34e dimanche ordinaire, année B (Christ Roi)

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

La fête que nous célébrons aujourd'hui, la fête du Christ, roi de l'univers, a été instituée en 1925. C'était une manière de proclamer l'autorité universelle de Dieu et de son Messie. C'était le début de l'époque des grandes idéologies politiques, le communisme et le fascisme. Staline était au pouvoir dans l'Union Soviétique, le premier état communiste du monde, et Mussolini en Italie, le premier état fasciste. Pour ces régimes totalitaires, l'homme est complètement subordonné à l'état, ou au dictateur qui est censé incarner l'esprit du peuple. Notre fête est en partie une sorte de réponse à ces idéologies, une réponse que dit qu'aucune idéologie politique ne doit dominer sur l'homme, que l'état n'est pas la source de la vie humaine, qu'il n'est non plus la vraie fin de notre vie. L'état n'est pas « l'alpha et l'oméga ». L'alpha et l'oméga, celui qui a le premier mot et le dernier mot, notre origine et notre fin, c'est Dieu, le Dieu qui nous est révélé par et en Jésus Christ, comme le dit la lecture de l'Apocalypse de Jean. Ce n'est donc pas à Staline que devons obéir, ni à Mussolini, mais au Christ.

Les années 20 du 20e siècle n'étaient pas une époque de rois, mais de dictateurs et d'idéologues. L'Église parle plutôt en termes de rois parce que c'est plus conforme le langage traditionnel de la Bible. Mais c'est évidemment un titre très paradoxal. Si nous appelons Jésus « roi », c'est un roi qui n'assujettit pas son peuple mais qui les libère, qui ne s'impose pas à eux mais qui leur lave les pieds, c'est un roi dont le trône est un gibet. Le terme « roi » n'est pas approprié pour décrire Jésus. En fait, quand Pilate lui demande « Alors, tu es un roi ? », Jésus détourne la question, il change le vocabulaire. « C'est toi qui dit que je suis roi » dit-il. « Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ».

Les gouvernements totalitaires, tous les idéologues, tous les dictateurs, essaient, comme tout le monde, de se justifier ; ce faisant, ils essaient de supprimer la vérité. Ils doivent essayer de la supprimer, parce que la vérité est trop grande et trop diverse pour eux. Elle est trop riche pour être conforme à une idéologie. Ils doivent déformer la vérité, mentir, faire taire ceux qui essayent de dire la vérité. Il y avait un historien maoïste en Chine qui a écrit une histoire de la Chine. Un de ses lecteurs a remarqué que certaines choses que disait cet historien n'étaient pas conformes aux faits historiques, et il lui a reproché ce manque de vérité. L'historien lui a répondu : « Si les faits historiques ne s'accordent pas avec la théorie marxiste, il faut changer les faits. » C'était au moins un idéologue honnête. Pour lui, l'important n'était pas de proclamer la vérité, mais de suivre la ligne du parti.

Le Christ, par contre, n'est pas venu imposer une idéologie, mais apporter de la lumière, rendre témoignage à la vérité. Suivre le Christ, être obéissant au Christ, c'est être fidèle à la vérité, c'est toujours chercher la vérité. L'adhésion au Christ n'a rien à voir avec le fait de suivre la ligne du parti. Parfois, même l'Église a été tentée de se comporter comme un état totalitaire, comme si elle devait imposer une idéologie : elle a fait taire, parfois de manière violente, ceux qui ne suivaient pas la ligne officielle, elle a déformé la vérité. Mais, quand l'Église agit de la sorte, elle n'est plus fidèle à sa vocation, elle n'est plus fidèle au Christ, son roi. Les chrétiens, ceux qui suivent celui qui est venu rendre témoignage à la vérité, ont toujours le devoir de chercher la vérité et de ne pas se laisser séduire par ce qui est moins que la vérité, par ce qui est partiel et partial. Si nous cherchons la vérité, nous pouvons nous tromper, bien sûr - nous pouvons tomber, même sur le bon chemin - et en la cherchant il faut profiter de la sagesse et de l'expérience des autres, mais c'est finalement notre responsabilité de rester fidèle, non pas à la tradition, non pas à la doctrine de l'Église, mais à la vérité elle-même. Parfois, il peut sembler y avoir un conflit entre le christianisme et la vérité ; certains aspects du christianisme peuvent nous sembler faux. Il faut toujours suivre la vérité. Nous ne pouvons pas rester fidèles au Christ en ne restant pas fidèles à la vérité ; mais si, par contre, nous insistons pour suivre le chemin de la vérité, nous restons forcément fidèle au Christ, même sans le savoir, car le Christ est la vérité.

1er dimanche de Carême, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle.

Nous avons souvent entendu cet appel de Jésus. Toutes les semaines, mais surtout en carême, l'église nous invite à nous convertir, à ne plus pécher, à vivre dans la vertu et pas dans le péché. Parfois, nous écoutons cet appel et nous faisons un petit effort. Mais, pour la plupart, cela ne dure pas très longtemps. Nous retombons dans nos anciens péchés. Un des problèmes est que nous ne sommes pas, en général, de grands pécheurs. Nos péchés ne sont pas impressionnants, spectaculaires. Nous ne sommes pas des meurtriers habituels. Nos péchés sont quotidiens et médiocres. Ici, un petit manque de patience ; là, un petit manque de générosité. Si nous étions de grand pécheurs, nous pourrions faire un effort spectaculaire de conversion. Nous pourrions, avec beaucoup de force et d'énergie, rejeter le meurtre, décider d'éviter toute occasion de tuer. Mais nos péchés sont tellement petits, ils sont souvent là avant que nous ne les remarquions. Un geste presque automatique d'impatience, une phrase un peu dure, une phrase irréflechie, et nous voilà encore une fois dans le péché. Impossible d'être parfait. Et finalement, est-ce que c'est vraiment important de nous débarrasser de nos petits défauts ? On dit que le péché est une horreur, et il est vrai que le meurtre, le viol et l'oppression sont horribles ; mais nos péchés ne sont pas comme ça. Le langage de Jésus et de l'église semble un peu exaggéré et dramatique quand il s'agit de nos faiblesses quotidiennes.

C'est vrai. Il ne faut pas trop dramatiser quand on parle du péché ou des péchés de la plupart des gens. En plus, ces petits travers peuvent même être amusants, intéressants et satisfaisants. Même si nos péchés nous embêtent de temps en temps, ils peuvent nous attirer aussi.

