17e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Il y a de ces petits noms qui vous font chaud au c½ur lorsqu'ils vous sont adressés. Je vous en livre quelques uns à titre d'exemples et certainement pas pour que vous commenciez à m'appeler de la sorte. La liste proposée est évidemment loin d'être exhaustive et je vous invite à la compléter par vous même. Voici quelques petits noms, glanés ci et là : chou, chouchou, chéri, chat, chaton, lapin, biquet, canard, nounours, amour, mon amour, mamour, loup, pt'it loup, loulou ou encore mon trésor. Ces mots désignent chaque fois une personne qui nous est très chère et avec laquelle nous avons une relation tout à fait particulière puisqu'il s'agit d'une relation souvent de couple mais parfois ces mots sont aussi utilisés par des parents lorsqu'ils souhaitent dire toute leur tendresse à leurs propres enfants.

Ces mots désignent des personnes. Tout comme l'évangile d'ailleurs. Le trésor dont l'évangile parle aujourd'hui n'est pas quelque chose de matériel ; le trésor n'est pas non plus, l'évangile pris dans son ensemble. Non le trésor est une personne : Dieu le Fils. Notre trésor de croyant, c'est Jésus lui-même, envoyé par Dieu le Père sur notre terre pour faire lever sur notre terre la semence du Royaume. Ce dernier lorsqu'il sera atteint sera aussi beau et pur qu'une perle rare. Telle est la promesse reçue. Et cette promesse se réalise dès à présent, si nous acceptons de poser notre vie dans les pas de Salomon et avec lui de demander " un c½ur attentif et le discernement nécessaire entre le bien et le mal ".

Ce que Jésus et Salomon nous rappellent c'est que ce trésor caché dans un champ et cette perle de grand prix illustre une autre parole du Christ, trouvée également en Matthieu : " où est ton trésor, là aussi sera ton c½ur ". Où est notre trésor ? sommes-nous invités à nous demander. C'est-à-dire où est Dieu dans notre vie ? La réponse est simple, tellement simple : dans notre c½ur. Mais qu'est-ce à dire ? Ce qui importe, ce ne sont pas nos intentions, voire même nos déclarations.

Non ce qui importe tant aux yeux de Dieu qu'aux nôtres, ce sont nos comportements quotidiens, nos préoccupations dominantes, nos manières d'entrer en relation et de nous soucier les uns des autres. En fait, ce qui importe, c'est l'usage que nous faisons de notre temps, de notre attention et de nos ressources personnelles et intérieures.

Si le Christ est vraiment ce trésor dans lequel je puise, comment est-ce que j'organise mon emploi du temps ? Quelle place a-t-il dans mon agenda ? Trop souvent hélas, nous nous disons, " mon Dieu, je n'ai pas trouvé le temps pour faire ceci, je n'ai pas donné du temps à l'autre alors qu'aimer qui s'enracine dans notre c½ur, c'est prendre le temps de perdre son temps mais ensemble ". Un peu comme si nous avions consacré notre temps à des préoccupations jugées plus importantes ou plus intéressantes alors qu'elles nous éloignent de ce qui est essentiel dans la vie. Pour Dieu, l'essentiel se résume en trois mots : aimer, aimer et aimer. Tout le reste est superflu. Facile à dire mais tellement difficile à réaliser dans notre société occidentale où abondance et gaspillage se côtoient journellement. Nous avons beau le savoir, le reconnaître et pourtant nous nous laissons trop souvent envahir par ce monde qui a aussi de superbes richesses marquées dans la solidarité, le souci de l'autre, la découverte de l'altérité, la réjouissance de la différence.

Dieu le Père par son évangile nous fait découvrir que le seul trésor est son Fils. Un Fils qui veut notre bonheur et également que notre vie soit aussi belle qu'une perle rare. Ce Fils réside dans le c½ur de chacune et chacun d'entre nous et il ne demande qu'à pouvoir s'épanouir par nous. Pour ce faire, il n'existe qu'une seule possibilité : donner du temps au temps, pour revenir à l'essentiel, au c½ur de notre c½ur, là où il est possible d'aimer celles et ceux que je suis amené à rencontrer. Comment savoir si je suis sur le bon chemin. C'est tout simple, il suffit de regarder notre agenda. Si le Christ est vraiment le trésor de ma vie, est-ce que je lui consacre suffisamment de temps ? A chacune et chacun d'y répondre et puis, de rectifier son emploi du temps si nécessaire.

Amen.

