Fête de la Sainte Trinité

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2001-2002

Permettez-moi de vous conter ou de vous rappeler pour celles et ceux qui la connaissent l'histoire suivante : celle de l'ange et du cinéma. Imaginez-vous un instant que vous mourrez. A l'instant même où vous passez de l'autre côté, vous vous retrouvez assis dans une superbe salle de cinéma, sièges très confortables, de l'espace pour mettre ses pieds, accoudoirs, écran géant et Dolby stéréo. Vous êtes là, tout seul et vous attendez. Et puis, par derrière l'écran vole un petit ange. Sois le bienvenu au Ciel, vous dit-il. Nous te proposons d'assister à la projection d'un film, ton film, c'est-à-dire le film de ta vie. Durant cette projection tu reverras tout ce que as fait, ce que tu as dit voire même tout ce que tu as rêvé, pensé. Au nom de tous les anges du Ciel, nous te souhaitons un excellent film. Et puis, l'ange disparaît derrière l'écran. Et le film se met en route et vous revoyez tout ce que vous avez fait, dit et surtout pensé. A la fin du film, au moment où les lettres " The End " apparaissent vous êtes on ne peut plus enfoncer dans votre fauteuil, le front perlé par l'émotion de ce que vous venez de voir. L'ange revient vers vous et vous dit : j'espère que tu as passé un bon film. Vous trouvez à ce moment-là son humour légèrement douteux. Et il reprend : tu t'es sans doute demandé pourquoi tu étais seul dans une aussi grande salle de cinéma. Et bien c'est très simple, tu vas maintenant assister à une deuxième projection du film de ta vie, la même que la première, mais cette fois, tous les acteurs et actrices qui apparaissent dans ton film, vont venir te rejoindre dans cette salle pour regarder avec toi cette seconde projection. De la sorte, ils sauront vraiment ce que tu as dit, fait et surtout pensé. Nous te souhaitons à nouveau une excellente projection. A l'instant même où les portes de la salle s'ouvrent et que s'installent auprès de vous tous les acteurs et actrices, vous de votre côté, vous vous décomposez. L'horreur.

Si je vous ai conté cette belle histoire, c'est parce que je crois ce que nous dit l'évangile de ce jour. Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. C'est-à-dire que, par cette affirmation puissante, j'ai la conviction qu'il n'y aura jamais cette seconde projection du film de notre vie. Nous sommes marqués du sceau de nos paroles, de nos actes et de nos pensées mais ça, c'est entre Dieu et nous uniquement. D'ailleurs, comme le rappelle saint Jean dans une de ses lettres, " si notre c½ur nous condamne, Dieu est plus grand que notre c½ur et il connaît tout ".

Dieu n'est donc pas venu pour nous juger, nous condamner mais pour nous sauver. Non pas dans la mort mais déjà sur cette terre. Nous ne sommes pas d'abord sauvé de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes, nous sommes sauvés par Dieu pour nous accomplir, nous réaliser, nous épanouir. Si nous sommes sauvés dans la vie, nous serons également sauvés dans la mort. Le salut est d'abord et avant tout cette quête du bonheur, ce désir de se mettre, de se remettre debout. A l'instar du sacrement qui sera proposé à celles et ceux qui le souhaitent dans quelques instants. Nous sommes conviés par la vie à toujours aller vers un mieux-être, vers un plus-être, à entrer dans la joie, la perfection, la paix pour reprendre les mots de saint Paul. Cette quête incessante du bonheur nous invite à vivre le paradis sur cette terre. Le bonheur n'est donc pas une promesse à atteindre un jour, dans l'au-delà ; le bonheur, le salut de Dieu est à découvrir et à vivre dès maintenant.

Dieu le Fils est venu pour nous donner la vie, pour faire de chacune et de chacun de nous des êtres vivants, vivant pleinement chaque instant qu'il nous est donné de vivre. Le bonheur, il n'a pas de secret, il est comme une fleur qui pousse au bort du temps, notre temps. Le bonheur est aussi simple qu'une étoile qui nous illumine. Il nous suffit de la laisser scintiller. Le bonheur n'est pas une recette, il est ce sentiment qui nous étreint lorsque nous laissons l'amour se dire, l'amour se vivre. Si je t'aime, et si tu crois en mon amour, tu peux t'aimer. T'aimant, tu m'aimeras et tu aimeras d'autres. Etant aimé, je peux aussi m'aimer pour mieux t'aimer. Il importe peu de savoir où commence la dynamique de l'amour, l'important c'est que l'amour, à l'image de Dieu, soit vivant. Par cet amour donné et reçu, nous pouvons donner, en toute tendresse et confiance, ce que nous sommes. Amour donné, amour reçu, c'est le bonheur partagé, ou tout simplement le salut.

Amen.

6e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Jn 14, 15-21

Un ami faisait un jour le constat suivant : Dieu est muet pourvu qu'il ne soit pas sourd. Il est vrai que malgré son jeune âge le deuil l'avait déjà frappé à plusieurs reprises. Etre confrontés à la mort brutale ou lente d'êtres chers nous oblige à nous resituer chacune et chacun face au mystère de Dieu. Croire quand tout va bien n'est pas évident, alors croire quand tout va mal, cela complique encore un peu plus nos interrogations. Dieu est-il muet ? Vercors l'écrivait déjà dans son livre " les animaux dénaturés ". S'il n'est pas muet, il est en tout cas bien silencieux pour ne pas dire trop souvent absent. Dieu est-il sourd ? La question a en tout cas le mérite d'être posée. Heureusement pour nous, un coin du mystère se dévoile à nous dans les lectures entendues.

Pour comprendre ce soi-disant mutisme et cette surdité de Dieu, nous sommes invités à nous tourner vers l'Esprit de Vérité dont nous parle l'évangile. C'est cet esprit que nous avons reçu à notre baptême et que certains parmi nous ont choisi de confirmer par la suite. Cet esprit nous le connaissons, affirme le Christ, parce qu'il demeure auprès de nous et qu'il est en nous. Dieu, par son esprit de vérité, vit en nous. Il n'est alors pas nécessaire d'attendre et de rechercher de grands miracles, des prodiges pour croire. Il nous suffit d'entrer au plus profond de notre être et de découvrir Dieu, le redécouvrir là où il vit. En nous. Il y a donc une force divine en chacune et chacun de nous et si nous souhaitons voir des signes de sa présence, il suffit de regarder notre propre manière de vivre la vie. Ne cherchons pas Dieu dans un ailleurs, ce n'est pas là qu'il se révèle à nous, qu'il nous attend. Dieu est en nous, à nos côtés, présence invisible qui nous accompagne. Si c'est vrai, cela signifie que Dieu n'est ni muet, ni sourd. Il entend nos prières et souhaite y répondre mais lorsque Dieu intervient sur notre terre, il ne peut le faire que par nous. Quittons nos images enfantines d'un Dieu magicien qui pourrait tout résoudre en un seul coup de baguette magique ou, en termes plus contemporains, par l'envoi d'un rayon laser en provenance du ciel. Dieu ne peut intervenir que par nous.