Mais, il n'est pas tout à fait exact de dire la conversion, la pénitence, est un rejet du péché. Quand nous nous convertissons - si nous nous convertissons - nous ne nous détournons pas du péché. Nous nous tournons plutôt vers Dieu. Si la conversion est un concept important pour Jésus, ce n'est pas parce que le péché lui semble tellement laid ou horrible. N'oublions pas qu'il est très content d'être avec les pécheurs. L'importance de la conversion vient de la beauté de Dieu. Même si le péché n'était pas très intéressant, ce ne serait pas la peine de s'en détourner. Pour que nous regardions ailleurs, il faut quelque chose de plus attrayant, un meilleur bien, qui attire nos yeux, notre attention. Pour Jésus, c'est Dieu qui est plus attrayant, le plus attrayant. C'est lui qui attire, c'est lui qui satisfait nos désirs les plus importants et les plus profonds. Quand il parle de la conversion, c'est toujours la conversion vers Dieu. Il ne condamne pas le péché, il ne condamne pas les pécheurs, il leur offre quelque chose de meilleur, de plus attrayant, de plus satisfaisant. C'est pourquoi il dit : Croyez à la bonne nouvelle du royaume de Dieu. C'est seulement parce qu'il y a une bonne nouvelle, quelque chose de meilleur, qu'il vaut la peine de se convertir.

Le but de la conversion n'est pas un rejet. Un simple rejet nous laisse avec rien. Le but est plutôt de voir la beauté, l'attrayant, de Dieu. Et c'est important, parce que c'est Dieu qui est notre destin, pas le péché. Nous ne sommes pas faits pour le péché. Nous sommes faits pour Dieu. Tournons-nous vers lui.

Epiphanie

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 1999-2000

Et si c'était nous, tout simplement nous. Si nous nous étions mis à suivre une étoile plus lumineuse que toutes les autres. Si nous nous étions mis en marche à la quête de cette étoile, avec cette certitude intérieure qu'elle est venue se poser au-dessus de celui tant attendu. Si c'était nous, qu'aurions-nous pris avec nous pour un tel voyage ? Qu'aurions-nous apporter comme cadeaux à celui que nous pressentions comme l'enfant Dieu ? Voici une question parmi d'autres en cette fête de l'Epiphanie.

Le récit des mages n'a plus de secret pour personne. Au début de l'ère chrétienne, ils étaient douze, puis peu à peu ils sont devenus trois puisqu'ils n'y avaient que trois cadeaux. Ils ont été rois puis savants. L'un était vieux, l'autre d'âge moyen et le troisième beaucoup plus jeune, pour nous rappeler que toutes les générations sont présentes à la crèche. Ils sont venus d'Afrique, d'Orient et d'Occident pour rappeler que le monde entier est invité à suivre l'Enfant-Dieu. Enfin, l'or, la myrrhe et l'encens. Quelques versets et encore plus de symboles. Il y a 20 ans, ils ont fait la joie de la chanteuse Sheila et aujourd'hui encore et toujours, ils font le bonheur des enfants lors du partage de la galette des rois chez nous, ou encore en leur apportant des cadeaux comme en Espagne. La boucle est ainsi bouclée et nous revenons à notre question, mais quel cadeau pourrions-nous bien lui offrir ?

Un cadeau diront certains, c'est quelque chose qui doit faire plaisir à la personne qui le reçoit et ce peu importe ce que nous ressentons vis-à-vis de l'objet que nous offrons. L'important est d'offrir quelque chose qui rende l'autre heureux de recevoir. Non, affirmeront d'autres, un cadeau doit également dire quelque chose du donateur. Ce dernier ne peut pas être en contradiction avec son cadeau. De plus prétendront encore d'autres, un cadeau doit coûter. Un coût qui ne s'évalue pas spécialement en argent mais plutôt en temps. Un cadeau coûte, c'est-à-dire qu'il n'est pas pris sur notre superflu, sur notre surplus. Sa valeur augmente donc par le fait qu'il nous a obligé à faire des choix, à prendre du temps. Un cadeau est donc bien plus qu'un geste symbolique, voire même mécanique. Il dit quelque chose de la relation existante entre le donateur et celui qui l'a reçu. Il y dit toute la tendresse, le respect, la gratitude de l'offrant et c'est sans doute une raison et non des moindres qui fait que souvent nous préférons donner que recevoir. Un cadeau ne se réduit donc pas à un instant. Nous y avons réfléchi, nous avons fait des recherches, l'idée de l'offrir nous a rendu heureux et puis nous nous sommes aussi mis à imaginer la manière dont il allait être reçu. C'est pourquoi, je crois, les plus beaux cadeaux sont ceux qui n'ont aucune raison : ni anniversaire, ni Noël. Je t'offre ceci tout simplement parce que j'ai pensé à toi et je t'aime. Le don dit alors l'ampleur, la beauté et la profondeur de la relation. Et nous en arrivons presqu'à regretter de ne pas pouvoir donner aussi souvent. C'est vrai les cadeaux sont une manière que nous avons trouvé pour exprimer nos sentiments. Ils habillent notre pudeur à oser dire ce qui vit au plus profond de nous. Si un cadeau représente vraiment tout cela, nous pouvons comprendre que nous sommes parfois pris d'un vertige lorsque nous en recevons un.

Et voilà qu'aujourd'hui, nous sommes conviés à mettre nos pas dans les traces laissées par les mages de l'évangile. Dieu s'est fait enfant pour que nous venions nous aussi nous émerveiller devant un tel mystère qui dépasse tout entendement. Dieu se manifeste à nous d'une manière toute particulière et c'est dans cet enfant que nous Le reconnaissons. Jésus est l'enfant Dieu, c'est ce que nous croyons. Par sa venue, pour reprendre l'expression de saint Pierre Chrysologue, nous découvrons : « le ciel sur la terre, la terre dans le ciel ; l'homme en Dieu et Dieu dans l'homme ». Tant de merveilles contenues dans l'Enfant Dieu. Et ce matin (soir), nous sommes invités à refaire le voyage des mages. A la différence que le nôtre est tout intérieur. A nous de découvrir, redécouvrir cette étoile mystérieuse qui brille au plus profond de notre être, de nous mettre à la suivre pour retrouver le lieu de Dieu.