4e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

A quelques kilomètres d'ici, en pleine campagne, se trouve une délicieuse chocolaterie artisanale et qui n'a rien à voir avec le chocolatier dont je vous ai déjà entrenu. J'aimerais personnellement pouvoir y passer de temps en temps mais mes finances ne me le permettent pas. Alors je me mets à rêver d'une de leurs pralines : ma préférée. Lorsque vous la croquez vous vous émerveillez de cette mousse au chocolat tendrement posée sur une fine tranche de massepain et surplombée d'une petite noisette, le tout enrobé de chocolat fondant. Je répète : une mousse au chocolat tendrement posée sur une fine tranche de massepain et surplombée d'une petite noisette, le tout enrobé de chocolat fondant. Le bonheur ! Le vrai bonheur. Une béatitude vécue ici et maintenant.
Mais en est-il vraiment ainsi ? Est-ce véritablement le vrai bonheur ? Celui que nous espérons toutes et tous. Hélas, je ne le crois pas. Et tant pis pour ma pauvre praline. Le bonheur auquel nous sommes conviés est un bonheur éternel, ou dit autrement, un bonheur qui perdure à jamais dans le temps. Ce qui n'est pas le cas de ma praline. Quand j'y goûte, peu de temps après, j'en désire une seconde, puis une troisième et comme elles sont si délicieuses, j'en mangerais à l'infini. Le bonheur de ma praline se doit de se répéter pour subsister. Ma praline n'est plus signe de bonheur par excellence, elle reste, en tout cas à mes yeux, étincelle de bonheur, préfigurant une dimension du bonheur, celle d'une plénitude acquise pour toujours. Mais pour cela, il faut laisser le temps au temps. Si la mort est, comme je le disais il y a quelques semaines, l'entrée dans un état de bonheur, il n'en est pas de même de notre vie. Nous n'avons pas encore atteint cet état. En tout cas pas de manière permanente.
Mais pour vivre un jour cette promesse, le Christ, par ses béatitudes, renversant de la sorte les dix commandements, non pas en les abolissant mais en les inscrivant dans le c½ur de chacune et chacun, nous convie à entrer dans un chemin précis, celui de la dynamique du bonheur. Quel plus beau projet de vie, aurions-nous pu espérer ? Voilà donc que s'inscrit en nous, non plus des Tables de la loi, mais des béatitudes c'est-à-dire des souhaits manifestant le dessein de Dieu pour son humanité. Dieu nous convie à être heureux. Un peu comme si l'accomplissement de notre bonheur était son propre bonheur. Un bonheur qui ne se vit pas seuls mais qui se partage, s'offre dans le rencontre avec l'autre pour mieux être signe du Tout-Autre. Le bonheur des béatitudes est bien une dynamique du bonheur que nous retrouvons dans notre texte où nous passons presque constamment du présent au futur. Heureux sommes-nous ici et maintenant si nous vivons d'une certaine manière, le bonheur nous est promis dans le futur. Promesse ultime de Dieu nous conviant à écrire personnellement notre histoire. Ecrire sa vie est essentiel. Chacune et chacun de nous avons besoin de laisser une trace, une marque de notre passage, écrit Martin Gray.
La vie nous a été donnée. Nous n'avons rien demandé. Chacune et chacun nous sommes invités à la réussir, à lui donner vie, à construire un projet pour que jamais nous ne regrettions d'être passé à côté de celle-ci. Je crois personnellement qu'il n'y a rien de pire pour une personne que de passer à côté de sa vie. C'est pourquoi, il est tellement important de prendre sa plume et de se mettre à écrire sa propre vie. L'homme est né pour s'élever au-dessus de lui-même pour être lui-même, écrivit un jour Bemard de Clairvaux. La vie humaine apparaît donc bien comme un beau risque à réaliser, une aventure d'une destinée que nous nous donnons à nous-mêmes. C'est à nous de faire de notre vie une histoire, qui dit oui à l'existence et que nous allons conduire et prendre par la main pour lui donner sens et forme à chaque instant.
Toutes et tous, à l'image des béatitudes, nous nous déclinons au futur de ce que nous avons reçu. Notre vie est vie lorsque nous la jouons c'est-à-dire lorsqu'elle devient une histoire, celle que j'écris moi-même. Comme si être, c'est s'écrire. S'il en est ainsi, quel bonheur avons-nous de faire de nos vies une écriture, celle-ci à son tour s'inscrivant dans les Ecritures. Oui, heureux sommes-nous de recevoir et méditer ses béatitudes car elles nous offrent ce chemin où je choisis de faire de la vie, l'écriture de ma destinée, avec les autres et fondée sur le Tout Autre. C'est de la sorte qu'au c½ur de ma vie, je creuse mon sillon.
Amen.

18e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Les bons conseils ne coûtent pas chers ! Dans cet épisode de la vie de Jésus, les disciples ne manquent pas de lui en prodiguer : l'endroit est désert, il se fait tard, renvoie la foule, qu'ils aillent dans les villages, qu'avons-nous ici pour eux... Jésus, lui, entend le cri de la foule. Quand elle demande du pain, il sait qu'elle a une autre faim, celle d'un amour fidèle à donner et à recevoir. Et Jésus donne à la foule le pain de sa parole, celui qui comble toutes les faims. Quand tout le monde est rassasié, il en reste 12 corbeilles, c'est-à-dire de quoi nourrir les 12 tribus d'Israël, tout le peuple de l'Eglise et même le monde entier. C'est le sens du chiffre 5000 chez Matthieu.

Aujourd'hui encore quoi de plus facile, et de plus inutile, que de dire à l'affamé dans le désert de son désarroi « Tu aurais dû penser à t'acheter de quoi satisfaire ta faim. » Oui, il est facile de crier »haro sur la misère ou l'incapacité, quand il aurait été plus efficace d'ouvrir sa porte et de partager son pain. Il est facile de crier à l'injustice et d'exiger un meilleur partage mais il est moins facile de se reconnaître soi-même favorisé, voire nanti. Ne pourrions-nous avoir un peu de la sollicitude de Dieu qui, elle, n'est pas faite de mots mais d'actions efficaces !

A propos de cette page d'Evangile, nous parlons toujours de multiplication des pains mais le texte ne parle pas de multiplication miraculeuse mais de partage, de répartition, de mise en commun, de communion. Tout est symbole ici et n'évoque que : communauté, solidarité, service et don.

Nous sommes au désert. Là où les frontières tombent et les barrières s'estompent. Le désert est la terre des fiançailles du peuple d'Israël avec son Dieu. La foule a faim. Selon Isaïe, avoir faim c'est désirer être à l'écoute de la Parole de Dieu. Les gens sont assis. Jésus est debout. Il lève les yeux, bénit le pain, le rompt et le donne comme à la dernière cène. Le pain est le symbole de la nourriture au sens large mais celui aussi de la présence de Dieu parmi nous, de sa parole. Le poisson est l'image du chrétien et du Christ. La foule de 5000, celle de la nouvelle communauté messianique, du rassemblement du monde sauvé. Elle est un présage d'universalité.

Laissons-nous porter par le symbolisme du pain pour comprendre cet épisode car Dieu est un très grand poète. Le pain représente l'humanité dans sa condition naturelle industrieuse. Celui que nous prenons et qui est devenu le corps de Christ celui par lequel Dieu nous inocule son amour et nous divinise. L'eucharistie est à chacun d'entre nous ce que l'Incarnation est à l'humanité. Le pain ne représente pas seulement l'homme individuellement mais il symbolise toute la communauté humaine à travers aussi toute la chaîne des corps de métiers par lequel il est passé et toutes les origines diverses du blé. Toute l'humanité est mise en cause. L'hostie est le corps mystique du Christ. (l'Eglise). Le pain est image de la condition humaine, moulu et pétri comme le raisin est broyé et foulé... Tout cela signifie que nous sommes appelés à former une seule chaîne planétaire de solidarité, une multinationale de l'Amour fondée sur la diversité, l'entente et le dialogue. Cela signifie aussi qu'il s'agit de garder les yeux ouverts, de ne pas s'engourdir l'âme.

