possible jouer sur le terrain. N'essayez pas de me raisonner, c'est peine perdue. D'autres l'ont tenté avant vous. Mes sentiments à l'égard de ce sport et des professionnels qui en vivent, sont tout à fait irrationnels. Une fois pour toute j'ai décidé que je n'aimais pas, c'est mon côté sale gamin.

Pour moi, c'est le foot ; pour vous, c'est sans doute autre chose. Mais dans la vie, il y a toujours des catégories de personnes qui nous énervent, nous irritent et nous aimerions tant qu'elles ne croisent pas notre chemin. Il y a celles qui sont trop différentes de nous et que nous n'arrivons pas à comprendre, puis celles qui nous ressemblent trop et qui nous montrent une partie de nous-mêmes que nous n'aimons pas. Il y a aussi ces individus qui nous ont blessés, parfois humiliés et nous avons pas été capables de nous défendre. La liste des gens que nous n'apprécions pas spécialement peut parfois être longue. A quelques exceptions près, elle est souvent irrationnelle vous disais-je. C'est comme cela, c'est plus fort que moi, entendons-nous dire. Et tous les discours moralisateurs qui jalonnent notre vie n'y ont rien fait. Ce sentiment négatif nous colle à la peau. Si nous avons étiqueté l'autre d'imbécile, il est difficile de changer d'avis. Tant pis pour lui, tant pis pour nous : un peu comme si je me disais, tu es né au royaume des cons et bien tu y mourras. Un brin de mépris, comme si en le rabaissant à mes yeux, je vaux mieux qu'elle ou lui. Et en bon chrétien, j'aurai beau me dire que dois changer mon attitude, que je dois aussi l'aimer puisque c'est ce que le Christ me demande, rien n'y changera. Les sentiments négatifs sont trop forts. Alors plutôt que de m'enfermer dans une certaine fatalité, je suis invité à méditer l'évangile de ce jour et prendre conscience qu'il y a aussi un peu de Dieu dans les yeux de l'autre. Si j'accepte que Dieu vit en moi, que je suis une de ses nombreuses résidences, je dois également reconnaître qu'il réside aussi même chez celui ou celle qui a moins de valeur à mes propres yeux. Si donc Dieu vit en lui et si je prends tant Dieu que ma foi au sérieux, je peux commencer à prier pour lui. L'effet de la prière, aussi lent puisse-t-il être me transformera de l'intérieur, ouvrira mon regard sur des faces voilées de l'autre. Prier pour celle ou celui qui m'irrite, qui est trop différent, c'est accepter que Dieu l'aime et qu'il vaut la peine. Rarement notre raison brisera les sentiments négatifs. Souvent la prière apaisera notre coeur pour regarder et découvrir l'autre autrement. C'est tout aussi irrationnel, c'est l'Esprit à l'oeuvre en nous.

En Dieu nous trouvons la source de vie qui transforme nos regards vis-à-vis de celles et ceux que nous croisons. Et comme le rappelle l'évangile, Dieu n'attend pas grand chose : juste une visite, un vêtement, un morceau de pain et pourquoi pas un simple sourire. C'est si peu pour nous mais tant pour l'autre. En effet, ces petits gestes quotidiens rendent à la personne rencontrée un peu de sa dignité. Par un petit rien, au delà même des sentiments qui ont pu nous traversé, elle a de nouveau l'impression d'exister pour quelqu'un. Un geste, un simple petit geste et la terre se met à chanter autrement puisque dans celui-ci Dieu est présent : « chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait ». Si la prière transforme notre regard, elle est une étape préliminaire pour faire vivre Dieu dans ces petites choses qui font la richesse de la vie et qui donne un goût nouveau à la personne différente ou désemparée. Faire d'une simple rencontre, un lieu de Dieu ? A nous d'en décider.

Amen

1er dimanche de Carême, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Satan ou Serpent ? Démon ou Ange déçu ? Tentateur réel ou fruit d'une illusion personnelle ou collective ? Je n'en sais trop rien. En tout cas ce qui me paraît clair dans les deux récits bibliques où il intervient, c'est qu'il est ennuyeux, voire même répétitif. Quel manque d'imagination, quelle pauvreté créative, de quoi presque pleurer face à une telle médiocrité et j'en arrive presque à avoir pitié de lui. Non pas une pitié de compassion mais une pitié avec un brin de mépris. Vous me direz, c'est mal de penser comme cela surtout en carême. Je vous répondrais, vous avez sans doute raison, mais le dimanche comme ce n'est pas carême laissez-moi en profiter un peu.