Quelle responsabilité divine. Mais aussi, quelle responsabilité humaine. Par la liberté reçue, nous sommes acteurs non seulement de nos vies mais également de Dieu. Par nos actes, nos paroles, nos regards, par des amitiés partagées, l'amour offert, la tendresse donnée, nous permettons à Dieu d'exister, de vivre sur notre terre. Cela signifie également que si nous proclamons que nous croyons en Dieu mais qu'en même temps nous posons des actes inqualifiables, nous sommes des menteurs. En effet, clame le Christ, si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. L'Esprit de vérité rayonne dans tout notre être. C'est de cette manière que nous pouvons affirmer que Dieu se vit tous les jours de notre vie grâce à nous. Il est vrai qu'il n'est pas toujours aisé de percevoir, de ressentir cette vie divine en nous et que Dieu, malgré tout ce que je viens de dire, nous semble bien silencieux, bien mystérieux. Pour dépasser cela reprenons un instant la dynamique divine telle qu'elle se dévoile dans l'évangile de ce jour. Dans cet extrait nous redécouvrons l'image d'un Dieu qui est Père, Fils et Esprit. Dieu le Père tout puissant de douceur et de tendresse a créé le monde et s'est retiré de celui-ci en donnant un mandat à son humanité de le conduire à son achèvement.

Pour se faire, il nous offre la liberté totale. Au moment, où les êtres humains ont été capables d'entendre, Dieu le Fils s'est incarné parmi nous pour nous proposer un chemin de vie. Ce chemin conduit au bonheur, il suffit de s'enraciner dans toutes les paroles de Jésus et de vivre de ses commandements. Puis, lui aussi, s'est retiré de ce monde pour nous laisser conduire nos vies en toute liberté. Par son retrait, il permet à Dieu, l'Esprit de vérité, de venir habiter en nous pour que nous nous habituions à Dieu et vivions de Lui. Le Père et le Fils se sont retirés de notre monde, l'Esprit de Vérité est en nous et c'est par nous, et uniquement par nous, que Dieu est à l'½uvre en notre monde. Le Père nous a donné la vie, le Fils nous montre le chemin de vie et l'Esprit nous invite en toute liberté à vivre notre vie. Dieu n'est ni muet, ni sourd. Il est à l'½uvre par nous : à nous d'agir, à nous de le reconnaître avec les yeux de la foi, à nous de vivre notre vie.

Alors les mots d'Hetty Hillesum, écrits à Auschwitz peu avant sa mort résonneront en nous : " Une chose est de plus en plus claire à mes yeux : à savoir, que vous ne pouvez nous aider, que nous devons Vous aider à nous aider. Hélas, il ne semble guère que Vous puissiez agir Vous-même sur les circonstances qui nous entourent, sur nos vies. Je ne Vous tient pas non plus pour responsable. Vous ne pouvez nous aider mais nous, nous devons Vous aider, nous devons défendre votre lieu d'habitation en nous jusqu'à la fin ".

Amen.

2e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Braun Stéphane
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Nous avons tous notre histoire, nous avons tous vécu des évènements, nous avons entendu, vu, rencontré, découvert. Nos histoires sont toutes différentes, sont chacune uniques et ne sont pas comparables. Il n'y en a pas de plus belles que d'autres, de plus tristes que d'autres, de plus grandes que d'autres. Il y a nos histoires, tout simplement, qui font ce que nous sommes aujourd'hui.

C'est parce que nous sommes uniques que nos histoires sont uniques, que notre relation à dieu est aussi unique, qu'elle évolue dans le temps comme notre histoire. Mais Dieu aujourd'hui n'est pas celui de mes 20 ans. Mes convictions évoluent, changent. Elles ne sont jamais certitudes.

Je suis veuf depuis cinq ans et demi. Ce fut l'occasion pour moi de me poser beaucoup de questions sur le sens de la vie, de la mort. Qu'est-ce qu'on fait ici sur terre, à quoi sert-on ? qu'est-ce qui disparaît avec la mort ? Qu'est-ce qui continue à vivre ? Qu'est-ce qui rend vraiment heureux ? Qu'est-ce qu'aimer et à quoi cela sert-il finalement ? etc...

Et c'est alors que, paradoxalement, le vide m'a fait découvrir l'importance du plein, l'absence m'a fait découvrir l'importance de la présence. La cassure de la relation m'a fait découvrir l'importance du pardon. Et le mot " aimer " prend de plus en plus de sens, il prend même tout son sens.

Ma seule certitude c'est que l'amour n'a pas disparu avec la mort ! L'amour de ceux, et avec ceux, qu'on a aimé continue à vivre et faire vivre. C'est amour qu'on a en nous, cette part de Dieu qu'on a en nous est transmissible et continue à faire grandir.

J'ai enfin compris pourquoi j'avais si difficile à prier, à me tourner vers ce Dieu que je ne trouvais pas. Je cherchais trop loin, dans l'infini, alors que je le découvre en moi comme source de ce qui rend vraiment heureux, de cet amour né de la relation aux autres. Je me souviens d'un voyage au Pérou : dans une échoppe de marché, je découvre une affiche (comme on en trouve dans les église d'Amérique Latine), une affiche représentant un Christ de douleur hyper-réaliste, une couronne aux épines plus longues que nature, des coulées de sang sur le visage et les yeux tournés vers le ciel. le tout, bien sûr, avec une auréole des rayons dorés.

En dessous, il y avait en espagnol cette phrase de la première lettre de Saint Jean " Celui qui ne connaît pas l'amour ne connaît pas Dieu car Dieu est amour ".

L'illustration du texte, par cette image, m'a vraiment choqué, interpellé et, par l'absurde, m'a poussé à mieux découvrir le Dieu Amour qui de plus en plus m'enthousiasme. M'enthousiasme par la folie de ce Dieu, qui ne pouvant s'aimer lui-même, a créé l'homme pour que l' Amour puisse exister, pour que lui-même, Dieu, puisse continuer à vivre. Dieu n'aurait-il alors de sens que par l'homme et l'homme que par Dieu ? L'homme capable d'aimer serait-il la concrétisation de Dieu ? La folie de Dieu ?

Car il ne s'agit pas, bien sûr, de cet état amoureux qui peut faire du bien, mais de cette relation à l'autre qu'il faut toujours décider et redécider, de cette relation qui fait grandir, de cette relation qui fait vraiment de la place en soi pour l'autre, qui rend vraiment heureux, que l'on peut appeler Amour avec " A "...que l'on peut aussi appeler Dieu.

Dieu en nous, dès la naissance aurait alors pris le risque de sa propre vie en nous laissant libre d'aimer ou de ne pas aimer... Folie de Dieu ! Folie de faire confiance en l'homme. Mais il n'y a pas d'amour sans liberté et pas de liberté sans confiance !

Et nous voilà au c½ur de cette dualité qui fait l'homme : à la fois, depuis sa naissance, détenteur de ce trésor, détenteur de ce Dieu qu'il n'a pas demandé et dont il ne peut se débarrasser, et à la fois libre, libre d'ouvrir ou ferme le coffre au trésor qu'il a en lui, libre d'aimer ou de ne pas aimer, libre de faire vivre ou non ce Dieu qui nous a créé.

Cette liberté est la clé de notre bonheur et ce bonheur est sacré car il vient de Dieu, car il est Dieu. En ce temps de l'Avent, Jean-Baptiste nous invite aujourd'hui à rentrer dans une démarche, une dynamique : " préparez, aplanissez les chemins du Seigneur ", c'est-à-dire : reconnaissez, acceptez ce Dieu en vous pour pouvoir, à la suite de Jésus-Christ, apprendre à aimer et rentrer dans l'infini de Dieu ! " Produisez du fruit " Vous en êtes responsables et votre responsabilité est grande.