Dans les déserts de nos temps présents, les foules affamées ne manquent pas : peuples de la faim, victimes des guerres, couples en difficultés, enfants exploités, jeunes sans repères, vieillards sans présence affective. Et devant tant de misères accumulées, ne pensons-nous pas comme les apôtres : « qu'ils aillent chercher ailleurs...Ce n'est pas notre rôle...Et nous nous barricadons derrière notre impuissance pour ne plus voir, ne pas avoir mal, ne pas agir. Mais retisser, là où nous sommes des réseaux naturels de solidarité, c'est comprendre qu'il ne suffit pas de bien prier et de bien communier mais qu'il s'agit de payer de sa personne et cela d'autant plus que nous sommes mieux au courant des manques de tout de nos frères en humanité. C'est comprendre que chaque fois qu'il y a partage, par-delà nos prudences et nos principes, Dieu est là, et un Dieu comme ils en redemandent !

Il nous est peut-être difficile de percevoir ce symbolisme communautaire du Pain à l'heure du self-service ! Quand chacun avec son petit plateau repas, comme dans les avions, est obligé de manger la même quantité et de le faire tout seul. Oui, c'est tellement plus difficile de comprendre que ce serait tellement plus humain que chacun se serve selon ses besoins, chacun attentif à ce que l'autre ait ce qu'il lui faut et prêt à laisser la meilleure part pour le voisin. Alors le repas deviendrait ce que la vie devrait être, un temps où chacun donne, partage et aime.

« Faites ceci en mémoire de moi... C'est Jésus à la dernière cène dans le geste du serviteur lavant les pieds de ses disciples. Devenir comme Jésus serviteur de notre prochain. Devenir comme Jésus « la nouvelle alliance en son sang », signe de réconciliation et de pardon. Devenir l'agneau de Dieu, signe de délivrance, de confiance et d'amour. Car, on ne présentait pas à Dieu des animaux carnassiers. Ils n'étaient pas utilisés pour le sacrifice parce qu'ils étaient signe de cruauté et de peur suscitée. On ne se présentait à Dieu que dans la confiance et l'amour. On ne doit aborder ses frères que dans l'écoute attentive et le partage généreux. Et faire mémoire ! Oui, le drame qui perturbe nos relations avec Dieu c'est l'oubli. La lutte de la mémoire contre l'oubli, c'est notre foi, car la cène résume la totalité de la foi chrétienne ; louange, demande, repentance auxquelles correspondent partage, pardon et espérance du Royaume.

Ita missa est : voilà ta mission ! A nous de l'inscrire dans nos gestes et nos relations. « Si je les renvoie chez eux sans nourriture, ils tomberont en route... » Oui, l'eucharistie est vraiment notre nourriture du voyage. Elle n'est pas un luxe spirituel, ni une récompense pour chrétiens réussis, ni une friandise pour chrétiens bien-portants mais le viatique pour la route. Elle est l'aliment substantiel indispensable pour entretenir et accroître ma foi, réparer les forces perdues, éviter les obstacles et un jour me ressusciter. « Que le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ garde ton être pour la vie éternelle. » Mettre en nous le corps glorieux du Christ c'est être déjà ressuscité. En communiant au Christ ressuscité, tous nos efforts de fidélité, toutes nos expressions de bonté ont un rôle dans l'édification du Royaume définitif. Car l'amour, celui qui est le contraire de la suffisance, du mépris et de l'indifférence, est toujours du côté de Dieu. Il ne peut venir que de lui et ne peut mener qu'à lui. L'eucharistie, c'est être déchargé de nos ressentiments et de nos craintes pour recevoir l'amour. L'eucharistie, c'est se reposer de nos inquiétudes dans la confiance au Seigneur, c'est dénouer les liens qui nous entravent pour accueillir nos frères, c'est disséminer nos peurs pour partager nos dons. Oui, l'eucharistie, c'est bien brûler d'amour pour que tous les autres ne meurent pas de froid.

18e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Quand j'ai le plaisir de célébrer un mariage sans eucharistie car cette dernière ne fait pas partie de la vie des fiancés, souvent des membres de la famille ne sont pas contents pas tellement parce que les fiancés ont été vrais avec eux-même et ont refusé de brader un sacrement qu'ils ne vivent pas mais parce que, comme il n'y a pas eu de communion, ils devront retourner dans une église le lendemain. Et quand j'ai le plaisir de célébrer un mariage avec une eucharistie, cette fois, il m'arrive encore régulièrement d'avoir des gens qui me demandent ceci : " dites, Père, ça compte pour demain ? ". A quoi, je réponds toujours : non, madame, ou non monsieur, cela ne compte pas parce que ce n'est pas la liturgie dominicale comme telle. Mais par contre, si vous estimez dans votre vie de foi que cette célébration vous a nourri pour les jours qui viennent alors je comprends que venant d'être rassasier, vous ne ressentiez pas le besoin d'une nouvelle eucharistie. Mais si ça compte, là je dis non, comme si cela devait compter.

Il est vrai qu'il y a quelques décennies, manquer la messe était " un péché mortel ", heureusement nous ne sommes plus dans ce type de discours rude, légaliste, dessèchant et surtout anti-évangélique. Aujourd'hui nous participons à l'eucharistie qu'elle soit dominicale ou quotidienne parce que une faim de Dieu s'est éveillée en nous. A l'image de cette foule dans l'évangile. Elle avait faim et soif de Dieu à ce point qu'ils étaient, semble-t-il, prêt à sauter un repas pour rester auprès de Jésus.

Cette attitude nous renvoie à nous-mêmes : avons-nous aussi faim de Dieu ? Pas n'importe quelle faim : une faim de gourmet et de gourmand. Je m'explique : gourmet de Dieu, c'est-à-dire apprécions-nous le raffinement de ce que Jésus nous révèle du mystère du Père ? Etre gourmet de Dieu, c'est prendre du temps pour Dieu, le lieu offrir pour mieux partir à sa rencontre et se réjouir chaque fois un peu plus lorsque nous le comprenons mieux, lorsque nous en vivons. Si effectivement Dieu est important pour nous, je prends un plaisir à être en sa compagnie dans la lecture des Ecritures, dans la méditation personnelle, la prière, la célébration des sacrements. Je me réjouis également de sa présence que je ressens lorsque je vis une rencontre d'amitié, d'amour en vérité. Le gourmet de Dieu est rayonnant de divinité chaque fois qu'une occasion lui est donnée de la vivre.

Le gourmand de Dieu quant à lui est une bonne fourchette, il est friand de toute nourriture proposée. La bonne fourchette apprécie la qualité mais ne se contente pas d'un régime diététique, il apprécie les mets où il trouvera une certaine quantité nécessaire pour qu'il puisse se rassasier. De plus, le gourmand ne peut se satisfaire d'un repas gastronomique épisodique alors que les mets sont raffinés, la table est superbement dressée, une ambiance appropriée et un souvenir merveilleux dans la mémoire. Non une fois de temps en temps n'est pas satisfaisant car pour le gourmand qualité et quantité rime avec régularité. Vivre notre foi pleinement est une invitation à ne pas nous satisfaire d'un des deux adjectifs : gourmet ou gourmand. Nous sommes conviés à remplacer le " ou " par un " et " devenant ainsi gourmet et gourmand de Dieu. Comme si Dieu attendait de nous que nous savourions les différents lieux et moments où il se révèle à nous dans le silence de notre c½ur.