Qu'il existe ou non, je vous le disais, je n'en sais trop rien, et je dirais même que personnellement je n'y crois pas trop. Mais au-delà de sa propre réalité, ce qui reste effrayant c'est que ce qu'il représente reste hélas, toujours et encore, trop bien présent dans nos vies : le désir de dominer, le désir de maîtriser, voire même le désir d'écraser l'autre pour mieux exister. Dans le récit évangélique, le Tentateur propose par trois fois des occasions de maîtrise : changer les pierres en pain, tenter Dieu pour qu'il sauve et encore, recevoir tous les royaumes du monde avec leur gloire. En éprouvant de la sorte Jésus, il ne fait que répéter l'histoire d'Adam et Eve dans le récit de la Genèse. Ces derniers vont goûter du fruit de l'arbre pour devenir comme Dieu, pensaient-ils. C'est-à-dire avoir ainsi la connaissance totale de l'autre, la connaissance totale du Tout Autre en devenant son égal puisque Dieu sait tout, Dieu connaît tout, Dieu domine tout, pensaient-ils naïvement. Désir de dominer et voilà qu'à l'instant même où ce désir précis se réalise, ils découvrent qu'ils sont nus. Dans ce récit, comme dans la vie d'ailleurs, entre personne qui se connaissent, le partage de la nudité est signe de confiance. Si je suis nu, face à toi, je me montre tel que je suis, je n'ai plus rien à cacher, à te cacher. Je deviens profondément vulnérable face à toi. Et pourtant ma nudité ne m'effraye pas, ne m'angoisse pas, car je sais au fond de moi, que tu me respectes, que tu m'aimes. En toi, j'ai mis ma confiance, je te l'ai donnée car je sais que tu n'en abuseras pas. Tu laisses entre nous l'espace nécessaire pour que l'un et l'autre nous puissions exister et faire vivre nos différences comme des richesses qui se complètent. Cette confiance est au coeur de notre relation et ce, qu'elle soit humaine ou divine.

Et pourtant, nous dit le récit un peu plus loin, Adam et Eve vont se cacher l'un de l'autre car la confiance s'est rompue entre eux. Comment garder confiance lorsque l'on sait que l'un et l'autre veulent se dominer pour avoir le dessus. La domination, la maîtrise vont tuer la relation. Cette dernière ne peut se vivre et grandir que dans l'abandon réciproque né d'une confiance mutuelle et inaltérable. Si je te domine car je crois que j'existe mieux, que je suis vraiment quelqu'un, un jour je découvrirai dans ma solitude intérieure que je ne suis qu'objet d'admiration. Par contre, si j'accepte de m'abandonner et de faire le pari de la confiance, un jour je découvrirai, tout autant dans ma solitude intérieure que je suis un sujet d'amour. La domination tue la relation, l'abandon l'a fait vivre. C'est ce que l'histoire tant de la Genèse que de l'évangile tente de nous démontrer. Le Dieu de la Genèse n'est pas un Dieu de la maîtrise, le Jésus de l'évangile n'est pas un Dieu de domination. Et pourtant, croyons-nous ils sont tous deux Tout puissants. Mais leur toute puissance, n'est peut-être pas cette toute puissance à laquelle nous croyons, une toute puissance de domination. Dieu qu'il soit Père ou Fils, ils sont tous deux signes d'une maîtrise maîtrisée, c'est-à-dire d'une puissance de douceur, d'une puissance de tendresse. C'est cette puissance-là, et seulement celle-là qui fait vivre et qui permet d'aimer. Que cette puissance de douceur et de tendresse nous accompagne tout au long de ce carême.

Amen.