3e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Puisqu'ils existent de superbes contes de Noël, permettez-moi de vous en conter un de Pâques. Il était une fois, au sommet d'une haute montagne, un tout petit sapin qui s'était mis à rêver de grand matin. Il se demandait ce qu'il voulait devenir. Quand je serai grand, dit-il, j'aimerais rester ici toujours et toujours. Je grandirais tellement que ma cime frôlerait le ciel. Ce qui fait, que chaque fois que les hommes, les femmes et les enfants de la vallée regarderont vers moi, leurs yeux iront jusqu'au ciel et ils penseront à Dieu. Les années passent et le petit sapin devient bien grand. Jusqu'au jour où des bûcherons grimpent la montagne en provenance de la vallée. Le sapin se rappelle son rêve et se met à trembler à l'idée d'être coupé. En quelques coups de hache, il est par-terre. Quelques larmes coulent le long de son tronc, il ne sera jamais celui qu'il aurait aimé être. Et les gens de la vallée regarderont moins vers le Ciel et vers Dieu. Les bûcherons le vendirent à une fabrique de bois. Quelques années plus tard, alors qu'il était devenu de simples planches, on vient le chercher pour en faire une croix. Et horreur, des hommes clouent un homme sur lui. Notre sapin a mal face à tant d'inhumanité et dire qu'il y participe sans le vouloir. La tristesse l'envahit à ce point qu'il a maintenant lui aussi envie de mourir. Quelques jours plus tard, quelle n'est pas sa joie d'apprendre que l'homme qui était mort sur le bois de la croix est ressuscité, vivant éternellement. Et le sapin devenu croix se rappelle son rêve de petit sapin : depuis ce jour, chaque fois qu'un homme, une femme, un enfant de la vallée et d'ailleurs regarde une croix, ils pensent à Dieu. Son rêve s'est réalisé.

La croix du conte, (l'épis de maïs de la seconde lecture), la fraction du pain de l'évangile, ont un point commun : grâce à eux nous nous souvenons de quelque chose, d'un événement qui nous a marqué à jamais. Et ils sont nombreux les exemples que nous trouvons dans nos vies : des objets, des odeurs, des lieux, des musiques, des phrases, des dates, des textes aussi parfois. Chaque fois qu'un de ceux-ci resurgit dans notre vie, il nous rappelle un souvenir important, heureux ou malheureux d'ailleurs. Parfois ces souvenirs sont tellement enfouis en nous que nous croyons les avoir oubliés et il suffit alors d'une note, d'un mot pour qu'ils refassent tout d'un coup surface. Bien souvent, tout cela est possible parce que derrière chacune de ces petites choses qui peuvent apparaître bien anodines aux autres, il y a le souvenir d'un moment passé avec quelqu'un d'autre. Ces petites choses nous rappellent une relation vécue, un bonheur partagé, un moment d'amitié. Un peu comme si nous investissions ces différents objets, temps, bruits ou odeurs d'une dimension affective qui redonne du baume au c½ur lorsqu'ils traversent à nouveau notre histoire.

L'histoire de l'évangile de ce jour est également une invitation à rendre un souvenir vivant, à ne pas l'enfermer dans les vestiges d'un passé à jamais révolu. C'est vrai, il suffit parfois d'un petit rien pour reprendre contact, pour dépoussiérer une relation qui s'était quelque peu endormie au fil des années. Le souvenir est important, surtout s'il est vivant, c'est-à-dire s'il nous donne l'occasion de redonner vie à la vie lorsque c'est encore possible. Si c'est vrai entre nous, il doit en être de même vis-à-vis de Dieu. L'eucharistie est l'occasion de rendre le souvenir du Christ vivant. Ce souvenir s'éclaire à la fraction du pain, à la méditation des lectures proposées, à la prière silencieuse. Ce souvenir donne la vie. S'il en est véritablement ainsi quelle est véritablement l'intensité de ce dernier, sommes-nous invités à nous poser. Est-ce le souvenir d'un acte historique qui s'est passé il y a bientôt deux mille ans ou bien est-ce le rappel heureux d'un repas partagé avec ce Dieu qui s'est fait homme pour que nous devenions Dieu. Comme les disciples d'Emmaüs nous sommes en marche sur la route de la foi, sur la route de la vie. Cette route est parsemée de rencontres, de relations à vivre et Dieu y a toute sa place. Ils étaient deux lorsqu'ils l'ont reconnu, un peu comme si c'est dans la relation que Dieu se laisse découvrir à nous.

Puissions-nous en créer de suffisamment nombreuses pour que nous aussi, parce que nous continuons à être pleinement en Dieu, nous puissions le reconnaître à la fraction du pain et nous en nourrir ensuite. C'est cela aussi la merveille de l'eucharistie.

Amen.

10e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

L'originalité de l'attitude et du message de Jésus par rapport à la doctrine de l'ancien testament, pourrait se résumer en ceci : il s'est assis à la table des pécheurs et a mangé en leur compagnie. Et viennent aussitôt à la pensée les paroles du Seigneur : Ce sont ceux qui se portent mal qui ont besoin du médecin ! Je ne viens pas appeler les justes mais les pécheurs. Je veux la miséricorde et non le sacrifice...

Il vient manger avec les pécheurs pour les nourrir de sa sainteté. Si l'on suit Jésus, c'est parce qu'on a trouvé en Lui, comme St. Matthieu, la source de vie qui sauve. L'histoire de l'apôtre, sa vocation, son appel par Jésus, commence devant une table mais c'est une table sur laquelle s'alignent des colonnes de pièces de monnaie. Sa vie s'achève au pied d'une autre table, la table eucharistique où il fut mis à mort tandis qu'il célébrait « le mystère de l'autel », comme dit la tradition. L'ancien collecteur d'impôts a contresigné, du témoignage irrécusable de sa vie, le livre qui porte son nom. Le publicain Lévi est devenu St. Matthieu, apôtre, évangéliste et martyr. Matthieu ce qui signifie « don de Yahweh » parce qu'il sait entendre ces deux mots que Jésus lui adresse »Suis-moi. »

De la même façon, nous serons sauvés si nous consentons à suivre le Seigneur. Si le Sauveur nous remet nos fautes, c'est pour nous conduire à sa suite jusqu'à la sainteté. Sur les pas du Seigneur le pécheur pardonné va courir la folle aventure de faire de cette terre le royaume du ciel. Projet fou ou scandaleux !

Ce repas « avec beaucoup de pécheurs » insistera Marc, ce repas en effet, ne manquera point de scandaliser les bien-pensants de la localité. Pharisiens et scribes s'en indignent auprès des disciples. Est-ce avec ce ramassis de pécheurs qu'un Messie digne de ce titre compte relever le pays et sauver le monde ? Les préjugés sont tenaces. 20 ans après la résurrection de Jésus, des chrétiens d'Antioche refuseront aussi de prendre leur repas avec les « frères » convertis du paganisme. Jésus, lui, ne fait pas de difficulté à présider la table où se pressent tous ces pécheurs publics, honnis de la société. Il a vite relevé les protestations : ce sont les malades qui ont besoin de médecin. Puis, il conseille à ses détracteurs de méditer le passage du prophète Osée : Je préfère la miséricorde aux sacrifices. Dieu préfèrerait trouver dans le c½ur des pharisiens, observateurs minutieux des prescriptions rituelles, un peu plus de compassion cordiale pour les faibles plutôt que la rigueur de pratiques extérieures. La miséricorde lui est plus agréable que les dévotions. Aux satisfaits d'eux- même qui font sonner très haut leur réputation de vertu, Jésus assène le coup de grâce « Il est venu sauver les malheureux conscients de leur faiblesse et de leur culpabilité et non les repus d'eux même ».