Désirer être nourri par Dieu exige le vif réveil de notre foi. Avoir faim de Dieu c'est alors dépasser le réel de la vie, c'est-à-dire le travail, les soucis, les loisirs, pour vivre le réel de Dieu. Ces deux réels ne sont pas contradictoires mais constitutifs de ce que nous sommes. En tant que croyants, nous avons besoin des deux. Sans Dieu, le réel de la vie peut parfois nous sembler fade, pauvre voire même lourd. Envahie par Dieu par contre, c'est notre vie elle-même qui éclate, s'épanouit. Le réel de la vie s'impose à nous. Le réel de Dieu a constamment besoin d'être appelé par notre foi. C'est elle qui nous donne faim de Dieu. Par là, nous serons transfigurés puisque Dieu donne ce goût à la vie aux gourmets et gourmands de la foi que nous sommes.

Amen

Tous les Saints

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2001-2002

On a écrit bien des livres, plus érudits les uns que les autres, sur les Béatitudes. Je laisserai toute cette érudition, savante et utile, pour aller au c½ur de message. En comparant le texte des Béatitudes selon Matthieu et celui de ce jour, rédigé par St. Luc, les spécialistes nous affirment que Jésus a fait trois grandes proclamations, fondamentales, à prendre au pied de la lettre. L'une s'adresse aux pauvres, à ceux qui manquent de tout. L'autre aux affligés, brisés par la vie. La troisième aux affamés qui périssent du manque du nécessaire vital. Pauvres, opprimés et victimes : trois groupes de misérables qui, à l'ère messianique inaugurée par Jésus, devaient connaître le bonheur. Ces trois proclamations sont renforcées chez Luc, après les Béatitudes. Jésus stigmatise l'argent, la violence et l'injustice. « Malheur à cela ! » crie Jésus.

Tout cela est bien beau. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Que reste-t-il de ces affirmations lapidaires. Elles annonçaient un règne de bonheur et nous vivons dans un monde déchiré. Ce règne de bonheur devait s'engendrer à partir de la pauvreté et des larmes et c'est bien la souffrance et l'inégalité qui perdurent et elles n'engendrent que le chaos. Il faut se dire avant tout que c'est le même constat d'échec apparent que firent les premières communautés chrétiennes après la mort de Jésus.

Rien n'avait apparemment changé. Les pauvres étaient toujours là, alors qu'on attendait un royaume de bonheur. Il y avait toujours des victimes qui pleuraient leur infortune, alors qu'on leur avait promis un royaume de paix. Et on entendait toujours la plainte des affamés, alors qu'on leur avait promis un royaume d'équité. Le monde merveilleux attendu ne s'était pas réalisé. Il n'y avait pas d'amélioration pour les Ecrasés de la vie.

C'est tellement vrai que Matthieu donnera une orientation catéchétique et morale aux paroles de Jésus.

Les pauvres financièrement et économiquement, ceux de st. Luc, deviendront les pauvres en esprit, c'est à dire, dans la tradition rabbinique, le croyant, le fidèle, le pieux ou l'humble. Les affamés deviendront les affamés de justice dans le sens religieux , ceux qui cherchent à comprendre et réaliser en tout la parole de Dieu, c'est à dire la sainteté :. Et les affligés deviendront ceux qui pleurent sur le péché du monde et qui ne veulent en rien pactiser avec ce monde dominé par le mal. Et ceux-là, non seulement connaîtront un jour le triomphe final du Bien sur le Mal dans l'amour éternel du père au paradis, mais ils auront la consolation messianique.

A ce jour, il faut bien reconnaître que tout semble identique et que rien n'a changé, comme au temps du christianisme primitif, voire que c'est pire encore !

Aujourd'hui par la TV ou Internet, les marchands de bonheur font fortune. L'argent, les plaisirs et l'égocentrisme semblent satisfaire et combler beaucoup de nos semblables. Et cependant les marasmes de toutes sortes semblent être le sort commun de tous. D'une part des messages euphoriques annoncent comment gagner des millions. D'autre part, à l'aube du 3ème Millénaire, le monde à nouveau résonne des prophéties de malheur, annonçant les horreurs légendaires de toutes les années « mille ».

Pour l'heure, d'un côté, c'est la perspective d'une réussite totale, définitive et rapide mais qui trop vite se révèle être un mirage. Le mot dit bien ce qu'il est : c'est le nom donné à des avions de guerre ultra-rapides. Oui, tous ces trésors terrestres promis pourraient bien disparaître dans les airs aussi subitement que les engins de guerre du même nom ! Et, d'un autre côté, pour l'heure, c'est un monde surpeuplé, cloné et affamé, une terre stérilisée, des fleuves surchauffés, des mers irradiées et des océans morts.

Que l'on ne s'étonne guère que face à des rêves utopiques ou devant de tels chaos, l'angoisse des faibles ranime les vieux fantômes mythiques des cataclysmes apocalyptiques de la fin des temps.

Face à cela, St. Luc, en ces béatitudes, va dénoncer toutes les non-valeurs et nous inviter à voir dans ce marasme les prémices possibles d'un ordre nouveau, appelé le Royaume. A quoi d'ailleurs servirait la parole de Dieu si elle n'était que le miroir rassurant de nos vues à court terme et de nos égoïsmes ? Les Béatitudes nous disent que celui qui s'ouvre à Dieu sera toujours persécuté. Ce qu'il y a dans le monde d'impur, de perverti, luttera toujours contre le Bien. Ce combat est la condition du Royaume. Cette tension est le signe que le Royaume est bien là et que le monde s'y oppose.

Si vous souffrez du mal dans le monde, la parole de Dieu nous dit : vous êtes les élus du Royaume et c'est à vous que s'adressent ces béatitudes. Le mal n'aura pas le dernier mot. Il n'en sera pas toujours ainsi. La Résurrection du Christ vous assure de la victoire finale. Il y a un autre règne que cet empire de l'argent, un autre Royaume que ces paradis fiscaux, un autre ciel que la voûte étoilée des plaisirs terrestres. Mais la possibilité de vivre, un temps soit peu, cette foi en une telle parole n'est due qu'à la Résurrection du Christ, qu'à l'Esprit de Dieu en nous, qu'à la grâce de notre conversion à Dieu. Le mal du monde ne peut se supporter que dans la foi. Le deuil du monde ne peut se vivre que dans un grand amour. Pour l'évangile, il est certain que le Paradis n'est pas pour cette terre.