Epiphanie

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 1998-1999

Je ne sais pas si vous vous êtes déjà posés la question suivante : « qu'est-ce que Jésus a bien pu faire de ses cadeaux reçus des mages d'Orient ? ». Je n'ai pas pu trouver jusqu'à ce jour de réponse chez les auteurs sérieux. Nous savons qu'ils ont une représentation symbolique, l'or pour la royauté du Christ, l'encens pour le sacerdoce et la myrrhe comme signe précurseur de sa mort. Au-delà de ses symboles, seuls les humoristes ont tenté de répondre à ma question existentielle sur les cadeaux. D'après eux, comme Jésus est né dans une étable et qu'il y avait du bétail pour le réchauffer, l'encens a été utilisé directement pour donner un peu de fraîcheur à l'établissement. Comme Marie ne savait pas à quoi pouvait servir la myrrhe, elle l'aurait jetée, prétendent-ils. En ce qui concerne l'or, une légende raconte que les parents l'avaient gardé pour payer les études de Jésus dans un Collège Jésuite de Jérusalem. Arrivé à l'âge de 12 ans l'enfant refusa d'aller dans une telle école, il avait déjà la sagesse de l'Enfant Dieu. Marie donna alors l'argent en même temps que le rosaire à Saint Dominique qui fonda cet ordre merveilleux. C'est une légende, une très belle légende, à raconter aujourd'hui, puisque l'Epiphanie est également la fête de la communauté dominicaine de Froidmont. Ce ne sont pas seulement les cadeaux qui sont importants dans le récit que nous venons d'entendre mais plutôt le fait qu'ils aient été donnés. Les rois mages se sont dépouillés d'une partie de ce qu'ils possédaient pour pouvoir admirer l'Enfant Dieu dans sa crèche. Depuis ce jour, tout au long des siècles, les auteurs spirituels n'ont fait que nous rappeler que Dieu, Père, Fils ou Esprit, se rencontre dans le dépouillement, notre dépouillement intérieur c'est-à-dire dans un désencombrement de ce qui nous fait vivre habituellement pour que la vérité de la relation puisse se vivre. Depuis notre naissance, nous sommes en chemin sur la route de la vie. Toutes et tous nous sommes en quête d'une « crèche » intérieure. Les « crèches » sont multiples. Dans la nôtre se repose l'Enfant Dieu qui se manifeste à nous pour la première fois de la sorte. Cette crèche n'est pas mieux, ni moins bien que les autres qui ont existé et existent encore. Elle est la nôtre, c'est en elle que nous trouvons sens à notre vie. C'est l'Enfant Dieu manifesté qui nous montre un chemin possible de retour à l'essentiel. Si je crois qu'il y a plusieurs crèches depuis la création de l'humanité, je dois également reconnaître que les chemins pour y arriver sont innombrables. Il y a autant de chemins qu'il n'y a d'êtres humains. A chacune et chacun de découvrir le sien. Pour certains, ils sont tortueux, pour d'autres rocailleux, pour d'autres encore, ils sont des sentiers de vie où il fait bon marcher. Chacun a le sien et chacun y mettra le temps qu'il faut pour y arriver. Nous vivons dans l'espérance que nous n'arriverons jamais trop tard à la crèche intérieur. Nos chemins pour y arriver sont façonnés par nos destinées, parsemés de nos blessures intérieures, enrichis de nos bonheurs. Ils sont ce que nous sommes et ce que nous devenons. Et comme les mages, nous partons à la conquête de notre étoile. Il y a suffisamment d'étoiles dans le ciel pour que chacun puisse s'en approprier une et la suivre. Par notre présence en ce lieu, nous nous rappelons les uns aux autres que nous sommes des chercheurs de Dieu, des êtres en route et en quête de sens. Mais cette fameuse crèche intérieure est-elle véritablement l'essentiel de nos existences ? Guide-t-elle nos conduites et nos choix de vie ? En ce jour, Dieu se manifeste à nous. Le prenons-nous véritablement au sérieux ou bien est-ce une belle histoire parmi d'autres ? Quelques questions en cette fête de l'Epiphanie ? A chacune et chacun d'y répondre mais pour ce faire nous devons nous mettre et nous remettre en route pour redécouvrir en nous l'Enfant Dieu qui sommeille. Il est fragile. Il est mystère et nous remet face à notre propre mystère. L'Enfant Dieu manifesté se donne à nous et nous convie à nous dépouiller de ce qui nous encombre pour le rencontrer. Dieu résonne au plus profond de nos silences intérieurs. Entendre son souffle est une expérience qu'il nous est offerte à vivre. Si c'est vrai, il est alors temps de marcher à nouveau sur nos chemins. Amen.

3e dimanche de Carême, année A

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

La soif, c'est plus que le désir de boire ; c'est une certaine lassitude, un manque d'énergie, un sens de ne plus vouloir continuer, comme l'homme Jésus qui, ayant soif, s'assied au bord du puits. Peut-être que nous sommes si las que nous ne voulons même pas boire, mais nous avons quand même besoin d'une boisson rafraîchissante, d'un coca-cola, d'une bière, d'une tasse de thé - ou, comme le dit la Bible, de l'eau pure, de l'eau vive.

Dans la première lecture, les hébreux ont soif. Ce n'est pas étonnant. Ils sont dans le désert, entourés de rochers et de sable, ils passent depuis longtemps dans une terre aride, altérée, sans eau. Dieu dit à Moïse de frapper un rocher. C'est les rochers qui entourent les hébreux qui leur font problème ; Moïse doit effectivement frapper le problème, et de ce rocher, de cet environnement aride, pierreux et hostile, sort de l'eau rafraîchissante ; du milieu de ce désert porteur de la mort jaillit de l'eau qui fait vivre.