Il est donc facile de conclure : tous sont « appelés » même et surtout le pécheur. C'est ce titre d' »appelés » que St. Paul, entre autres, donnera à tous les disciples, indistinctement : « tous sont appelés, sachant que nous sommes tous pécheurs et il nous justifiera. Oui, on se tromperait en réservant le mot de vocation (appel) à certains états de vie particulière ou exceptionnelle. Il n'y a qu'une seule vocation chrétienne, une vocation évangélique, la vocation à la sainteté pour tous. Vatican II nous l'a rappelé. Voir Lumen gentium Chap. 2 et 4. Tous sont appelés à partager la félicité de l'amour. Cette vocation d'amour, cet effort constant de charité nous oblige tous. La sainteté est compatible avec tous les états de vie. Elle n'exige pas que nous nous retranchions de l'existence telle que le destin nous l'offre. Tous, bien que dans des conditions de vie différentes, avons à suivre Jésus, c'est-à-dire à croire en sa parole, à nous en inspirer dans les circonstances concrètes de nos situations de vie, dans nos tâches et dans nos rencontres, dans nos réflexions et dans nos recherches, dans nos questions, nos doutes ou nos découvertes.

Toutefois, on ne peut suivre quelqu'un en restant immobile. Le mot : suivre fait image. Il évoque le mouvement. Il faut marcher, avancer, progresser, si pas toujours au même pas et, surtout pas au pas de l'oie, si pas toujours au même rythme, à la même cadence, du moins toujours avec continuité, avec persévérance, par-delà les arrêts ou les chutes, se reprenant sans cesse. Et l'appel qui retentit dans la conscience se répercute de même dans tout l'être : c½ur, esprit action et résonne aussi à toutes les heures de notre vie, dans les joies comme dans les peines. Nous n'y répondons pas une seule fois pour toutes au jour de notre confirmation, en entrant dans les ordres ou à des heures de grâce exceptionnelle.. . C'est tous les jours, dans nos entreprises journalières, qu'il nous faut nous efforcer de répondre à l'appel de Dieu, au foyer, dans le milieu de travail...appel que le Christ nous réitère partout et à chaque instant.

Aussi, descendons en nous-même, non là où se décernent les grands prix de vertu, mais là où nous lisons parfois les leçons d'espérance et d'humilité. Quand, dans l'eucharistie de ce jour, nous allons rencontrer le Seigneur, offrons-lui notre réponse de bonne volonté, foncière et joyeuse, surtout joyeuse !

Quand le publicain Lévy invita tous ses collègues- pécheurs à dîner avec Jésus, il n'eut pas la prétention de leur dire » faites comme moi, suivez-le », non ! Mais il était tellement bouleversé par les paroles de miséricorde du rabbi Jésus et heureux de son pardon qu'il voulut les associer à ce bonheur. Et cette joie dont il leur donnait naïvement le spectacle fut le premier témoignage de gratitude qu'il rendait à son maître. Ce fut le début de son apostolat : un dîner festif, une réjouissance.

Le ministère le plus persuasif, disons-le, c'est la joie des chrétiens, cette sérénité intense, cette tranquillité joyeuse, cette paix festive d'être sauvé, cette félicité rieuse, cette allégresse d'être choisi, appelé, pardonné. Notre espérance attirera vers le Seigneur nos compagnons de misère. Nous serons témoins et prédicateurs de l'évangile par le ministère chaleureux et candide de notre confiance assurée et joyeuse et par notre paix intérieure pertinente et heureuse.

22e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, en tout cas, je trouve Pierre l'apôtre le plus sympathique de toute la bande des disciples de Jésus. Il m'est sympathique car je le trouve un peu " lourdeau ". C'est vrai, il ne comprend rien à la personne de Jésus. Il l'aime, il le suit mais qu'est-ce qu'il trébuche sur cette route : il veut que le Christ libère Israël de la domination, il le trahit, il a besoin d'être rassuré en demandant par trois fois si Jésus l'aime. Pierre a un côté vraiment touchant et c'est pourtant à lui que le Christ confie les clefs de l'Eglise.

C'est plutôt rassurant de découvrir cela. En effet, en prenant exemple sur Pierre, nous savons que même si nous trébuchons sur notre chemin de foi, Dieu est là pour nous aider à nous relever. Dans ce passage entendu, l'erreur de Pierre était de ne pas permettre à Jésus d'être qui il était. Il avait fait un rêve d'un Christ libérateur. En projetant ses propres fantasmes, il devient un obstacle à l'avènement du Fils de Dieu. Peut-être finalement que Pierre n'avait pas compris qu'entrer dans une démarche d'amour c'est accepter une part de souffrance en soi. Je n'affirme pas qu'aimer c'est souffrir, mais je crois qu'il y a une certaine part de souffrance dans toute forme d'amour et d'amitié. Une souffrance marquée par une déception possible dans la découverte de ce qu'est l'autre en vérité. L'être aimé souvent comble un ensemble de nos manques et c'est pourquoi une certaine alchimie permet la rencontre.

Mais il ne comble jamais la totalité de nos manques. Il ne sera jamais plénitude qui nous comble entièrement sinon nous entrerions dans une relation fusionnelle au risque d'étouffer l'amour naissant. C'est sans doute la première déception à intégrer, aucun être au monde ne nous comblera jamais totalement. Et c'est tant mieux car l'altérité se conjugue toujours au pluriel avec des degrés divers en fonction des relations qui tracent leurs sillons comme un bonheur à vivre. La seconde déception est peut-être celle de l'acceptation de l'autre tel qu'il est en vérité. Je t'aime toi tel que tu es non pas celui ou celle que je voudrais tant que tu sois.

Acceptant mes propres fragilités, j'ai à apprendre à aimer les chemins sinueux de l'autre. Lui permettre d'évoluer, de grandir à son propre rythme et non pas au mien. Le laisser pleinement devenir qui il ou elle est. Permettre à l'autre de marcher ainsi sur sa propre route, peut également être une cause de souffrance, de déception. Et pourtant, telle est l'essence de l'amour et de l'amitié. Ne pas oser faire ce chemin intérieur, c'est enfermer l'autre dans une image que nous nous faisons de cet être aimé. Il devient un rêve, c'est-à-dire l'ombre de lui-même.

S'il en va ainsi entre nous, il y a un risque qu'il en aille de même avec Dieu. Il peut nous arriver de nous mettre à croire à un Dieu à notre image, oubliant par là que nous avons, nous, été créés à l'image de Dieu. Ne renversons pas les rôles. Si nous nous enfermons dans une telle spirale, nous nous mettons à envisager Jésus comme étant un Dieu répondant à certaines de nos attentes pour nous-même ou pire pour les autres. Or, comme l'écrit si bien Pierre Imberdis : Jésus n'a jamais dit : éteignez les lumières, faites taire vos instruments, vivez dans l'ascétisme et la sévérité. Enfermez-vous dans une sombre pièce et priez à genoux pour être pardonnés. Il n'a jamais dit non plus : élevez vos enfants dans la crainte d'un Dieu qui juge et punit. Non, Jésus n'a jamais dit tout cela.

Par contre, il nous dit : " si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive ". Certains pourraient y entendre un certain masochisme à marcher dans les pas de Dieu. Or je crois que c'est beaucoup plus simple, plus beau. Renoncer à soi, c'est renoncer à toutes nos projections sur les autres et sur Dieu. C'est permettre à chacune et chacun ainsi qu'à Dieu d'être véritablement soi. Quant à prendre sa croix, ce n'est pas quelque chose de lourd mais bien de léger. C'est vivre sa vie dans l'amour tout simplement. Comme si Jésus nous disait : prends le risque : aime et fais ce que tu veux. N'ai pas peur de briser la loi du troupeau pourvu que l'amour te guide. N'aie pas peur de te jeter dans la vie, je suis là avec toi pour apprendre à aimer. Si c'est cela aimer Dieu tel qu'il est en aimant les autres tel qu'ils sont, alors heureux sommes-nous d'être nous aussi, à notre manière, des disciples de Jésus.