Mais, les Béatitudes nous disent aussi que l'abandon de nos illusions ne signifie pas nécessairement le triomphe de nos afflictions. Face à nos malheurs accablants, ces fractures magistrales du monde, les Béatitudes proclament un Dieu qui veut faire de nous des Vivants !

Comment ? La grande leçon des Béatitudes, selon St. Luc, c'est face au mal, aux inégalités, aux injustices, un appel afin de retisser toutes les solidarités possibles entre nous, précisément à partir de nos expériences communes de douleurs et d'échecs. Attention à toutes nos richesses spirituelles ou matérielles ! Dans le monde des humains : le trop plein de l'un pourrait bien constituer le trop peu de l'autre et Le bonheur des uns pourraient bien être la cause du malheur des autres. La pauvreté des uns pourrait bien n'être pas un retard de leur effort ou de leur économie, mais la condition de la richesse des autres ! L'enjeu des Béatitudes est une volonté de multiplier tous les espaces possibles de bonheur, à partir de l'expérience même de nos souffrances mutuelles.

Ce Royaume de félicité, dont il est question dans les Béatitudes, à vous de l'établir ici- bas par tous vos efforts de solidarité. Ayant connu les mêmes souffrances, sachant la douleur présente du monde, une douleur à l'échelle de l'espèce humaine, puisque vous en avez tous l'expérience terrible, poignante, ne pouvez-vous, ensemble, découvrir les causes de ces malheurs et travailler, dès lors, à remédier à cette souffrance en créant les vraies conditions de vie propices au bonheur de tous. Connaissant les mêmes tribulations, vous savez où se situent les vrais bonheurs que vous recherchez. Ne pouvez-vous les créer là où la vie vous a mis par de petits services quotidiens et bienveillants, par des actes journaliers au sein de toutes les proximités familières ? Face au mal, dans le monde, servez-vous de l'expérience de tous les malheurs nés de ce mal pour relever tous les défis que vous rencontrerez. Le défi des inégalités par l'entraide et le partage. Le défi des replis sur soi par l'attention portée à l'autre et sa promotion. Le défi des intolérances par un autre regard et celui d'être enfin vraiment soi-même malgré la faute. Le défi d'être enfant de Dieu malgré nos manques de foi et d'espérance. Les Béatitudes nous disent : » Vous êtes promis à une vie éternelle céleste à recevoir, après une vie terrestre à donner. Alors, « vous sauterez de joie »( St. Luc) . Alors, « les affligés seront consolés. »( St. Matthieu). Consoler ( étymologiquement, signifie une solitude à deux, un solo à deux voix) veut dire sortir de sa solitude parce qu'on est deux, parce qu'on a été entendu et soutenu.

Les Béatitudes nous invitent à réveiller en chacun de nous le Dieu qu'il porte en lui, l'espérance de l'amour. Elles nous disent : « Nul bonheur n'est entier s'il n'est partagé. » Et, si nous les vivons dès à présent, par elles, nous serons de ceux qui dès le matin travaillent à la beauté du jour. Nous serons de ceux qui, par l'amour, travaillent à la grandeur des autres.

28e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

A de nombreuses occasions, il était invité. Un peu trop peut-être au goût de ses parents. Certains se demandaient comment cela se faisait-il ? Il faut reconnaître qu'il prenait le temps de répondre. Non seulement de répondre mais ses cartons étaient toujours envoyés avant la date demandée. Cela lui paraissait tellement naturel. En quelque sorte, l'invité idéal. Tout allait bien jusqu'à ce fameux jour où le facteur lui glissa deux invitations dans la boîte aux lettres. Rien d'extraordinaire me direz-vous, mais il était prié à deux événements à la même date et il n'arrivait pas à choisir. Quittant légèrement le chemin qu'il s'était tracé puisqu'il ne pouvait se décider, il répondit positivement aux deux invitations, tout en précisant qu'il serait légèrement en retard étant retenu par ailleurs. Ce n'était pas des plus polis, il est vrai mais il souriait de son astuce. Le jour prévu, connaissant quelques uns des convives à qui il aurait demandé de laisser leurs GSM allumés, il attendrait chez lui patiemment puis grâce aux nouvelles technologies, il leur téléphonerait pour découvrir la soirée où il y aurait le plus d'ambiance et partirait aussitôt après. Et voilà que nous aussi nous recevons une invitation... Par l'enveloppe, nous savons qu'il s'agit de noces. Mais pas n'importe lesquelles ? Les noces du Royaume de Dieu.

Il est évidemment difficile de décliner une telle invitation. Ce serait blessant puisque, par le baptême et notre présence en ce lui, nous sommes un peu comme les premiers invités. Nous avons le privilège de faire partie des enfants de Dieu. Nos noms sont inscrits dans son c½ur. C'est pourquoi, il ne doute pas notre réponse positive. Il ne lui vient même pas à l'esprit qu'il pourrait en être autrement. Et voilà que Dieu, par-dessus le marché, ne semble pas se contenter de notre simple présence, il attend de nous que nous revêtions les vêtements de la noce. Qu'est-ce à dire ? Pourquoi une telle exigence ?

Nombreux sont celles et ceux qui aujourd'hui se plaignent, au moins de temps en temps, d'être débordés de travail et d'activités diverses. Nous sommes dans une société où celui qui avouerait avoir du temps passerait presque pour un original ou alors pour un exclus du système. Alors que nous nous sentons parfois dépassés, voire débordés. Un peu comme ces premiers invités de la parabole. Et c'est vrai qu'il nous arrive, des fois, d'être traversé de ce sentiment, comme si nous n'avions plus suffisamment de temps pour nous, trop pris par le flot des événements, par le cours de la vie et cela semble de plus commencer de plus en plus tôt. Un peu comme si nous ne vivions plus. Trop souvent, nous courrons après le temps pour le combler plus encore de mille et une choses à faire.