C'est sûrement un récit symbolique. S'il y a une soif physique, il y a aussi une soif spirituelle, que la Bible appelle la soif de Dieu. Il y une lassitude spirituelle, un sens d'être dans un désert spirituel, dans un monde aride, hostile, où rien ne nous nourrit, rien ne nous rafraîchit. Ce petit récit de l'Ancien Testament nous dit que, même dans un tel désert spirituel, il y a un rafraîchissement à avoir. Des centaines d'années après que ce récit a été écrit, Saint Paul y a vu une image du Christ. Il dit dans sa première lettre aux Corinthiens que les hébreux "ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était Christ" (1 Cor 10:4). Même si les hébreux dans le désert ne le savaient pas, c'est le Christ qui était la source de leur vie spirituelle, c'est Jésus qui les a rafraîchis. Qui est plus, Paul dit que ce rocher qu'était le Christ les suivait. C'est une image bizarre, ce rocher automobile qui court derrière le peuple dans le désert. Mais ce qu'il veut dire, c'est que Jésus était toujours présent, là où ils étaient, il ne fallait pas se déplacer pour trouver cette eau spirituelle dont ils avaient besoin.

L'évangile d'aujourd'hui, l'évangile de la Samaritaine, va dans le même sens. Jésus dit à la Samaritaine que c'est lui la source d'eau vive, de l'eau qui fait vivre et qui rafraîchit. En disant cela, il prétend effectivement être divin, parce qu'il n'y a que Dieu qui peut étancher la soif spirituelle de l'être humain. Et pour trouver cette eau il ne faut pas aller puiser à un lieu profond comme le puits de Jacob, c'est à dire à la tradition juive. Il ne faut pas non plus aller à Jérusalem ou à la montagne des Samaritains pour adorer le vrai Dieu ; adorer le vrai Dieu en esprit et vérité, c'est la même chose que de se laisser rafraîchir par Dieu, recevoir la vie que Dieu nous donne. Jésus, la source de cette eau et de cette vie, et déjà là où nous sommes.

Cette source n'est pas extérieure à nous-mêmes. "Celui qui boira de l'eau que moi je lui donnerai n'aura plus jamais soif, et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle". Nous avons déjà en nous-mêmes la source de notre vie spirituelle. Il y a beaucoup de religions non-chrétiennes qui le savent aussi, qui disent que chacun doit trouver ses ressources spirituelles en lui-même. La différence est que les chrétiens reconnaissent que cette source de vie, bien qu'elle soit en nous, n'est pas de nous ; cette vie est la vie de Dieu en nous. Et cette source est là où nous sommes, même dans les circonstances les plus arides, dans un désert spirituel. Il est vrai que les circonstances sont très importantes pour nous ; Dieu nous a faits pour être influencés par les choses et les personnes qui nous entourent. Mais si nos circonstances nous influencent, elles ne nous déterminent pas. La manière dont nous vivons dans nos circonstances dépend de la manière dont nous nous nourrissons de la source de vie qui est en nous. Toute la tradition chrétienne en est témoin ; et plus spécialement dans la tradition monastique, il y a toujours eu ceux qui, comme saint Antoine et Charles de Foucauld, vont précisément au désert pour découvrir en eux-mêmes cette source jaillissante de vie éternelle dont Jésus parle. Si nous avons en nous cette source de vie spirituelle, profitons-en. Par la prière, par la méditation, par le silence - par la pratique qui nous convient - puisons au profondeur de nous-mêmes cette eau que Jésus est venu nous donner.

5e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

« Notre Père qui es aux cieux », phrase que nous connaissons toutes et tous puisqu'elle introduit la prière que nous récitons à chacune de nos eucharisties. « Notre Père qui es aux cieux », si nous croyons qu'il est vraiment aux cieux, cela signifie quelque part qu'il n'est plus sur terre. Dieu, aux cieux, les créatures sur la terre. Telle est bien notre situation. C'est parce qu'il est aux cieux, que Dieu non pas nous complimente mais nous rappelle aujourd'hui encore qui nous sommes si nous croyons en lui sur cette terre. « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ». Ce ne sont pas des invitations, des projets à notre encontre mais bien des affirmations divines. Un peu comme si Dieu nous disait : vous voyez, moi, je suis ici au ciel, ce n'est que par vous que je peux vivre sur terre. C'est par vous, avec l'aide de l'Esprit évidemment, que le monde me connaîtra, que le monde m'aimera. Et c'est pourquoi tout simplement vous devez être le sel de la terre et la lumière du monde.