Amen.

3e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Il y a dans cette assemblée, plusieurs personnes qui m'ont avoué que lorsqu'elles étaient adolescentes elles priaient beaucoup. Oh, non pas pour réussir tel ou tel examen mais surtout pour ne pas recevoir l'appel de Dieu. J'en connais même une qui au pensionnat se cachait sous ses couvertures pour être certaine de ne pas entendre cette voix qui l'invitait à rejoindre la Congrégation des S½urs de " Je ne sais plus quoi ". L'appel de Dieu est une expression, voire une expérience qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, alors que certains, dont je fais partie, reconnaissent n'avoir reçu aucun mail ou téléphone de Jésus. Par rapport à cette question de l'appel ou plutôt du choix de vivre sa vie pour la réaliser, il y a une expérience commune que partagent de nombreux frères dominicains. Pas tous. Cette réalité vécue concerne l'annonce de notre choix de vie à nos parents. Dans un premier temps, c'est un choc pour tous les deux mais la mère semble souvent s'en remettre plus facilement. Il n'en va pas de même pour beaucoup de nos pères. Cela prend un peu plus de temps. Qu'ils puissent se réconforter en méditant l'évangile de ce jour. Si nous quittons le nid familial pour entrer dans une autre famille, notre Ordre, nous ne le laissons pas tout tomber en un instant comme les disciples de Jésus. Car comme l'écrit Luc, " aussitôt, laissant leur barque et leur père, ils le suivirent ".

Pauvre père finalement qui se retrouve tout seul. L'appel de ses deux fils a du bousculer tous ses projets. Peut-il continuer seul son entreprise familiale ? Pourra-t-il subvenir à ses propres besoins sans ses fils ? L'évangile ne nous dit rien. Ce père passe presque de manière inaperçue. Il est à peine mentionné. Il n'apparaît qu'un instant sur le chemin de Jésus. Puis on ne sait plus rien. On l'oublie. Il fait partie de ceux que nous pourrions nommer les " oubliés de l'évangile ". Et ils sont à ce point nombreux ces " oubliés de l'évangile " qu'ils ont même été le titre d'un livre, il y a déjà quelques années. L'avions-nous remarqué ce père en écoutant le texte ce soir ? Certains oui, d'autres sans doute non. Il y a les " oubliés de l'évangile " comme il y a les " oubliés de la vie ".

C'est vrai, beaucoup de personnes traversent nos chemins et nous ne les voyons pas. Les raisons sont nombreuses : je suis passé à côté de lui car j'étais dans mes pensées, j'essaye d'oublier celle-là car son souvenir me fait mal, ou encore, au moment de la rencontre j'étais trop stressé, pressé. Parfois certains sont " oubliés " pour des raisons politiques peu avouables. Pour d'autres, nous n'avons pas de temps à leur donner, nous n'avons pas d'affinités, voire même pas de liens. D'autres encore, nous énervent à ce point que nous préférons les oublier. Il y a aussi ceux qui sont tellement évidents, ils font tellement partie de notre environnement que nous oublions par exemple de les inviter.

Enfin, il y a tous ceux et celles que nous oublions parce que nous avons le sentiment qu'ils ne nous apportent rien, qu'ils ne nous feront pas grandir dans notre humanité. Pourtant, les oubliés de la vie existent, ils sont là. Et certains en souffrent car ils ont toujours l'impression que leur présence a peu d'importance, au point de croire que personne ne se rendrait compte de leur absence. Terrible sentiment. Si je suis oublié, je ne suis pas reconnu pour qui je suis, peut-être alors que je n'existe pas vraiment. Me revient en mémoire cette phrase d'une femme rwandaise, un an après le génocide : " quand vous rentrez chez vous, je n'ai qu'une seule chose à vous demander : dites à vos concitoyens de prier pour nous, s'il vous plaît, ne nous oubliez pas ".

Il n'y a rien de pire que l'oubli. La mémoire est essentielle. En effet, dans une société sans mémoire, il n'y a plus de transmission du passé. Et sans passé, il n'y a pas de présent pour construire notre avenir. Surtout dans une vie comme la nôtre où nous sommes tellement sollicités qu'il peut même nous arriver d'en oublier Dieu. Je peux passer des journées sans Dieu, je peux prendre des décisions sans Dieu. Je peux vivre sans Dieu. Puissions-nous entendre les paroles du Christ ce soir : " Venez derrière moi ". Jésus ne se satisfera cependant jamais d'une relation désincarnée de son propre Père. Le Fils nous ramène toujours au Père. Il n'est pas une fin en lui-même. Il ne veut pas que nous oublions le Père par qui tout fut créé. L'appel du Christ est un appel à la Vie, un appel à la mémoire. Ne l'oublions pas car l'oubli, trop souvent, tue la vie.

Amen.

12e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Ne craignez pas les hommes, dit Jésus à plusieurs reprises. Ne craignez pas ! Mais que devrions nous craindre nous qui vivons dans un lieu privilégié, où les ressources sont abondantes. Il n'en va cependant pas de même dans la région des Grands-Lacs d'où je reviens. Là, ils peuvent vraiment craindre, avoir peur. Ils vivent d'ailleurs avec cette peur en permanence. Elle est plurielle : peur d'être dénoncé par son voisin, sa cousine.

Il y a des arrestations tous les jours. Il est vrai qu'avec deux services secrets : les renseignements généraux et les renseignements de l'armée, cela fait beaucoup de monde pour informer ceux qui doivent l'être parce que ces derniers ont peur de perdre leur pouvoir pris par la force. On arrête pour un oui, ou pour un non. Alors effectivement ils peuvent avoir peur. D'autant que dans un an, il y aura des élections. Les américains, vous savez la première démocratie, l'exigent. Mais comme au Rwanda, il est interdit de fonder de nouveaux partis, seuls les candidats présentés par le pouvoir pourront être élus et nous ici, parce que nous ne sommes pas au courant de ce petit détail comme dirait l'autre, nous nous réjouirons de ce retour à la soi-disant démocratie. A côté de cette peur d'être dénoncé et emprisonné, il y a également la peur de mourir, par la guerre et le sida, l'espérance de vie est descendue à 37-38 ans.

Chaque jour, au Burundi par exemple, des personnes sont abattues mais on n'en parle pas. Il est vrai que ces pays n'ont pas de ressources naturelles et ne sont donc pas intéressant économiquement. Enfin, il y a encore une autre peur : celle de ne pas être éduqué. L'école primaire est obligatoire mais elle est payante. Seulement quarante pour cent des enfants seront scolarisés à ce niveau. Mais cette année par exemple sur 80000 enfants qui terminent leurs primaires, il n'y a que 3000 places de disponible pour le secondaire. Cela signifie qu'environs 4-5% de la population des 12-18 sera scolarisée. Alors quand Jésus nous dit " ne craignez pas ", il y a de quoi sourire surtout quand on visite cette superbe région d'Afrique. Et pourtant, ce message leur est également adressé et ils l'entendent. Car malgré tout ce que je viens de dénoncer, ces peuples gardent l'espérance.