C'est pourquoi, le temps est devenu une valeur si précieuse à conserver. Mais à vouloir tant courir après ce temps, ne jouons-nous pas quelque peu à Dieu. Ne nous croyons-nous pas tout-puissants, capable de tout vivre, de tout résoudre, comme si nous étions une des solutions aux problèmes causés par notre système. S'il en est ainsi nous pouvons alors comprendre pourquoi Dieu montre si peu de compassion face à nos débordements. Il n'a que faire de telles excuses car il sait pertinemment bien que l'essentiel n'est pas là. L'activisme tue la vie. L'activisme tue l'amour. Le trop plein ne nous donne plus du temps et surtout du temps pour aimer.

Or, par définition, l'amour a besoin de temps pour se vivre et s'épanouir. Et c'est précisément dans l'amour que Dieu se révèle à sa création. Etre débordé est quelque part le fruit de notre volonté même si ce n'est pas aisé de l'accepter. Dieu s'en moque, il nous invite à sa noce et à revêtir cet habit de lumière, l'habit du c½ur pour participer au festin. Invités à la fête de Dieu, c'est être conviés à la vie. Et Dieu nous demande de choisir. Mais pressés par les contraintes de notre société, nous avons alors envie de retarder la réponse à l'invitation, d'attendre jusqu'à la dernière minute pour décider. Ne devenons pas comme ce jeune qui avait décider d'utiliser son GSM pour voir quelle serait la meilleure soirée. Au plus profond de nous, nous savons que la raison de notre vie s'inscrit dans la participation au festin du Royaume de Dieu, un royaume de bonheur. Ce royaume n'est pas pour demain. Il est là, ici et maintenant. Le carton d'invitation est dans notre c½ur, il suffit d'y répondre positivement. Dieu n'attend que cela. Quittons nos débordements, revêtons l'habit de noces pour mieux redécouvrir la vie.

Amen.

34e dimanche ordinaire, année A (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Il y a quelques jours, un jeune d'une vingtaine d'années appartenant au courant traditionaliste de l'Eglise était venu me voir pour discuter de certains thèmes et voilà qu'est abordé celui de la mort. Il m'affirmait avec force qu'à l'instant de la mort, il y aurait ceux qui irait soit au paradis, soit au purgatoire pour une seconde chance et puis il y aurait tous ceux qui seraient damnés éternellement. Pour celles et ceux qui me connaissent, j'ai quelques difficultés avec ce type d'assertions. Lui donnant alors ma perspective de la mort comme étant une continuation de ce que nous avions commencé sur terre, il me répondit tout simplement et avec beaucoup de gentillesse que j'étais un hérétique. A ces mots, je souris en moi-même me disant que dans l'histoire la plus noire de l'Eglise, c'est plutôt nous les dominicains qui traitions les autres d'hérétiques. Voilà que les choses s'inversaient. Puis je lui posai une seule petite question : je suppose que toi-même tu ne t'es jamais envisagé comme étant un de ceux qui pourrait être damné éternellement ? Le silence qui s'ensuivit était éloquent. Je suis toujours frappé d'entendre la facilité avec laquelle certaines personnes peuvent condamner d'autres en les damnant éternellement sans jamais envisager qu'une telle damnation puisse être leur sort. A chacun ses contradictions, me direz-vous.

Le texte d'évangile que nous venons d'entendre pourrait lui donner raison puisque le Christ affirme " et ils s'en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle ".

En ce temps d'automne, bonjour la déprime. Alors, pour dépasser ce risque de dépression, il est important de se rappeler que la Bible est un livre merveilleux et que nous pouvons lui faire dire n'importe quoi lorsque nous ne la comprenons pas dans une perspective globale. Il est vrai que les propos du Christ sont durs mais ils doivent être réintégrés dans l'ensemble de sa prédication. En effet, le c½ur de la prédication du Fils de Dieu réside dans l'affirmation de l'amour divin, un amour actif et souverain qui passe également par celles et ceux qui croisent notre chemin. Si c'est le cas, il y a lieu de reconnaître comme incroyable voire même blasphématoire l'idée d'un Dieu qui envisagerait d'infliger une torture perpétuelle à certains de ses enfants. Non le Dieu de Jésus-Christ est tout autre, il est un Dieu qui prenant tellement au sérieux notre humanité à décider d'être l'un des nôtres. Mais l'extrait d'évangile de ce jour, nous fait découvrir que non seulement il s'est incarné, il y a un peu plus de deux mille ans mais que d'une certaine manière, il continue de s'incarner en chacune et chacun de nous. Peut-être que certains d'entre vous se disent là, il est de nouveau hérétique. Je ne le pense pas.

Dans l'évangile, Jésus se déclare solidaire de celles et ceux qui ont des besoins élémentaires tels que manger, boire, être vêtu, être accueilli, recevoir une visite... Mais plus encore, Jésus ne dit pas : ils ont eu faim, ils ont eu soif, ils étaient nus... Non, Jésus affirme : j'ai eu faim, j'ai eu soif, j'étais nu... Ce " je " du Christ est lourd de signification. Dieu ne se dissocie pas de ses créatures, il fait un avec nous dès notre conception. Dieu inhabite en chacun de nous et le Christ vient nous le rappeler. Le regard que je porte sur l'autre, le geste de tendresse que j'offre, l'acte que je pose est à la fois humain et divin. Dieu vit en l'autre.

Alors dans une vie de foi, une telle affirmation doit devenir certitude. Si Dieu habite vraiment en chacune et chacun de nous, si nous sommes toutes et tous images de Dieu, la manière dont nous nous percevons les uns les autres doit également changer. J'ai la conviction intime que lorsque quelqu'un m'énerve et que je me dis que malgré cet énervement, Dieu vit aussi dans cette personne, je suis invité à faire une démarche personnelle pour transformer mon propre regard puisque l'autre à tellement de prix aux yeux de Dieu qu'il a choisi de faire de celui-ci une de ses demeures. Nous sommes par notre humanité parcelle de Dieu. Ce que nous faisons s'inscrit dans la mémoire divine non pas pour nous condamner mais pour nous faire découvrir la beauté de notre humanité et accepter que Dieu prend résidence en chacune et chacun de nous. Si nous croyants arrivons à mettre en pratique ce que nous croyons alors la manière de vivre notre vie doit être une révolution en ce monde puisque chaque être humain, quel que soit sa condition sociale, culturelle, intellectuelle, familiale, est un lieu de Dieu. Un lieu de Dieu : puissions-nous ne jamais l'oublier.

Amen.