Et face à l'enfant Dieu sommeillant en nous, nous déposons chacune et chacun le cadeau que nous lui avons préparé : un peu de nous, tout de nous. Je ne puis répondre à votre place car ce cadeau-là est éminemment personnel.

Amen.

Epiphanie

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 1999-2000

Quand Jésus naît à Bethléem, il y a des bergers dans la même région. Ce sont des juifs, et la naissance du Christ leur est annoncée par des anges. Par le biais de ces anges, Dieu parle à son peuple comme il a parlé par Moïse et par les prophètes. Les mages ne sont pas juifs, ils appartiennent au monde dit païen. Ils habitent un pays lointain. Pour eux, il n'y pas d'ange qui leur annonce la présence de Dieu dans le monde. Ils n'ont qu'une étoile muette. Ils voient quand même l'étoile de Jésus, l'étoile du roi des juifs. Ils vont d'abord à Jérusalem annoncer l'apparition de l'étoile, puis ils la suivent jusqu'à ce qu'elle s'arrête au-dessus du lieu où se trouve l'enfant.

L'histoire est connue, mais elle n'est pas simple. Elle soulève quelques questions : Comment se fait-il que seuls les mages voient cette étoile ? Pourquoi les chefs des prêtres juifs et les scribes ne la voient-ils pas, eux aussi ? Peut-être qu'ils voient l'étoile mais pas ce qu'elle signifie. Une fois que les juifs comprennent sa signification, pourquoi n'accompagnent-ils pas les mages, pourquoi ne suivent-ils pas l'étoile, eux aussi, pour vénérer eux aussi leur roi ? Pourquoi Hérode ne les accompagne-t-il pas avec ses soldats pour assassiner l'enfant tout de suite ?

En lisant ce récit, on a l'impression que cette étoile est une étoile paradoxale. Elle apparaît dans le ciel, accessible à tout le monde, mais elle reste aussi cachée, de sorte que seuls ces quelques étrangers peuvent la voir, l'interpréter, la suivre. Bien qu'au ciel, loin au-dessus de la terre, elle peut indiquer aux mages qui la suivent le lieu précis où se trouve le petit enfant. Le phénomène publique qu'est l'étoile est en même temps, semble-t-il, un événement privé, un signe destiné uniquement aux mages. Bien que tout le monde puisse voir l'étoile, seuls les mages la comprennent. C'est uniquement aux mages que l'étoile révèle la présence du roi divin dans le monde, seulement aux mages qu'elle indique le lieu de sa présence. Dans un sens important, c'est leur étoile, l'étoile qui leur est destinée, qui s'adresse à eux. C'est une étoile muette, comme toutes les étoiles, mais elle leur parle. Plutôt, Dieu se révèle à eux par le biais de cette étoile comme il ne se révèle pas aux autres, ni juifs de Jérusalem ni aux milliers d'autres qui ont dû voir cette même étoile.

La fête de l'Épiphanie est censée être la célébration du moment où Dieu s'est révélé au monde non-juif. Dans ce récit évangélique, mystérieux et difficile à comprendre, il y a, me semble-t-il, une image de cette révélation. Nous vivons dans un monde publique, accessible, un monde plein de choses et d'événements que tout le monde peut voir, toucher, entendre. C'est un monde qui est plein de bruits mais qui, pour beaucoup, ne parle pas, qui reste muet. Si nous croyons que Dieu peut toujours se révéler dans ce monde, nous ne nous attendons pas à ce que des anges descendent du ciel annoncer la présence divine. Plutôt, il y a pour chacun de nous une étoile, quelque chose qui peut nous révéler la lumière de Dieu, un événement qui peut nous parler. Dieu peut s'annoncer à chacun de nous, à travers n'importe quoi - un sourire, une maladie, un bonheur, un malheur, même une étoile - même si, pour les autres, la chose ou l'événement reste muet.

A nous de garder nos yeux ouverts, d'être prêts à voir notre étoile, de la comprendre, de la suivre, jusqu'à ce que elle nous révèle le Dieu qui est né à Bethléem.

29e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

« Celui qu veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera votre esclave ». Voilà bien le genre de phrase du Christ qui ne me fait vraiment pas plaisir. Suivre Jésus, c'est être esclave, être serviteur. Mais qui d'entre nous normalement constitué a envie de perdre ses privilèges, son état d'homme ou de femme libre pour devenir escalve et serviteur. Il pousse un peu le Fils de Dieu en affirmant une telle chose. Serviteur, esclave c'est-à-dire un état de vie totalement tourné vers les autres, vers leur bien-être, comme si nous devions nous nier quelque part pour qu'eux existent.

Etonnante d'ailleurs cette notion de service. En effet, en consultant tant les dictionnaires Larousse que Robert, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir à quel point le service est présenté de manière négative. Dans les deux dictionnaires, cinquante pourcent touche à la notion de service militaire et beaucoup de ceux qui sont passés par là, n'ont pas vu ce temps à l'armée comme lieu d'épanouissment mais plutôt comme obligation à devoir accomplir. Quarante autres pourcent sont dévolus à la définition négative du service entendu comme travail à devoir acomplir, tâche imposée par la fonction, fait de se mettre à la disposition de quelqu'un par obligeance. Et enfin dix pour cent parlent du service comme une aide, une faveur. Alors si les dictionnaires s'y mettent aussi, cela signifie quelque part que cette notion de service soit rendue plus difficilement acceptable dans notre culture. [L'exemple de l'article de la promesse guide jamais choisi se comprend mieux dès lors].

Pourtant au c½ur du Royaume de Dieu, d'après les dires du Christ, la notion de service est essentielle. Comment la comprendre, la saisir. Peut-être tout simplement en relisant ce verset de Marc à la lumière de l'évangile de Jean où Jésus nous parle également de service. En Jean, le Christ nous annonce ceci : « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis ». Comme si la notion de service s'entendait comme le début d'une démarche, d'un chemin humain nous conduisant d'un état de serviteur à celui de l'ami. Ou mieux encore, comme si chacune des tâches que nous accomplissons par devoir, par obligation, nous apprenions à les vivre, à les réaliser au nom de l'amitié c'est-à-dire par amour. Le service que nous sommes invités à réaliser est celui qui se vit dans l'amour. Rien de plus, rien de moins. Et l'exemple qui me vient à l'esprit est celui de la mère au foyer, vous savez celle dont on dit : « qu'est-ce qu'elle fait ta maman ? Rien, elle reste à la maison ». Comme si rester à la maison n'était rien faire. Pour le savoir, il faut en faire l'expérience. Quand une maman n'est pas là, nous nous rendons compte de l'ampleur de tous ces petits services qui font l'harmonie d'une famille. Ces derniers sont d'ailleurs si peu reconnus par notre société. Combien de mères au foyer n'ont-elles pas reçu comme gifle la phrase suivante : « toi, tu ne peux pas comprendre, tu ne travailles pas ». Or il ne faut pas avoir tout vécu pour comprendre. La compréhension est d'abord une affaire d'écoute, d'attention et surtout de tendresse à l'autre. Qualités partagées par tant de mères au foyer.