Une espérance fondée sur une confiance totale et inébranlable en la vie et en Dieu. Je garde en mémoire cette ferme qui éduque plus de 150 personnes par an à la culture et à l'élevage et qui distribue des arbres fruitiers ou non chaque année. Ne perdant pas espoir, ils ont alors quelque chose à nous apprendre. Puisqu'ils n'ont plus rien, même leur vie n'a plus beaucoup de prix, ils se retournent vers l'essentiel, ce qui n'a pas de prix et donnent de la couleur à la vie : leur foi, leur confiance en ce Dieu qui les invitent à ne pas craindre, à dépasser ses propres peurs.

Nous aussi, ici, nous sommes confrontés à des peurs : il y a d'abord celles qui portent les noms de diverses maladies et de catastrophes naturelles ou de violence. Il y a aussi la peur de la solitude, , du ridicule ou de l'échec. Enfin, il y a également la peur de dire la vérité et donc de ne pas s'engager. Ma liste est évidemment loin d'être exhaustive. Mais revenons à cette dernière, je ne parle pas des grands engagements qui auront des conséquences pour la vie entière comme le choix des études, le mariage ou la vie religieuse, non je pense plutôt à tous ces petits engagements quotidiens à côté desquels nous pouvons passer par peur du ridicule, de la réaction de l'autre ou encore par crainte de devoir le contredire au nom d'une vérité qui nous anime. Cette peur là, elle s'exprime par les " j'ai failli ", les " j'aurais dû ". Lorsque de telles expressions croisent notre vécu de temps à autre, ce n'est pas bien grave. Il n'est pas possible de tout réaliser. Mais lorsqu'elles deviennent légion alors, nous sommes conviés à nous ressaisir parce qu'à force de faillir, nous risquons de passer à côté de notre vie.

Afin d'éviter cela, nous sommes invités à chercher à comprendre le pourquoi de ces petites peurs anodines : sont-elles réelles ou pures projections de notre esprit. Il y a donc lieu de faire silence à cette voix noire des sagesses et des raisons. Et cela, c'est le travail que l'écoute opère en nous : avant de nous dire quelque chose, elle fait taire en nous tout le reste. Ecouter, ce n'est rien qu'on puisse dire ou penser. C'est d'abord s'interrompre pour mieux éclairer une parole en douceur et vérité. Ce silence est délivré du langage, détaché de tout - et même de soi. Il ne dit rien que lui-même. Puissions-nous écouter ce silence de nos peurs quotidiennes pour apprendre à les dépasser et ainsi être capable non seulement d'écouter mais d'entendre ce que l'autre me dit, pense et vit. C'est une question éthique car faillir trop souvent blesse. S'il en est ainsi entre nous, il en va de même pour Dieu. Dieu a besoin de nos mains et de nos paroles pour exister sur cette terre. Il demande à chacune et chacun d'entre nous d'être des témoins véritables de cette foi qui nous habite.

N'ayons pas peur d'être ridicule aux yeux de certains parce que nous croyons. La foi permet de déplacer des montagnes, de dépasser nos peurs. Cette foi donne du goût à notre vie. Le ridicule ne tue jamais le témoin lorsqu'il témoigne, le ridicule tue simplement le muet parce qu'à force de ne plus parler, il n'existe plus. Osons partager notre foi à celles et ceux que nous croisons. Nous valons bien plus que tous les moineaux du monde. N'ayons plus peur. Dieu a besoin de nous.

Amen.

23e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

D'après une étude faite par l'école de criminologie de l'université de Louvain, il y a quelques années, il a été découvert que si l'un d'entre nous est agressé, il ne doit surtout pas crier " au secours ". Cette simple expression semble inviter beaucoup de gens à venir voir discrètement ce qui se passe mais sans pour autant passer à l'action de peur d'être agressé soi-même. Lorsqu'ils sont interrogés, ils prétendent n'avoir rien vu, ni entendu, alors que certains étaient restés regarder derrière leurs rideaux. Une forme de voyeurisme malsain. Si ce genre de mésaventure nous arrive, il est, toujours selon ces chercheurs, préférable de crier " au feu ". En effet " au secours " ne concerne que la victime tandis que " au feu ", c'est peut-être nous tous qui sommes concernés. Nos biens pourraient être touchés par les flammes et nous voulons nous en assurer.

Il n'y a évidemment pas lieu de généraliser ces attitudes et je sais que certains dans cette assemblée ont dans leur vie eu des comportements courageux où ils n'ont pas craint de prendre des risques pour d'autres. " Au secours " nous paralyse, " au feu " nous mobilise. Deux mots peuvent ainsi changer la destinée d'une personne. C'est tellement paradoxal.

Et voilà qu'aujourd'hui l'évangile nous fait découvrir qu'il existe d'autres feux dans la vie. Il y a bien évidemment celui des flammes mais il y a aussi un feu intérieur qui peut nous consumer petit à petit tellement nous glissons sur cette pente de la vie qui peut conduire à une véritable fournaise de laquelle nous ne savons pas toujours comment en sortir. Si cela nous arrive, il nous reste à espérer que nous aurons autour de nous des personnes prêtes à nous aider, à nous interpeller dans la douceur pour que nous puissions ouvrir nos yeux et prendre conscience de ce qui nous arrive et vers où nous allons. Et ce, d'autant plus que parfois tout cela est tellement inconscient que nous ne nous rendons compte de rien.

Puissions-nous chacune et chacun être entourés de guetteurs vigilants, à l'instar d'Ezékiel dans la première lecture. Des guetteurs qui nous aiment et qui au nom de cet amour se lèvent et viennent vers nous pour nous prendre la main et nous ouvrir vers un nouveau chemin. Tout simplement car, comme le clame Saint Paul, " les commandements se résument dans cette parole : tu aimeras ton prochain comme toi-même. L'amour ne fait rien de mal au prochain. Puisque l'accomplissement parfait de la loi, c'est l'amour ". C'est donc dans l'amour que cela doit se vivre. Mais si des guetteurs nous entourent, cela signifie également que nous avons à être guetteurs pour d'autres. Et là les choses peuvent parfois se compliquer un peu surtout dans notre société qui prône l'individualisme comme une valeur sûre. Et je crois qu'à ce niveau, elle se trompe lourdement. L'individualisme nous permet effectivement de nous dire " chacun fait ce qu'il veut ", " si c'est ce qu'il souhaite " voire même " à chacun ses problèmes ".

Et j'en arrive alors à ne plus m'occuper des autres non pas par respect pour eux mais surtout pour que ces derniers ne me remettent pas non plus en question. Je les fuis tout en me fuyant. Cet individualisme conduit également à nier la valeur sociale de nos actions. Il est vrai qu'il est tellement plus facile de parler des autres, que de s'adresser à l'autre. Et pourtant, pourtant, c'est ce que l'évangile nous invite à vivre sans aucune concession. Si ton frère a commis un péché, c'est-à-dire s'il pose des actes qu'il empêche de devenir lui-même, de se réaliser sur cette terre, s'il entre en rupture d'alliance avec lui-même, avec les autres, ou encore avec le Tout Autre, va lui parler seul à seul et montre-lui ses torts. Cela ne veut pas dire l'accuser, le culpabiliser, devenir moralisateur. Non c'est être capable d'entrer en tendresse, d'illuminer sa route pour qu'il découvre par lui-même la souffrance dans laquelle il s'engage.