Veillée pascale

Auteur: Dianda Jean-Baptiste
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : A, B, C
Année: 2001-2002

 

Mt 28, 1-10

" Voici la nuit, l'immense nuit où tout culmine ", et où nous célébrons la Pâques du Christ ; l'espérance plus forte que le désespoir, la vie plus forte que la mort. "

En cette veillée de Pâques, nous sommes invités à refaire la longue route des Alliances de Dieu avec son peuple, progressant de victoire en victoire, de lumière en lumière, il nous est proposé de recueillir à chaque étape les germes de la résurrection, les signes avant-courreurs de temps nouveaux.

C'est bien au creux de la nuit, de toutes les nuits, que nous sommes conviés, non pour nous y blottir, mais à l'inverse pour en partir, pour y recueillir le souffle vital qui nous en chasse afin de surgir dans la lumière. Souvenons-nous, ce soir, de toutes ces parts d'ombres et de nuit du péché, du doute, du désespoir et des innombrables blessures reçues de l'existence. Que célébrons-nous cette nuit ? L'évangile de Matthieu que nous avons proclamé cette nuit, nous laisse sur l'interrogation, la peur, l'absence ( le tombeau vide) et le silence...nous sommes comme en attente, un peu déconcertés...l'énigme, mieux le mystère est total(malgré la mise en scène extraordinaire :tonnerre, tremblement de terre, crainte, l'ange... !) Nous attendions l'affirmations joyeuse, le cri de victoire, l'attestation de la vie et voilà qu'il ne nous est donné qu'un vide, une absence, une ouverture...J'avoue ce soir ma peur, à moi aussi.

C'est ici que se joue pour ma foi la réalité de la résurrection de Jésus. Entre vérité et l'illusion, voire la supercherie, la distance est infime...Elle représente juste le déplacement d'une pierre tombale...Elle n'est comblée que par la parole d'un jeune homme vêtu de blanc...Elle est le vide d'un tombeau qui aurait dû contenir la dépouille d'un jeune homme crucifié...j'ai l'impression, ce soir que toute l'histoire du Salut, toute l'histoire de l'Alliance, est comme une immense pyramide inversée, en équilibre sur sa fine pointe .C'est vertigineux !

Peut-être, sans doute même, devons-nous, en cette nuit, accepter de passer nous aussi par cette inquiétude :accepter de rester là, au seuil du tombeau vide, au c½ur de notre grande interrogation. C'est peut-être là, dans notre Galilée à nous, ce grand tohu-bohu de nos questions, nos peurs, de nos désirs, que le jeune homme vêtu de blanc nous envoie, là où le Vivant nous précède, là où il nous a donné rendez-vous ? Loin des trompettes enrouées de la gloire, la flûte de l'évangile (de Marc ) nous rejoint ici dans le vif de notre chair qui tremble. Ce récit est comme le négatif de la photographie que nous rêvions de contempler. Il nous dit " déchiffres, apprends à déchiffrer le négatif de ta vie. Un jour alors, tu pourras voir se développer l'image positive. Tu verras les formes et les couleurs, les lumières...tu contempleras, tu comprendras... "

Que te donne ce négatif pour l'heure ?

D'abord, on a roulé la pierre. Le mystère de la vie, que tu croyais à jamais enfermé dans les tombeaux de la mort, écrasé sous la lourde pierre de tes désespérances ou de tes résignations, le mystère de la vie a trouvé cette nuit ouverture. Tu sais désormais que la nuit communique avec le jour, que la mort peut communiquer avec la vie. Tu comprends que ta vue était un peu courte, te rendant incapable d'en saisir la fin comme d'en saisir l'origine..

Puisqu'on a roulé la pierre, puisque tu peux désormais passer, sors du tombeau et regarde : Regarde la vie dans les yeux d'un enfant, dans l'impatience d'un adolescent, dans l'élan d'un jeune, dans le courage d'un adulte, dans la fidélité d'un vieillard... Regarde la vie dans le don qu'en font tant et tant de tes frères et s½urs, au service des blessés de l'existence, des souffrances, des pauvres, des exclus de nos sociétés, des opprimés...

Regarde, des jeunes hommes vêtus de blanc, tu reconnaîtras sans cesse sur ta route, maintenant que tu es passé par l'ouverture étroite(du tombeau). Des êtres de lumière, des êtres de la résurrection. Peut-être toi même, quelques jours, seras-tu à ton tour, pour quelqu'un cet être vêtu de blanc. Alors, tu pourras annoncer : " n'ayez pas peur, je vous annonce la vie. La mort est déjà vaincue. Sortez de vos tombeaux ! Allez à la rencontre du Vivant, en toutes les Galilée du monde :il vous précède, il est déjà passé ! Et vous le verrez !

1er dimanche de Carême, année A

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Avez-vous remarqué qu'on parle beaucoup de nourriture dans les textes de ce dimanche de carême ? C'est curieux, en ce temps où on insiste beaucoup sur le jeûne. Le serpent inspire à Eve de prendre le fruit savoureux de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, et, dans l'évangile, le démon tente Jésus en lui proposant de changer les pierres en pain. Le carême, ce ne serait donc qu'une affaire de nourriture à éviter ? Nous savons tous comment une vision étriquée de ce temps liturgique a compris l'effort de conversion en termes d'abstinence et de privation de nourritures. Or, est-ce bien à cela que nous invite Jésus dans l'évangile quand il répond au démon : " Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre,mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu " ?

Il y a quelques années, lorsque j'étais étudiant à Namur et plus vertueux qu'aujourd'hui, je m'étais décidé, le mercredi des cendres, à bien marqué la privation de nourriture. Quelle ne fut pas ma surprise le soir, en rentrant de la messe des cendres, de trouver devant la porte de mon kot, un petit sachet rempli de... délicieuses et savoureuses pâtisseries ! Je ne savais que faire devant cette tentation bien agréable. Les mettre à la poubelle ?, je ne pouvais commettre un tel gaspillage. Les laisser pour le lendemain ? Les gosettes et autres " merveilleux " auraient été secs. Or, j'avais faim. Je les ai dévorés avec plaisir. Mais le lendemain, je me suis dit : " Tes voisins de chambre auraient sûrement aimé avoir une part des pâtisseries qui t'ont été offertes anonymement. A rompre le jeûne, il aurait été préférable de les partager ".