Deux affirmations, deux injonctions pour définir ce qu'est la vie chrétienne, une vie de foi. La foi, en tout cas pour Dieu d'après les dires de son propre Fils, n'est pas quelque chose d'incolore, d'inodore et d'insipide. La foi est cette touche qui donne un tout autre goût à la vie, un goût merveilleux puisqu'il est celui du bonheur. Mais est-ce si vrai que cela : la foi nous donne-t-elle vraiment le bonheur. Sommes nous signes et témoins de notre foi, dans nos gestes, nos actes et nos paroles ? Un homme écrivait un jour dans son journal intime, un événement qui lui semblait bien extraordinaire : « aujourd'hui je suis allé à l'Eglise et je n'ai pas été déprimé. C'est vrai, je croirais plus facilement en ce Dieu d'Amour et de Bonté si tous ces gens qui se prétendent croyants n'étaient pas habillés en couleur de tristesse et n'avaient pas des têtes et des comportements de croque-morts ». Ce ne sont évidemment que quelques phrases tirées d'un journal intime qui n'engage que leur auteur. Pourtant, elles me semblent trop souvent encore criantes de vérité, comme si notre foi se résumait au bois de la Croix. Limiter le combat de la vie au combat de la croix est une erreur car la Croix à laquelle nous croyons est une croix fleurie, une croix brillante, une croix de lumière, celle de la résurrection. Nous sommes signes de Dieu, signes de Jésus lorsque nous faisons transparaître cette lumière qui nous habite plutôt que la pénombre de nos inquiétudes et questions. La foi est avant tout confiance. Une confiance en un mystère qui dépasse toute compréhension, une confiance en une vie qui va au-delà de notre vie, et une espérance que le bonheur est déjà à vivre sur cette terre.

Dieu a besoin de nous pour continuer à exister sur cette terre. Il n'attend pas de nous, me semble-t-il, que nous soyons de simples enseignants, transmetteurs d'un savoir d'une génération à l'autre. Dieu attend de nous que par notre bonheur de vivre, par notre épanouissement, notre manière d'être nous donnions aux autres le goût et le désir de croire en ce Dieu qui nous accompagne sur nos chemins même s'il nous semble parfois bien silencieux. Si la foi éclaire nos routes, elle doit également éclairer celles des autres. C'est bien la multitude des lampes que nous sommes qui doit éclairer le monde dans lequel nous vivons. Ni plus, ni moins. Etre lumière du monde, c'est accepter d'être des diffuseurs de joie. Voilà à quoi se résume notre vocation baptismale : être des diffuseurs de joie. Mais pas n'importe quelle joie !

Une joie pure à l'image du sel que nous sommes. En effet, pour les Romains, à l'époque de Jésus, le sel était symbole de pureté puisqu'il provenait selon eux des deux choses les plus pures de l'univers : le soleil et la mer. La joie que nous sommes appelés à diffuser prend sa source dans la pureté de nos intentions, de nos paroles et de nos actes. Elle prend source dans cette pureté de Dieu qui vit au plus profond de nous-mêmes. « Sel de la terre, lumière du monde », non pas ce que nous serons un jour, mais ce que nous avons à être dès maintenant. Amen.

2e dimanche de Carême, année A

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Jésus prend Pierre, Jacques et Jean, et il les emmène sur une haute montagne. Ce sont trois des premiers quatre disciples que Jésus prend. Ils le connaissent maintenant assez bien. Ils ont entendu une grande partie de son enseignement, ils ont vu les miracles qu'il a accomplis. Ils savent que c'est un homme qui parle avec autorité, qu'il peut guérir les malades et expulser les démons. Ils trouvent profond et convaincant son enseignement. Tout cela explique pourquoi ils continuent à le suivre : c'est un homme qu'il vaut la peine de suivre. Cela n'est pas rare ; c'est l'expérience des disciples de beaucoup de rabbins, de beaucoup de gourous.

Mais maintenant, sur cette haute montagne, Pierre, Jacques et Jean découvrent que Jésus est beaucoup plus que cela, qu'il est beaucoup plus qu'un homme dont les paroles et les gestes sont impressionnants, et dont les valeurs sont profondes. Il est transfiguré devant eux ; il brille comme le soleil, ses vêtements comme la lumière. Ceci n'est pas simplement un spectacle, ou encore un miracle. Ici, il ne s'agit pas de ce que Jésus fait, mais plutôt de la révélation de ce qu'il est. Il est révélé comme source de la lumière. Ce n'est pas un homme éclairé ; Jésus est celui qui éclaire, qui illumine, qui, dans l'obscurité de cette vie, est lumière. C'est à dire que Jésus est une figure divine. Comme nous le disons chaque dimanche lorsque nous récitons de crédo, il est lumière née de la lumière. Depuis le début, quand Jésus les a appelés là au bord du lac de Galilée, Pierre, Jacques et Jean sont, sans le savoir, en présence de Dieu. Maintenant, ils voient la divinité de Jésus. La voix qui vient de la nuée lumineuse le confirme : "Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour". Depuis quelques mois, peut-être depuis des années, ils marchent avec Dieu, et Dieu avec eux, d'une manière humaine, familière, intime.