Cela nous demande à la fois courage et discrétion, douceur et vérité, patience et déception. Nous semons en lui quelque chose de l'ordre de l'indicible pour qu'un jour, quand il l'aura décidé, il se relève de lui-même. Nous avons une tâche à réaliser : permettre à chacune et chacun de se mettre debout lorsqu'il ou elle trébuche. De la sorte, suivre le Christ ce n'est plus être spectateur mais acteur de notre vie en étant guetteur de celle des autres. Amen.

2e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Il y a deux ans, j'ai vécu au cours de cette célébration de dix-neuf heures une expérience quelque peu étonnante, voire même étrange. Il y avait devant moi, juste à votre place madame/monsieur, un jeune homme qui n'arrêtait pas de me fixer de son regard. Et cela depuis de début de l'eucharistie. Il m'était impossible de l'éviter. Chaque fois que mes yeux balayaient l'assemblée, je croisais les siens. J'étais dérangé parce que je n'arrivais pas à comprendre la fixité et l'intensité de son regard à mon égard. Quelques mauvaises pensées m'ont même traversé l'esprit au cours de la prière eucharistique lorsque je constatai qu'il continuait de me regarder de la sorte. Un peu comme si en paraphrasant le texte de Raoul Follereau, chaque fois, que je le voyais, je savais par lui que j'étais vivant.

Bien vivant puisque je sentais en moi monter un certain énervement. Quelle ne fut pas ma surprise après lui avoir donné la communion de découvrir lorsqu'il s'est retourné qu'il portait des appareils auditifs et que depuis le début de la messe, il lisait sur mes lèvres. A cet instant, je compris l'intensité de son regard. C'est par ses yeux qu'il pouvait m'entendre.

Finalement, un regard est rarement neutre. Certains regards nous étonnent, d'autres nous effrayent, d'autres encore nous rassurent. Il suffit parfois d'un simple regard pour se trouver bien ou pour être mal. A un moment donné de la vie, le regard de l'autre me façonne, me construit. Et souvent quand il me déstabilise, c'est parce que j'ai peur d'être jugé, incompris, condamné, en fait mal aimé tout simplement. De plus, par mon regard, tu ressentiras toute l'amitié que j'ai pour toi et moi par tes yeux, je reconnais les sentiments qui habitent au plus profond de ton être. C'est dans les yeux de l'autre que nous cherchons des forces pour affronter des moments plus difficiles. Par un simple coup d'½il, je sais que je ne suis plus tout seul.

Quelqu'un est là, il m'aime et me redonne le courage. Ce n'est pas si étonnant que cela, cette puissance du regard, n'est-il pas vrai qu'avec les yeux, nous ne pouvons pas mentir. Un peu comme si ceux-ci étaient le miroir de notre âme. Ils disent quelque chose de nous. C'est pourquoi, j'aime plonger dans le regard de l'être aimé pour retrouver confiance. C'est vrai, il suffit parfois d'un simple regard pour se dire tant de choses. Qui d'entre nous, lorsqu'il était à l'école, par exemple, ne comprenait pas ses voisins de classe par de simples regards ? Combien de chahuts n'ont pas commencé de la sorte. Le regard est tellement important qu'il n'y a rien de pire que de parler à quelqu'un qui a mis des lentilles de contacts illustrées ou encore quelqu'un dont nous ne pouvons pas voir les yeux cachés derrières des lunettes de soleil. Je trouve cela personnellement insupportable et j'invite toujours la personne à les retirer sauf évidemment si celles-ci permettent de cacher la douleur d'un événement. Dans les autres cas, j'ai toujours l'impression que si la personne cache ses yeux, la relation n'est pas tout à fait vraie. Je ne peux pas véritablement entrer en contact. Tout comme celles et ceux qui lorsqu'ils vous parlent regardent par terre, derrière ou à côté de vous.

C'est pourquoi, j'invite maintenant les jeunes qui ont préparé cette célébration à retirer les lunettes pour que par les yeux, les personnes puissent entrer en contact des deux côtés de l'autel. Les yeux sont donc essentiels et c'est sans doute la raison pour laquelle Isaïe écrit : " oui, j'ai du prix aux yeux du Seigneur, c'est mon Dieu qui est ma force " ou encore lorsque Raoul Follereau conclut : " quand je la vois, je sais par elle que je suis vivant ". Merveille du regard qui fait vivre. Merveille du regard qui s'attarde. Parce que finalement les yeux, c'est un peu comme la foi.

Dans la vie, toutes et tous, nous voyons des choses. Souvent de manière différente. Certains voient des détails auxquels les autres n'auront pas spécialement prêté attention. Il y a même parfois des choses que nous ne voyons pas du tout, comme si nous avions nos yeux en poche. C'est en cela que les yeux sont un peu comme la foi. Le regard est la lumière de l'amour et de la foi qui voit là où d'autres ne voient rien. Ce n'est donc pas parce que je n'ai pas vu quelque chose que la chose n'existe pas pour autant. Il en va de même pour la foi. Une foi éclairée par l'Esprit qui nous permet, comme Jean le Baptiste lorsque nous posons notre regard sur le mystère du Christ, de reconnaître, nous aussi : " oui, je l'ai vu, c'est lui le Fils de Dieu ". Que par nos yeux nous puissions toujours voir la réalité, la vérité de Dieu.

Amen.

Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2001-2002

Cela fait un peu moins de deux mille ans que Jésus nous a dit qu'il reviendrait un jour. Imaginons-nous alors la situation suivante. Dans notre pays, depuis quelques mois, une étoile s'est mise à briller de plus en plus sur la clinique Edith Cavell. C'est quand même plus chic que notre Sauveur naisse à Uccle. Les astrologues sont unanimes pour nous dire que cette étoile annonce un événement exceptionnel et en ce temps des télécommunications, tous les journalistes sont là dans l'attente de l'heureux événement. Marie et Joseph sont arrivés depuis quelques heures déjà. Et voilà soudainement que les portes de l'hôpital s'ouvrent, le porte-parole s'avance et est maintenant prêt à s'adresser à la presse. Un sentiment d'inquiétude traverse les gens qui attendent depuis si longtemps. Ils lisent dans les yeux du porte-parole, une certaine gêne, comme si quelque chose d'anormal s'était passé. Et voilà qu'en quelques secondes, la tension monte alors que l'étoile brille plus que jamais dans le ciel au-dessus d'Edith Cavell. Tout doucement, le porte-parole commence à parler : " l'accouchement s'est très bien passé ; la mère et l'enfant se portent à merveille mais... poursuit-il en ne sachant plus très bien quoi dire, mais à notre grand étonnement, Jésus est une fille ". Une fille ! crie la foule, mais ce n'est pas possible. C'est une imposteur et nous nous sommes faits avoir ".

Ce petit conte de Noël contemporain peut apparaître blasphématoire pour certains. Et pourtant, telle n'est pas mon intention. Si je vous l'ai raconté, c'est parce que j'ai le sentiment que face à un tel événement à ce point inattendu nous serions sans doute pour beaucoup choqués. Ce n'est pas comme cela que nous l'avions imaginé, attendu le retour du Messie. Tout comme les gens, il y a deux mille ans. Ils attendaient un " Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ", comme le proclamait Isaïe. Et ils découvrent que ce Dieu promis est un bébé emmailloté dans une mangeoire. Pauvre parmi les plus pauvres. Ils étaient, je pense, aussi étonnés que nous ne le serions si mon petit conte était devenu réalité.