Le service dont le Christ nous parle ce soir est un service d'amour, c'est-à-dire un service qui demande une certaine forme d'abnégation de notre part, une certaine humilité mais également une certaine richesse : celle de découvrir que la vie se vit avant tout et surtout dans une multitude de petites choses. C'est la multiplicité des petits services qui permet à une communauté humaine d'exister. Il n'y a pas de services plus grands que d'autres. Ils ont tous leur place et leur importance. Tout au long de notre vie nous passons par des étapes où nous sommes soit servis soit serviteurs. L'important c'est de ne jamais déconsidérer l'autre. L'un n'est pas mieux que l'autre. Et le mépris éprouvé à l'égard de celles et ceux qui nous servent disent nettement plus le peu d'humanité de celles et ceux ayant un tel sentiment que de celui qui sert. Un jour nous servons, un jour nous sommes servis.

Ne l'oublions jamais. Recevons le service comme un cadeau de la vie, offrons nos services comme signe d'amité. Alors avec Jésus, nous pourrons nous dire les uns aux autres : « je ne nous appelle plus serviteurs mais amis ».

Amen.

5e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

La culpabilité. Voilà un beau thème. D'après certains, nous les catholiques, nous serions les champions de la culpabilité. En tout cas, certains milieux nous le reprochent de manière assez véhémente d'ailleurs. Nos regards, nos commentaires seraient pétris de cette culpabilité et nous aurions paraît-il même un don pour veiller à ce que tous ceux et celles qui croisent nos chemins se sentent coupables après notre rencontre. Cette image du monde chrétien, voire catholique est évidemment un peu caricaturale mais pourtant dans chaque caricature, il y a toujours quelque chose de vrai comme si une certaine forme de culpabilité nous collait à la peau.

Etant né l'année où débutait le Concile de Vatican II, je reconnais ne pas avoir été pétri dans mon éducation d'un tel sentiment. Pourquoi ? Parce que je crois qu'il y a eu un grand tournant au cours de ce Concile. Avant, et ce, jusqu'il y a encore quelques dizaines d'années, tout homme, toute femme était jugé sur ses actions. Actions qui étaient elles-mêmes tout à fait désincarnées de la personne. Vous allez me dire que je leur en veux, même si aujourd'hui heureusement pour l'Eglise ils ont eux aussi évolué, pendant quelques siècles, nos amis, enfin plutôt vos amis, les jésuites ont favorisé la morale de l'action. Ce qui importe avant tout c'est ce que nous faisons. Nous sommes jugés sur nos actions. Les explications, les excuses importaient peu, nous étions coupables puisque nous avions agi de la sorte. Une telle morale, me paraît humainement fausse. En effet, nous ne sommes pas toujours à même de comprendre le pourquoi de nos actes. Parfois, ils nous dépassent complètement. N'oublions jamais que nous restons des icebergs vis-à-vis de nous-mêmes. Nous connaissons et aimons ce qui est visible, nous percevons ce qui se trouve juste en-dessous du niveau de l'eau et le reste de l'iceberg reste un grand mystère même pour nous. Nos actions ne peuvent donc pas être dissociées de nos personnalité. Heureusement pour nous aujourd'hui, Vatican II est revenu à une tradition théologique plus ancienne, thomise pour dire vrai, donc dominicaine. Excusez-moi du peu. Cette tradition à laquelle j'appartiens préfère à la morale de l'action, plutôt l'éthique de l'être. C'est-à-dire une éthique qui tient d'abord question de la personne, une éthique qui refuse de dissocier nos actes de nos êtres. Nous formons un tout. Nos actions s'enracinent au plus profond de nous. La question n'est pas : « que dois-je faire ? ». Cette question est trop infantile. Non, la question qui doit nous habiter est la suivante : « qui ai-je envie d'être, qui ai-je envie de devenir ». Ayant répondu à cette question, je peux alors choisir les actes que je veux poser pour me permettre de devenir l'être que je suis. Il y a donc bien cette question préalable essentielle à la conduite de nos vies. Cette éthique est nettement plus positive mais elle n'empêche cependant pas que nous commettions certaines erreurs, voire même certaines fautes conscientes ou inconscientes. Nous pouvons alors être envahi d'un sentiment de culpabilité qui s'il n'est pas géré, grandit en nous jusqu'à complètement nous paralyser (à l'image de notre seconde lecture). Nous ne sommes plus à même de porter du fruit pour nous-mêmes et pour les autres. Or le Christ ce matin (soir) nous rappelle que l'arbre se juge à ses fruits. Dès lors entrer dans la spirale de la culpabilité ne nous permet pas de nous en sortir, d'éclore en nous l'ensemble de potentiels qui nous ont été offerts par la vie. Que faire pour pouvoir à nouveau donner du fruit ? Peut-être méditer la seconde (première) lecture de ce jour. S'enfermer dans la spirale de la culpabilité, c'est quelque part se condamner comme s'il n'y avait aucune issue possible ; c'est croire qu'il n'y aura jamais plus de lendemain ensoleillé ; c'est refuser de se pardonner pour l'erreur ou la faute. En fait, c'est jouer à Dieu. Pas n'importe quel Dieu, un Dieu qui juge et condamne nos actions. Ce n'est pas parce que nos actions sont mauvaises que nous le sommes pour autant. C'est pourquoi, Saint-Jean, dans sa lettre, nous rappelle : « si ton coeur te condamne, Dieu est plus grand que ton coeur, et il connaît tout ». C'est sans doute une des phrases de la Bible que nous devrions connaître par coeur et méditer constamment.

Notre Dieu refuse que nous nous enfermions dans une culpabilité stérilisante. Il veut pour nous la vie et nous invite à nous dépasser. Tout simplement parce que « si ton coeur te condamne, Dieu est plus grand que ton coeur, et il connaît tout ». Amen.