En entendant cette voix, les trois se rendent compte du mystère divin qui, depuis longtemps mais à leur insu, fait partie de leur quotidien. Ils réagissent par se prosterner, remplis de crainte. Leur réaction est juste, parce qu'il faut avoir crainte devant Dieu, devant le mystère divin qui est la source de toute existence et de toute vie. Et n'ont-ils pas accompagné Jésus jusque maintenant d'une manière tout à fait inappropriée ? Un homme ne marche pas avec Dieu, son créateur, comme avec un simple homme. Leur crainte est donc compréhensible.

Mais Jésus s'approche d'eux et leur dit de se relever et d'être sans crainte. Seul Dieu a le droit de dire aux hommes de ne pas avoir peur devant Dieu, seul Dieu peut inviter les hommes à se mettre debout, à regarder Dieu face à face. Si ici, sur la montagne, Jésus est révélé comme Dieu, Dieu est révélé comme l'ami des hommes, comme le Dieu avec qui on peut cheminer d'une manière familière, intime. Si ici se révèle le fait Jésus est divin, il se révèle aussi que, en Jésus, le Dieu devant lequel il faut se prosterner est vraiment devenu humain, un homme ami des hommes, qui marche avec nous et fait partie de notre quotidien même si nous ne le savons pas, qui s'approche de nous, qui nous met debout.

Fête de la Sainte Trinité

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 1998-1999

C'est quand même fou que pour une fête comme celle d'aujourd'hui la liturgie nous propose juste 10 versets de la Bible. 10 versets pour trois lectures. A ce rythme-là, nous pourrions presque fêter la Trinité tous les jours. 10 versets dont seulement trois pour l'évangile. Etonnant, surprenant : si peu de mots pour un si grand mystère. En fait, en les méditant ces versets, nous pouvons constater que tout y est dit, qu'il n'y a rien à ajouter. Pas de chance pour vous, mais je me refuse à entrer dans ce type d'exercice de synthèse quant à mon sermon. 10 versets. 10 minutes de prédication. Je me réjouis déjà de la prochaine prédication, il y a 67 versets. Revenons à ces textes d'abord. Chacun d'eux exprime à leur manière une des personnes de la Trinité. De manière concise, de manière précise.

Commençons par l'évangile : en une phrase, toute l'Ecriture est résumée : Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. Dieu nous aime, Dieu m'aime. Qui sommes-nous, que valons-nous de si précieux pour que Dieu, oui Dieu, nous aime. Comme le rappelle, André Sève, dès que quelqu'un pense à nous, nous voilà heureux. Heureux de vivre, heureux d'exister parce que tout simplement aimé. Mais alors, comment se fait-il que nous ne ressentions pas le même bonheur, et un million de fois plus encore, lorsque nous découvrons que Dieu, Lui aussi, nous aime. La réponse est facile, poursuit notre auteur. Celles et ceux que nous aimons, ils ont un visage, leurs yeux nous sourient, leur voix nous émeut, nous les reconnaissons à leur pas. Mais Dieu ? Comment nous regarde-t-il ? Il est si difficile à imaginer, et tellement silencieux. Il est impossible à appréhender, à saisir. De Lui, nous ne savons presque rien, si ce n'est qu'il est Dieu. A la fois c'est rien et c'est tout en même temps. Et voilà que ce soir (matin), nous le redécouvrons dans notre première lecture. Dieu, le Père, se donne à nous en se révélant à Moïse : Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de fidélité ».

Dieu est Père et Tendresse est son nom. Un nom qui exprime à la fois la beauté, la fragilité, la vulnérabilité, l'accessibilité divine. On nous avait dit que Dieu était loin de nous, qu'il vivait à des kilomètres-lumière sur son petit nuage et voilà qu'il se révèle à nous tout proche, tout près, tout en douceur puisqu'il est tendresse. Son visage est pour nous tendresse, c'est-à-dire une vibration de sentiments au plus intime de notre être. Elle nous effleure sans bruit, sans cri, comme une caresse que nous ne nous lassons jamais de recevoir.

Vient ensuite le deuxième visage de Dieu. Dieu le Fils, Dieu notre frère en humanité. En son Fils, il a ce visage qui récapitule tous les visages de la terre. Toutes et tous, nous sommes de par notre humanité, icône du Christ. Et voilà, cette fois, que Dieu le Fils, se révèle à nous dans le visage de celles et ceux que nous rencontrons. Mais Dieu notre frère se donne aussi par l'exemple de sa vie, par ses moments passés parmi nous et les Ecrits qui en témoignent. Dieu le Fils s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu, c'est cela le sens premier de son Incarnation, c'est cela obtenir la vie éternelle. Et nous voyons, que peu à peu, même avec seulement 10 versets, le visage de Dieu se précise, se dévoile à nous. Mais pour que cette image soit parfaite, il nous manque encore la troisième personne de la Trinité. Elle est la communion entre Dieu le Père et Dieu le Frère mais aussi entre le Dieu Trinitaire et son humanité. Cette communion porte le nom de la fleur de la Tendresse, c'est-à-dire l'amour. L'amour, ce quelque chose que les mots ne peuvent véritablement exprimer, est signe de la présence divine. Là où il y a de l'amour, il y a l'Esprit-Saint. C'est de cette manière qu'il se dévoile à nous et révèle ainsi une autre dimension du visage de Dieu.