En cette nuit de Noël, Dieu nous invite à faire place à l'imprévu, place à l'inattendu. La foi en Jésus Christ qui nous rassemble aujourd'hui ne peut passer que par l'étonnement. Nous pourrions presque affirmer qu'avoir la foi, c'est être étonné. Certains sont étonnés que nous puissions croire et nous, nous croyons car nous sommes des êtres non seulement étonnants mais également étonnés. Des étonnés de l'amour de Dieu pour sa création, des étonnés de l'amour de Dieu qui se dévoile dans toute relation où chaque être est libre d'aimer. Tant que je ne serai pas étonné, je ne serai pas croyant comme si, lorsque j'arrête de m'étonner, je perds la foi. Tout simplement parce que le visage de Dieu, tel qu'il nous est révélé par Jésus, est étonnant. L'évangile est étonnant.

Dès lors, croire est étonnant. Par le mystère de l'Incarnation, nous devenons les étonnés de la vie. En nous, nous laissons une lézarde dans nos certitudes intérieures pour laisser surgir l'imprévu, l'inattendu de Dieu. Nous nous ouvrons à l'irruption du nouveau dans notre vie. Nous lâchons prise parce que nous acceptons que c'est dans cet inattendu que Dieu nous attend. Lâcher prise, c'est se reconnaître non maître de son histoire et de sa destinée. C'est ne pas adapter l'événement à mes propres désirs mais recevoir chaque jour, chaque instant comme il vient et pouvoir m'en réjouir. Lâcher prise, c'est accepter que tout ne nous appartient pas, qu'il y a une grande part de mystère en Dieu, en l'autre mais également en nous. C'est donc se déprendre de nous-même pour mieux vivre et grandir pour l'avenir. En lâchant prise, je crains moins et j'aime davantage.

C'est vrai, lorsque je contrôle tout, je me rassure ; tandis que lorsque je laisse place à l'imprévu, à l'inattendu, je lâche prise et donc, je peux vivre. Noël nous convie de la sorte à laisser place en nous pour mieux nous abandonner dans le c½ur de Dieu. Vivre de cette confiance que le bonheur est un chemin proposé à chacune et chacun même si les ronces de la violence désenchantent le monde dans lequel nous sommes pour le moment. Vivre la vie avec étonnement pour redécouvrir les merveilles de chaque instant. Cueillir et accueillir l'imprévu des événements comme richesses à dépasser et bienfaits à découvrir. Si l'inattendu et l'imprévu nous déstabilisent, rappelons-nous qu'à tout instant qui passe, le Christ frappe lui aussi à notre porte de façon toujours inattendue. C'est dans l'inattendu et l'imprévu de l'événement que Dieu se révèle à nous en cette nuit de Noël. Que dans la foi, nous puissions nous en réjouir pour que l'étoile de Noël ne se lasse pas en une nuit mais s'offre à nous dans l'étonnement de chaque instant. S'il en est ainsi, dans l'inattendu de cet événement merveilleux, il me reste à vous souhaiter un Joyeux Noël.

Amen.

13e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

J'aimerais parfois pouvoir sonner à la porte d'une maison dont je ne connais pas les habitants. Je la choisirais au hasard et j'irais m'asseoir dans leur cuisine. Là je leur demanderais de quoi ils ont peur dans cette vie, ce qu'ils espèrent le plus réaliser et surtout s'ils comprennent quelque chose à notre présence commune sur cette terre. Ayant reçu un minimum d'éducation, je sais que ce genre de chose ne peut pas se faire alors que cet élan me semble le plus naturel du monde. Quand bien même je braverais ces limites qui m'ont été imposées tout au long de mon enfance, à raison, je craindrais les réactions des personnes chez qui j'irais sonner. Elles me prendraient sans doute pour un fou, un être à interner. Il y aurait beaucoup de méfiance dans la rencontre en tout cas.

Cette méfiance est devenue un peu le ciment de ce début de troisième millénaire. Il n'est pas évident de donner sa confiance. Tout nous pousse à nous méfier par crainte du regard de l'autre, par peur d'être tout simplement abuser dans notre crédulité, ou encore par malaise de ce que cet autre pourra découvrir de nous et que nous ne gérons pas bien. Les images et les titres des médias ne nous aident effectivement pas toujours à entrer dans le risque du pari de la confiance, c'est-à-dire d'un optimisme à la vie. Et sans doute que l'évangile à quelque chose à nous dire ce ajourd'hui. L'accueil est une dimension essentielle de nos existences.

Nous avons en nous ce besoin d'accueillir, de rencontrer pour aimer mais également ce plaisir de se sentir accueilli, reconnu et accepté tels que nous sommes. L'accueil ne demande pas grand chose. Il suffit d'un simple verre d'eau fraîche nous dit le Christ. Trop souvent nous nous encombrons de projections sur ce qu'il y a lieu de faire et d'offrir pour bien accueillir alors que l'accueil véritable est une disposition du c½ur en vue de rencontrer l'autre en vérité. Pour cela, pas besoin de biscuits, ni de champagne frappé. Plutôt un simple regard soutenu épris de tendresse et de disponibilité. Plusieurs d'entre nous, ont sans doute, au cours de leurs voyages, rencontré des cultures où l'accueil était une priorité, un élément essentiel de leur tradition. Avec pas grand chose, presque rien, ils nous donnent l'impression qu'à leurs yeux nous sommes importants comme si nous étions Dieu à leur table.

Me revient en mémoire ce petit morceau de pain tartiné d'une sardine écrasée le tout recouvert de confiture de fraises. Vous me l'offririez maintenant j'aurais quelque réticence à l'accepter, mais ce morceau je l'avais reçu de quelqu'un qui avait tout perdu. C'était dans un camp de réfugiés. Il y a déjà huit ans et pourtant, je n'ai jamais oublié. Au plus profond de son indigence, il offrait au riche que j'étais tout ce qu'il avait trouvé. Lorsque cela nous arrive, après l'étonnement, l'émerveillement, vient le temps du doute, de la méfiance : que veut-il de moi, qu'attend-elle en retour. La gratuité de ce geste n'est pas possible. Nous nous méfions.

Or pourtant, l'accueil véritable se vit dans la confiance. Toutes et tous, par l'évangile, nous sommes conviés à lâcher prise, c'est-à-dire à faire ce travail intérieur d'être bien avec nous-mêmes. En nous, les choses se mettent ou remettent à leur place et nous devenons fidèles et en lien avec qui nous sommes. En faisant cette démarche, nous enlevons beaucoup de choses inutiles dans nos vies. Désencombrés de toutes nos méfiances, nos suspicions, Dieu peut alors se rapprocher de nous pour voir ce qui se passe. Remettant Dieu au c½ur de nos vies, nos regards peuvent alors se transformer. Nous ne sommes plus sous l'influence d'une société qui se méfie, mais nous nous enracinons dans un évangile qui nous rappelle que chaque fois que nous accueillons l'un des nôtres, aussi éloigné soit-il de nous, c'est Dieu que nous accueillons. De la sorte, l'accueil n'est pas seulement humain mais bien divin. C'est dans ma manière d'accueillir l'autre, de lui faire confiance, en fait de permettre à ce qu'une relation s'établisse que Dieu peut surgir et vivre parmi nous. Dieu vit en chacune et chacun de nous. Il est vrai que parfois, pour diverses raisons, nous avons l'impression que Dieu se cache dans l'autre et que nous ne le trouvons pas, tellement cet autre nous énerve. Et pourtant, cet autre, tout autre qu'il ou elle est, est également lieu de Dieu. Tout comme nous le sommes. Puissions-nous alors au nom de cette foi qui nous anime, oser à nouveau faire confiance en chacune et chacun, dépasser nos méfiances respectives pour permettre à ce Dieu en nous d'exister parmi nous.

Amen.