5e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

La culture de la vigne est très répandue dans les pays méditerranéens. Chez nous, nous nous contentons d'en consommer le produit : le vin.

Une belle vigne, quelle merveille ! Les feuilles regorgent de sève et les grains sont gonflés de jus ! Les grappes sont prometteuses d'un millésime qu'on savoure à l'avance. Une vigne plantureuse porte fièrement le nom de son propriétaire.

Il n'est pas étonnant que la vigne ait servi d'image familière pour exprimer une réalité bien plus profonde. Ainsi Israël est la vigne de Dieu.

Déjà le prophète Isaïe avait décrit les relations entre Dieu et son peuple : 'Mon ami possédait une vigne sur un coteau plantureux. Il y retourna la terre, enleva les pierres et installa un plant de choix. La Vigne du Seigneur tout puissant, c'est la maison d'Israël et les gens de Juda sont le plant qu'il chérissait" La parabole évoquait la tendresse, la sollicitude du Seigneur pour son bien. Il en attendait de beaux raisins, pourquoi n'en a-t-elle produit que des mauvais ?

Le psaume 79 reprend la même comparaison sous forme de prière nationale pour Israël en difficultés. "Cette vigne que tu as retirée d'Egypte, tu as déblayé le sol devant elle pour qu'elle prenne racine et remplisse le pays. Cette vigne, c'est le cep choisi que Yahvé a entouré de soins prévenants. Mais la clôture a été abattue ! La vigne ravagée, Dieu va-t-il laisser faire ?

Interviens pour cette vigne, Seigneur "

La "vraie" vigne, en réalité c'est Jésus. Il est le cep et les disciples sont les sarments. Ils participent à la vie du Christ comme les branches participent à la vie du cep auquel ils sont attachés. Il faut demeurer en lui, comme la racine s'accroche à la terre. En effet, le fils éternel du Père, Jésus-Christ seul peut conférer aux entreprises humaines une valeur d'éternité.

'Je suis la vigne et mon Père est le vigneron" Désormais, le plant choisi par le vigneron, n'est plus Israël, mais Jésus, le Bien Aimé. C'est lui le cep planté par Dieu et c'est lui, en même temps, le fruit incomparable. Le nouvel arbre de vie, c'est le peuple qui naît de Jésus et ne fait qu'un avec lui. Mystère de la sève dont le mouvement intérieur et discret a uni le cep aux sarments jusqu'à leur faire porter du fruit. "Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit !"

Immense vigne, le champ où les hommes luttent, peinent, donnent leur vie, sans savoir que le fruit qu'ils portent vient d'une sève cachée qui tait son nom. Le cep est devenu la nourriture des affamés de justice, la ressource subtile des pauvres, la sérénité inébranlable des doux, la grandeur d'âme des miséricordieux, la force des torturés, la fidélité des artisans de paix. "Celui qui demeure en moi, celui-là porte beaucoup de fruit." La vigne des hommes est désormais et pour toujours la vigne de Dieu. Heureux ceux qui savent humblement qu'ils sont eux-mêmes les sarments dont Jésus est le cep et le Père le vigneron ! Heureux ceux qui dans la patience et la ténacité, émondent la terre des hommes pour qu'elle porte son fruit le plus beau : ils sont la vendange de la vigne de Dieu !

3e dimanche de Carême, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 1999-2000


Jésus trouva installés dans le Temple les marchands de boeufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs boeufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs [et] renversa leurs comptoirs.

C'est une des scènes les plus difficiles de l'évangile . Il y a des scènes choquantes dans l'évangile, notamment les scènes de la Passion, où nous sommes confrontés à une violence et à une cruauté indicibles. Mais nous sommes malheureusement habitués à la violence humaine. Nous savons bien que nous, les être humains, sommes capables de violence et de cruauté. Mais la violence de Jésus, c'est autre chose. Jésus n'est pas censé être comme nous, mais meilleur que nous. Il nous enseigne l'importance capitale de l'amour, de la patience, du pardon, de ne pas se rebiffer contre les injustes et les violents. Il nous dit : « Venez à moi... Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur » (Mt 11:28-29). Et c'est pourquoi cette scène de la purification du Temple est choquante. Qu'est devenue la douceur de Jésus ? Jean nous dit que les disciples, en voyant ce que faisait Jésus, se sont rappelés le verset du psaume 68 : « L'amour de ta maison fera mon tourment ». Mais même si Jésus a fait ce qu'il a fait par amour de la maison de Dieu, est-ce que cela justifie sa violence ? Comment Jésus peut-il agir violemment tout en nous disant de renoncer à la violence ? Il y a une contradiction, semble-t-il. Peut-il rester notre modèle ?

Si ceci est notre question, ce n'était pas la question la plus évidente pour les gens de l'époque. Nous trouvons cette scène dans tous les quatres évangiles. Il ne semble donc pas qu'elle soit gênante pour l'église primitive. Et les Juifs qui étaient là n'ont pas réagi en déplorant la violence de Jésus ou en lui rapprochant la contradiction entre son enseignement et sa conduite. Ils lui disent : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? » Pour eux, ce qui justifierait ce geste de Jésus n'est pas une explication, mais un signe. Le signe qu'il faut est un miracle, ou quelque chose qui montre que Jésus a une autorité divine. Cela montrerait que sa violence vient, elle aussi, de Dieu. C'est-à-dire que pour eux l'intérêt de ce geste de Jésus est la possibilité que par son biais Dieu leur parle. Pour eux, le geste de Jésus est peut-être un geste, une parole, un signe de Dieu. Et Jésus leur parle du signe de la résurrection. « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai » ; et le temple dont il parlait, nous dit Jean, était son corps. Quand Jésus ressuscitera, ils comprendront ce que signifie son action, et ils sauront que Dieu est dedans.

Jésus, en mettant dehors tous les marchands, voulait en fait accomplir une prophétie du prophète Zacharie, dans le tout- dernier verset du livre de Zacharie, où le prophète parle du jour de la grande bataille où Dieu lui-même va apparaître. En ce jour-là, le temple et tout ce qu'il y a dedans sera saint, consacré à Dieu ; et en ce jour-là, dit-il, « il n'y aura plus de marchand dans la maison du Seigneur le tout-puissant » (Za 14:21). En purifiant le temple, Jésus dit que cette prophétie s'accomplit, que c'est la fin, que Dieu lui-même est là. Et c'est la résurrection, quand le temple son corps sera relevé, qui montrera que Dieu est présent en lui, et que c'est son corps qui est le vrai temple, la véritable demeure de l'esprit de Dieu.