Trois parties d'un même visage, trois personnes d'une même divinité. Normal qu'il n'ait fallu que 10 versets pour l'exprimer. Car Dieu n'est pas fait pour être appréhender, mais plutôt pour être médité, prié. Amen.

2e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Un patron belge d'une grande société à capitaux de notre pays venant de vivre une fusion cette semaine et dont je tairai le nom disait un jour : « dans une réunion, où une quinzaine de personnes assistent, lorsqu'il faut discuter d'un investissement de plusieurs milliards de nos francs, seulement trois ou quatre prendront la parole. Par contre, quand il faut décider de la couleur du tapis plein qui va être changé au troisième étage de l'immeuble, là chacun a son mot à dire ». Au plus les décisions sont complexes, au plus elles nous dépassent. Au plus elles s'éloignent de nous, au plus nous ne nous sentons pas concernés. Phénomène intéressant, quand on nous parle de décisions au niveau de la Commission européenne, de mondialisation (je me permets de vous rappeler la conférence qui aura lieu ce vendredi dans cette église), de globalisation, nous sentons que notre prise sur la réalité prend une certaine distance. Tout s'éloigne de nous comme si inexorablement nous ne pouvions rien faire. Peut alors s'installer en nous un sentiment de découragement, voire même de déprime et nous entrons alors dans la philosophie des « ah quoi bon ! ». Comme si le fatalisme était notre réponse. En effet, du fait que tout est dépersonnalisé, nous pouvons nous rassurer en regardant l'absence de réaction chez les autres. Si personne ne bouge pourquoi n'en ferais-je pas autant. Allons-nous inexorablement vers un monde mauvais, où tout va finir par s'écrouler ? La peur devient-elle moteur de nos existences ? Si tel est le cas, il est plus que temps de nous tourner à nouveau vers les textes de notre liturgie d'Avent. Notre monde n'a pas été créé pour aller vers une catastrophe cosmique ; nous sommes sur terre pour découvrir le bonheur. Et si nous nous sentons bien seul face à l'immensité de l'évolution de notre humanité, rappelons-nous que les juifs vivaient la même chose à l'époque de Jésus. Depuis plus de quatre siècles déjà, la voix prophétique s'était tue. Et voilà qu'aujourd'hui une voix à nouveau crie dans le désert. Cette voix s'adresse à nous dans nos déserts. Au coeur de notre société que je crois polluée par tant de bruits inutiles, Dieu nous invite à retrouver la route du silence et du calme. N'est-ce pas dans la brise légère qu'il se révèle à nous ? Dans nos déserts intérieurs, nous sommes conviés à oser prendre le temps de nous arrêter, à faire taire tous ces bruits qui nous protège de nous-mêmes et nous empêche de réfléchir. Dans nos silences intérieurs une voix crie : préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Un homme a transformé le monde, il y a deux mille ans. Nous aussi osons croire, osons faire ce pari que nous pouvons transformer le monde dans lequel nous sommes. Tel est d'ailleurs le thème de cette superbe bande dessinée de Van Hamme : SOS bonheur que je vous invite à lire. Alors que tout semble à ce point nous échapper, l'espérance permet de prendre part à la construction de notre monde. A nous de décider, quel type de société nous léguerons aux générations ultérieures. Et cette construction se vit maintenant, chacune et chacun y a sa place. Ce chemin à préparer, cette venue à célébrer, Jean l'adresse à chacune et chacun d'entre nous. L'invitation est lancée dans nos silences intérieurs. A nous d'y répondre avec ce que nous sommes, avec les moyens dont nous disposons. Ce ne sera peut-être qu'une petite goutte dans un océan. N'oublions jamais que celui-ci est formé de la somme de ces petites gouttes. Si nous nous y mettons toutes et tous à préparer ce chemin, les solidarités naîtront, l'autre que nous croisons prendra un autre visage, celui d'un frère ou d'une soeur à aimer. Alors que beaucoup étaient désespérés, il y a bientôt 2000 ans, certains ont écouté cette voix qui criait et c'est grâce à eux que nous sommes là ce soir (matin). La route qui nous est donnée de vivre est belle, empreinte de douceur et de tendresse, respectueuse des différences et s'enrichissant de celle-ci. Une route qui nous conduit à un monde de paix. Vous ne me croyez pas ? Pourtant ce n'est pas moi qui le dit, mais Isaïe. [Rappelez-vous : le loup habitera avec l'agneau, le nourrisson s'amusera sur le nid du cobra. C'est cela la paix de Dieu, le monde que nous sommes invités à construire. Il n'y a plus de temps à perdre, préparons le chemin du Seigneur. Amen.]