Si la violence de son geste reste quand-même choquante pour nous, il faut dire que la violence est parfois nécessaire quand il s'agit d'un signe spirituel, un signe qui concerne ce qui est fondamental dans la vie humaine. Le but d'un signe est d'ouvrir nos yeux à quelque chose que nous ne voyons pas. Parfois, nous ne voyons pas parce que, pour le moment, nous faisons attention à quelque chose d'autre, et il suffit de nous rappeler doucement l'essentiel. Mais, parfois, nous ne voyons pas parce que nous sommes endormis, ou parce que nous sommes totalement pris par inessentiel et immergés dedans. Dans le temple, ç'aurait été une rencontre inutile si Jésus avait dit doucement aux marchands : « Messieurs, auriez-vous peut-être la gentillesse de mettre vos brebis ailleurs ? » Il fallait un geste dramatique, même violent et choquant, qui arrache leur attention et celle des autres Juifs, qui la retire de leur commerce bien-aimé, pour leur rappeler que Dieu est plus important que le commerce.

De même, dans notre vie, un rappel doux n'est pas toujours suffisant ; souvent, une lecture biblique, une homélie, ne nous impressionne pas, nous le savons tous. Il faut que Dieu nous parle parfois par le biais d'un choc qui nous rende attentifs à l'essentiel. Si nous nous endormons, il nous faut être secoués pour être éveillés. C'est pourquoi, quelquefois et avec un peu de recul, nous pouvons voir la main de Dieu même dans un événement de notre vie qui nous choque ou qui nous fait mal.

5e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Mc 1, 29-39

La femme idéale. La belle-mère rêvée. Alors que très souvent dans de nombreux couples, la fameuse belle-mère pose problème, nous découvrons l'image de celle que toutes et tous nous aimerions avoir. Elle était peut-être un peu grippée, ou autre chose, en tout cas au lit. Et voilà qu'à peine guérie, au moment où la fièvre la quitte, elle se met à les servir. Ce soir, je ne souhaite pas m'arrêter trop longtemps sur la disponibilité et la serviabilité de la belle-mère de Pierre mais plutôt m'interroger sur le pourquoi de son attitude. Qu'est-ce qui fait qu'elle ne perd pas de temps ? Femme soumise, une vie dévouée au service des autres ? Non, je crois que la clé de ce que je considère un peu comme un mystère se trouve dans l'attitude du Christ, telle qu'elle nous est proposée au verset précédent. Et par là, il nous offre une belle leçon de vie. Si la belle-mère se met à servir, c'est peut-être sa manière à elle de remercier non pas tant d'avoir été guérie mais de la manière dont cela s'est fait. « Jésus s'approcha d'elle, la prit par la main, et il la fit lever ». Devant la belle-mère de Pierre, Jésus se tait. Il n'y a ni mot, ni discours, ni parole. Juste un geste accompagnant un regard. Un geste simple. Un regard vrai, tout en tendresse. Rien d'autre. Une raison suffisante en tout cas pour que celle qui vient d'être guérie, ait envie de remercier le Christ.

Nous aussi dans nos vies, nous sommes confrontés à la souffrance morale ou physique de l'autre, à la maladie d'un être cher. Et souvent nous sommes mal à l'aise. Nous ne savons pas quoi dire. Les mots nous manquent et nous préférons parfois éviter la rencontre. J'en ai pour preuve l'histoire suivante. Alors qu'elle se savait condamnée par la médecine, peu avant de mourir, elle me confiait que le plus dur pour elle au cours de sa maladie, avait été de voir des personnes qu'elle connaissait et qui changeait de trottoir, comme si elles ne l'avait pas vu, pour ne pas devoir lui parler. Tellement les mots leur manquaient. Et elle, elle ne demandait pas grand chose : juste un peu de douceur, un peu de tendresse. Il ne lui fallait rien d'autre. Elle n'en voulait pas à celles et ceux qui se détournaient d'elle. Elle regrettait simplement que nous soyions si mal préparé à accompagner les personnes en souffrance. C'est vrai mais que dire, que faire ? Rien si ce n'est d'être là et reconnaître surtout que nous ne pouvons jamais tout à fait comprendre la souffrance de l'autre. Il y a donc d'abord cet acte d'humilité à faire : je t'accompagne dans ce que tu vis mais en même temps je reconnais que je n'ai pas la prétention de tout saisir. Je ne suis pas toi, tu n'es pas moi. Je suis là et c'est bien ainsi. Avoir la prétention de comprendre et ramener la souffrance de l'autre à une expérience personnelle vécue, c'est entrer dans la spirale de la non écoute puisque je sais ce que tu ressens l'ayant vécu moi-même. Nous passons alors à côté de la rencontre. Mais alors revient à nouveau en nous la question : que faire, que dire ? Il n'y a rien à dire puisque toute expérience de souffrance est de l'ordre du mystère, de l'indicible. Il y a alors le silence. Oh, non pas un silence vide de sens et pesant mais plutôt un silence à l'écoute de la chair de l'autre pour sentir en nous la vibration de son être, la vibration de sa vie. Et sans autre prétention que celle d'accompagner la personne aimée dans ce qu'elle ressent. Il n'y a plus de parole dans ce monde là si ce n'est une écoute attendrie, empreinte de douceur accompagnée d'un geste de tendresse et d'un regard aimant. Et pourtant ces gestes nous font peur. Nous les vivons souvent comme étant maladroits. Et cette maladresse n'est que le signe de notre pauvreté et de notre fragilité face au drame de l'autre. Il nous ramène constamment à notre propre finitude, à notre propre mortalité. Et ça c'est difficile à vivre dans un monde comme le nôtre qui essaye de nous faire croire que nous sommes des êtres immortels en éloignant de nous le plus possible la réalité de notre mort. C'est vrai devant la souffrance, la nôtre et celle des autres, nous sommes profondément démunis et impuissants.

Nous aimerions tant pouvoir changer le cours des choses mais cela ne nous a pas été donné. Il nous reste alors l'exemple du Christ. A nous aussi de nous approcher de celles et ceux qui souffrent et de leur prendre la main. Cela ne changera pas la maladie mais notre geste, notre regard redonnera à l'autre toute sa dignité. Il ou elle pourra à nouveau être debout à ses propres yeux. Jésus nous ouvre le chemin. Amen

3e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Si nous arrivons à combiner la jeunesse, la beauté, la richesse, la gloire, l'harmonie amoureuse, l'enthousiasme tout au long de notre vie, celle-ci sera réussie nous promettent l'ensemble des médias en cette fin de millénaire. Tel est l'idéal qui nous est proposé. Et il est faux, archi-faux. Nous sommes saturés d'images idéales et elles sont placées tellement haut, beaucoup trop haut que nous n'arriverons jamais à nous hisser jusque là-haut. Face à un tel constat soit nous tombons dans la mélancolie et le désespoir de ne jamais pouvoir être heureux puisque ces critères de succès sont inatteignables, soit nous reconnaissons que notre société se trompe à ne présenter que les sommets des rêves et les merveilles comme étant l'acquisition de la plénitude promise. Un peu comme si seuls, les grands de ce monde pouvaient être heureux.

Et ceci va tout à fait à l'encontre de notre évangile. Ce n'est pas un grand de ce monde qui annonce la nouvelle qui va bouleverser ce même monde. Jean-Baptiste n'est pas la star que tout le monde adule et dont les secrets sont dévoilés chaque semaine dans Gala ou Voici. Il ne signe pas des autographes par milliers, protégés par ses quatre gardes du corps préférés. Et, il ne passe pas à la télé non plus. Non, Jean-Baptiste est un homme parmi d'autres. Une voix qui crie dans un désert. Une voix qui chante dans nos lieux intérieurs désencombrés de tout ce qui nous empêche de rejoindre notre essentiel. Une voix simple qui utilise des images que toutes et tous peuvent comprendre : il parle de sandales. J'ai personnellement toujours eu horreur des sandales, je trouve que ça fait « curé ou bonne soeur » mais comme ces deux catégories de personnes n'existaient pas à cette époque, l'image veut sans doute dire autre chose. Dans la culture juive, il n'y avait rien de plus humiliant que de défaire la courroie des sandales de quelqu'un, c'était réservé au plus petit des esclaves. De cela, il n'en est même pas digne, clame-t-il. Etonnant. Surprenant. Et pourtant, dans sa simplicité, Jean, sans pour autant s'écraser, se nier, nous convie à faire désert en nous pour entrer dans un mystère qui nous dépasse : celui du Fils de Dieu. Entrer dans un tel mystère, ce n'est pas réaliser un idéal, encore moins se désoler d'être dans l'ordre de l'incompréhensible. Non, entrer dans un mystère, c'est tout simplement se mettre en marche pour commencer à essayer de comprendre. C'est sans doute la raison pour laquelle, Jean le Baptiste nous dit : au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. Il ne crie rien de plus. Jean-Baptiste ne dit rien de lui mais tout de Dieu en ne disant rien si ce n'est qu'il est au milieu de nous. Quel paradoxe ! Et c'est de cette manière que nous sommes invités à entrer, en ce temps d'Avent, dans le mystère de Noël.

Hier Jean-Baptiste, aujourd'hui l'Eglise disent la même chose : Dieu est là, parmi nous et nous, Eglise ou Jean-Baptiste, nous ne sommes pas Dieu. A chacune et chacun de Le trouver. Ne nous inquiétons pas, Dieu n'est pas comme ces faux idéaux de notre société, c'est-à-dire inatteignables. Dieu se laisse reconnaître. Il vient à nous. Il frappe chez nous. Il vit en nous. L'Evangile de ce jour ne nous dit rien de plus que cela : Dieu est au milieu de nous. En disant si peu, tout en disant tout, Jean-Baptiste nous rappelle que Dieu ne s'enferme pas dans des images, des idées que nous nous sommes façonnées. Personne ne peut nous imposer une définition de Dieu puisque par définition, Il est au-delà de ce que nous pourrions en dire. S'Il ne se définit pas, Il se rencontre, Il s'inscrit au coeur d'une relation que nous avons à construire avec Lui. Un peu comme si la voix qui crie dans nos déserts nous disait : il n'y a pas de lieu de Dieu. Dieu n'est pas plus dans une Eglise que chez soi ou en soi. Il est partout mais nous ne Le rencontrons personnellement que dans les lieux ou les temps qui nous parlent et correspondent à nos états d'âmes : au cours d'une ballade en montagne pour reprendre un des exemples de la seconde lecture de ce soir, devant l'océan, dans les flammes d'un feu, dans un recoin de son coeur, lors d'une rencontre empreinte d'amitié et de tendresse, dans les mille et une petite choses qui font la beauté de la vie. Si Dieu est vraiment là, qu'attendons-nous alors pour aplanir la route qui nous conduit à Lui ? C'est cela le temps de l'Avent, ne passons pas à côté.

Amen.

3e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

La semaine dernière, il s'agissait dans l'évangile de la prédication de Jean le Baptiste. Il y avait la prophétie d'Isaïe - « A travers le désert une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur » - Jean a apparu et disait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales » (Mc 1:7)). Cette semaine, c'est presque la même chose, mais dans un autre évangile, celui de Jean Jean dit : « Je suis la voix qui crie à travers le désert... Moi, je vous baptise dans l'eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas : c'est lui qui vient derrière moi, et je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale. » Mais si c'est presque la même chose cette semaine, il y a quand même des différences. Dans Marc, Jean le Baptiste prépare le peuple à la venue du Messie, tandis que dans Jean il rend témoignage à la lumière. La nouvelle idée, c'est la lumière. Et il y a aussi ce dialogue étrange avec les juifs. Jean le Baptiste n'est pas la lumière, dit l'évangéliste, et il y a beaucoup d'autres choses que Jean n'est pas. Il n'est pas le Messie, dit-il aux pharisiens, ni Élie, ni le grand prophète. Sa conversation avec les pharisiens est curieusement négative. Pourquoi répond-t-il à la question « Qui es-tu ? » en disant qui il n'est pas ?

Plus Noël s'approche, plus il s'agit de la lumière. Plus on parle de la lumière, et plus on allume les bougies. Beaucoup de religions ont leurs fêtes de la lumière, hanukkah chez les juifs et diwali chez les hindous. La lumière est toujours un symbole du divin. L'obscurité est effrayante, tandis que la lumière est attrayante, rassurante. Dans l'obscurité on ne se retrouve pas, on est perdu, tandis que dans la lumière on voit où on est. Dans l'obscurité il est dangereux de marcher ; dans la lumière le chemin est plus sûr ; on voit où on va. Et dans l'obscurité une lumière qui apparaît nous donne un sens. On marche vers la lumière. La lumière peut être à la fois notre destination, notre but, et ce qui éclaircit notre route, une sorte de guide. La lumière sert donc naturellement d'image du divin, de Dieu, qui est la destination de notre vie, qui donne un sens à notre vie et qui illumine notre chemin de sorte que nous pouvons arriver à Dieu.