21e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Etonnant cette petite crise d'identité dans le chef de Jésus. On pourrait presque imaginer que cette scène se passe au cours de son adolescence comme s'il était un peu incertain sur lui-même ; un besoin de savoir ce que les autres pensent de lui pour pouvoir se construire et se situer dans son propre monde. Le Christ savait que ses jours étaient comptés. Avait-il réussi sa mission ? Allait-on l'oublier aussi vite après sa mort ou quelque chose resterait finalement de lui après les événements dramatiques auxquels il allait être confrontés ? Tant de questions pour un seul homme. Et nous pouvons comprendre qu'une petite crise d'angoisse existentielle ait pu le traverser. Pourtant, pourtant ce n'est pas d'abord sur cette fameuse question que je voudrais m'arrêter quelques instants ce soir (matin) mais plutôt sur l'endroit où elle a été posée. Ce n'est sans doute pas sans raison que le Christ s'interroge de cette manière précisément dans le région de Césarée-de-Philippe. Césarée-de-Philippe, ville hautement religieuse dans sa diversité. La ville était parsemée de nombreux temples dédiés au dieu syrien Baal. Nous pouvons en dénombrer quatorze. Césarée vivait donc sous l'ombrage d'anciens dieux. Mais ces dieux syriens étaient loin d'avoir le monopole du culte et de la vénération. Dans cette ville, il y avait également une caverne dans laquelle, le dieu grec Pan, dieu de la nature vit le jour. De plus pour les juifs de l'époque, le Jourdain prenait sa source dans cette même caverne. Juifs, Grecs, Syriens avaient fait de Césarée une ville d'adoration de leurs dieux. Il ne manquait plus que les Romains, me direz-vous. Ils ne nous ont pas attendu puisque toujours dans cette ville, ils érigèrent un temple de marbre blanc en l'honneur de la divinité de César. Dès lors, je crois que nous pouvons affirmer que cet endroit choisi par le Christ pour poser ses fameuses questions est loin d'être neutre. Voilà un homme, un sans logis, un sans le sous, un charpentier de Galilée entouré de douze hommes très simples, dans un endroit littéralement submergés de temples syriens, grecs, romains, dans un lieu plein de sens pour les juifs également ; voilà cet homme qui demande à ceux qui l'accompagnent « Le Fils de l'homme, qui est-il d'après ce que disent les hommes ? » Le Christ reprend à son compte cette dynamique de communication. D'abord savoir ce que l'autre dit sur lui. C'est vrai même pour nous, il est tellement plus facile de parler sur l'autre plutôt que de parler à l'autre. Parle sur l'autre, parler de l'autre n'apporte pas grand chose, c'est pourquoi Jésus se tourne vers ses disciples pour leur demander : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Cette histoire s'est passée, il y a bientôt deux mille ans. C'était bien loin d'ici. Les lieux ont changé et il en va de même pour les dieux. Ces derniers sont aujourd'hui différents mais tout aussi présents. Nos dieux contemporains sont peut être plus matériel, leur soi-disant bonheur est immédiat. Ils sont en tout cas plus palpables, plus réels. Mais comme les faux-dieux d'hier, ils risquent de nous enfermer dans une spirale qui va nous éloigner de nous-mêmes, nous enlever de notre raison d'être. C'est sans doute pourquoi ce soir (matin) encore, cet évangile s'adresse à chacune et chacun d'entre nous dans le silence de nos coeurs. Un peu comme si le Christ nous susurrait : « je n'attends pas de vous une connaissance intellectuelle sur moi ; il n'y a pas lieu de lire des livres sur ma vie, sur qui je suis ; je vous demande juste une petite chose : me connaître, c'est-à-dire entrer en relation avec moi. Rien de plus ». Cette relation se vivra de diverses manières, en fonction de chacune de nos histoires personnelles. Elle sera directe, régulière pour certains ; elle passera par l'amour et l'amitié pour d'autre. Chacune et chacun nous avons notre chemin de rencontre avec Jésus. Il n'y a pas de recette. Il n'y a pas de chemin tout tracé. Puisqu'il s'agit avec tout d'une rencontre, d'une relation, voire même d'un amour, c'est à nous de trouver notre manière de connaître le Christ. Epris de ce désir, de cette soif de connaissance, nous aussi nous pourrons dire : « oui, tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ». Amen