Dieu est lumière, Dieu nous donne de la lumière pour que puissions voir clairement, trouver le bon chemin, aller dans le bon sens. Il illumine notre vie pour que nous vivions bien. Mais, si l'image de la lumière et d'une certaine façon une image naturelle de Dieu, il y a quelque chose de paradoxal. Jean, l'évangéliste, dit que Jean le Baptiste est venu pour rendre témoignage à la lumière. Mais la lumière, si elle illumine les choses pour que nous les voyions bien, n'a pas besoin d'être illuminée pour être vue. La lumière s'illumine, elle est lumineuse, elle est visible en soi. Pour voir la lumière, il ne faut qu'ouvrir les yeux. Il est donc inutile de l'indiquer, d'y rendre témoignage.

Mais parler de Dieu en termes de lumière, ce n'est finalement qu'une métaphore. Dans la vie, il est malheureusement possible de croire voir la lumière et de se tromper. Il est possible de croire bien comprendre les choses, voir clair, tandis qu'on comprend mal. Cela arrive souvent dans les petits détails de la vie quotidienne, mais aussi dans les questions plus importantes. Cela arrive aussi quand il s'agit de la compréhension de la vie même. Il y a eu, et il y a encore, beaucoup de gens - y compris des religieux - qui se croient éclairés et qui ne le sont pas, qui prétendent éclairer les autres et qui ne répandent que l'obscurité. Ces gens voient peut-être sincèrement, mais ils voient mal. Jésus dit donc dans l'évangile selon Matthieu : « Si ton oeil est malade, ton corps tout entier sera ténébreux. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres ! » (Mt 6:23).

C'est pourquoi il faut parfois quelqu'un qui ne prétende pas être la lumière, mais qui nous dirige vers elle, quelqu'un qui dise clairement qu'il n'est pas le Messie, ni Élie, ni le grand prophète. C'est pourquoi Jean est là, pour diriger les gens vers Jésus, qui les éclairera véritablement. C'est pourquoi l'Église est là aussi. L'Église ne contient pas la plénitude de la lumière divine ; simplement, elle nous dirige vers Jésus, vers, comme le dit Paul, la gloire de Dieu qui rayonne sur le visage du Christ (2 Cor 4:6). C'est en suivant Jésus, en permettant à Dieu même de nous guider, que nous arriverons à Dieu. C'est à sa lumière, à la lumière de Jésus que nous voyons la véritable lumière.

20e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Jn 6, 51-58

"A tout moment et pour toutes choses, rendez grace à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus Christ."

Voilà ce que St Paul (ou son disciple) dit aux chrétiens d'Éphèse. Mais pourquoi ? Pourquoi rendre grâce tout le temps et pour toutes choses ? De quoi dois-je rendre grâce à Dieu ? On rend grâce à quelqu'un pour un don, pour ce qui est donné, pour ce qui est gratuit. Mais il y a beaucoup de choses dans la vie qui ne sont pas données, qui ne sont pas gratuites. Si j'achète une bouteille de vin au GB, je n'en rends pas grâce au GB ; c'est un simple échange économique. Si je travaille pour gagner mon salaire, mon salaire est le juste récompense de mon travail, il m'est dû. Si je gagne un million de francs au Lotto, c'est par hasard ; c'est gratuit, mais ce n'est le don de personne, il n'y a personne à remercier. Si je contemple la beauté de la nature, j'en suis heureux, mais rien ne m'est donné, et tout ce que je vois est simplement le résultat d'un jeu de forces naturelles ; pourquoi en rendre grâce, et à qui ?

Bien sûr, je peux aussi recevoir un don, mais alors c'est un être humain qui me le donne : un ami, un époux, un parent, et c'est l' ami, l'époux, le parent que j'en remercie. Je remercie l'être humain, pas Dieu.

Dans tout cela, Dieu est absent. En plus, tout ne va pas toujours bien ; il y a des moments très difficiles dans la vie, des moments de danger, de faim, de solitude, de maladie. A de tels moments, pourquoi rendre grâce ?

Il est, semble-t-il, toujours inutile et déplacé de rendre grâce à Dieu. Mais St Paul me dit de lui rendre grâce à tout moment et pour toutes choses, de lui rendre grâce pour le vin que j'achète, pour le salaire que je gagne, pour le hasard, pour la beauté de la nature, pour le cadeau qu'un ami me donne, quand tout va bien et quand tout va mal. Comment est-ce possible ?

Quand je reçois un cadeau, je ne reçois pas que le cadeau. Si un ami me donne un CD, le CD est aussi un instrument ; à travers le CD, c'est l'ami qui se donne à moi ; par le biais du CD, une relation personnelle est créée, recréée ou renforcée. Le CD est révélateur ; si je ne vois que le CD, il y a quelque chose de plus important qui m'échappe. Pour bien voir un cadeau, il faut toujours vois plus que le cadeau, il faut y voir une personne.

Pour St Paul, il en va de même pour le monde entier, pour la vie entière. Bien sûr, il est possible de dire que tout est dû, que tout est naturel, que tout est hasard, et il y a beaucoup de gens qui le disent. Mais ceux-là voient mal le monde et leur vie. Oui, tout est nature dans le monde, et tout est hasard, mais tout est aussi et en même temps révélateur, tout est sacrement. Bien voir le monde, bien voir la vie, c'est reconnaître que dans le monde nous avons à voir avec quelque chose, avec quelqu'un qui dépasse le monde, c'est y voir ce mystère que nous appelons Dieu et qui se donne à nous. Dans le monde, tout est nature, tout est hasard, mais rien n'est que nature, rien n'est que hasard ; tout est aussi grâce, pour laquelle nous rendons grâce.

C'est pourquoi les chrétiens chantent des psaumes, des hymnes, des louanges, c'est pourquoi ils rendent grâce, comme nous le faisons aujourd'hui dans cette eucharistie, où un morceau de pain deviendra pour nous un sacrement, révélateur de Dieu.