Chaque année, en commençant ce temps de préparation aux fêtes de Pâques, il est bon de nous mettre en garde contre une façon trop ritualiste ou trop extérieure de vivre notre foi. La tentation suprême n'est-elle pas de se méprendre sur la Parole de Dieu, de la transformer en un code d'interdictions et de lois. C'est cette perversion de la Parole de Dieu en interdiction que nous lisons dans la première lecture de ce jour. Le serpent insinue : " Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du Jardin ". Or, Dieu dit juste le contraire : " Tu peux manger de tous les arbres du Jardin ", mais avec des conséquences différentes. Dieu ne dit pas : " Ne mange pas de ce fruit, autrement tu seras puni ", il dit : " Ne mange pas de ce fruit, autrement tu mourras ". Ce n'est pas un ordre, c'est l'avertissement d'un destin librement choisi dans un sens ou dans un autre. Il ne s'agit pas pour Adam et Eve d'une simple désobéissance, il s'agit de l'inattention à la communion vivante avec le Père, du tarissement de la soif de sa présence, de son amour qui est la vie, car à l'autre pôle se pose la mort.

L'homme au moment de la tentation se représente Dieu comme une autorité qui dicte ses ordres et exige une obéissance aveugle. Or Dieu est un Père qui veut la vie de ses enfants, vie qui est communion entre eux et avec lui. S'il y a un péché originel qui conduit à la mort, c'est celui de pervertir l'image de Dieu : ne plus le voir comme un Père, mais comme un tyran ou un espion céleste qui épie mes moindres manquements à ses lois.

Dans l'évangile que nous avons entendu, Jésus résiste aux séductions du Tentateur parce qu'il sait qu'il est le Fils bien-aimé du Père. Il connaît Dieu et il le révèle comme un Père. Il ne se laisse pas abusé par le démon qui lui inspire de se jeter du haut du Temple pour voir si Dieu le sauvera. Sachant que Dieu est Père et qu'il veut la vie et le bonheur de tous ses enfants, Jésus a appris que la véritable autorité est service. Ainsi, lors de la troisième tentation, il peut refuser le piège de la puissance à son profit et aux détriments des hommes. Dominer, c'est se sentir dieu, avoir des ennemis, c'est rendre les autres responsables de son angoisse " C'est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, et c'est lui seul que tu adoreras ", répond Jésus au démon. La véritable autorité refuse la tentation d'avoir besoin d'esclaves ou d'ennemis. Elle refuse la fascination des masses par des pseudo prodiges. L'autorité messianique de Jésus est le pouvoir de pardonner les péchés et de guérir et sauver. Tout est intériorisé, la Loi et les prophètes se réduisent au commandement de l'amour. Nous voilà ramenés au c½ur même de notre vie chrétienne, et donc au c½ur même de ce que le temps du carême nous invite à vivre avec une générosité sans cesse renouvelée.

Nous rapprocher de Dieu par la prière et nous rapprocher de nos frères par le service ne font plus qu'un. Un grand spirituel a donné une belle image du salut sous la forme d'un cercle. Le centre en est Dieu et tous les hommes se trouvent à la circonférence. Plus on se rapproche du centre - Dieu -, plus les rayons du cercle, le prochain, se rapprochent les uns des autres.

Les lectures de ce jour suggèrent bien ce qu'est le carême : jeûner, mais non uniquement de la nourriture du corps, mais aussi de l'alourdissement de l'âme, afin que nous ne vivions pas seulement de pain (d'images, de bruits, d'excitations de toutes sortes), mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Jeûner, oui, mais du désir de pervertir l'image de Dieu Père, de le parodier subtilement ou grotesquement. Jeûner, oui, mais du désir de dominer et de condamner mon frère. Jeûner, oui, mais pour atteindre la vraie liberté.

3e dimanche de Carême, année A

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Jn 4, 5-42

" Maman j'ai soif ". Combien de fois l'avons-nous dit et entendu. Les enfants aiment exprimer leur besoin avec insistance tant ils comptent bien être contentés. L'expérience de la soif nous est familière. En pleine chaleur, lorsque la gorge est sèche, nous aspirons à boire une bière fraîche. Et les hommes savent pourquoi. L'Evangile parle de la soif d'une femme, la samaritaine, et d'un homme, le Christ. Je voudrais m'attarder sur sa soif à lui. Quel en est son sens ?

La samaritaine, hérétique aux yeux des juifs, est surprise en arrivant au puits. En effet, un homme juif s'est assis là et voilà qu'il lui parle. Jésus, fatigué par la chaleur et la marche, désire boire un peu pour se rafraîchir. Non seulement, il adresse la parole à la samaritaine, mais en plus il lui demande à boire. Quelle audace ! Lui, le Fils de Dieu, ose laisser transparaître sa faiblesse, son humanité concrète devant celle qui est habituellement rejetée par les autres juifs. Cette femme peut-elle voir en lui le Christ en lieu et place du juif supérieur et méprisant ? " Voilà un juif pas comme les autres ", songe-t-elle. . " Voilà qu'il me demande de l'aide pour boire et me promet une désaltération absolue ". Jésus a également soif de communiquer ce qui rassasie pour toujours. Il se manifeste tout simplement comme l' envoyé du Père qui a soif de communiquer la vie et l'amour autour de lui. Ce genre de soif n'est jamais comblée, jamais apaisée.

La Samaritaine sursaute lorsque le Christ lui parle de sa vie conjugale désordonnée. Lui qui arrive parfois à sonder le fond des c½urs de ses interlocuteurs se dévoile comme prophète. C'est un prophète qui peut connaître ce qui est dissimulé mais il ne juge pas la personne. Il témoigne d'un profond respect à l'égard de chacun. Comme nous avons pu le constater dans l'Evangile, Jésus ne se met jamais en position de supériorité dans une rencontre. Il est assis sur le bord du puits quand il interpelle la samaritaine. Par conséquent, son regard va de bas en haut ou à hauteur égale. Il en est de même lorsqu' on lui présente une femme adultère pour la lapider. Il se baisse, dessine sur le sol, et lui parle. Jamais il ne prend les gens de haut. Il préfère se mettre à leur portée, en commençant par les réprouvés car il est venu pour ces derniers et non pour les bien-pensants, affirme-t-il à maintes reprises.

Face à la Samaritaine, Jésus fait le premier pas tant il a soif d'être reconnu pour ce qu'il est. Nous-mêmes, nous avons soif de reconnaissance. Or , la découverte des autres s'enlise souvent dans des préjugés et des peurs. Faire le premier pas ne va pas de soi et demande une bonne dose d'audace. Nous désirons rejoindre et être rejoint mais il y a des obstacles, des rochers qui obstruent la rencontre. Comme Moïse, il faut faire jaillir l'eau du rocher pour laver notre pensée de tous ces préjugés-obstacles. A son peuple qui veut faire marche arrière par peur de l'inconnu, Moïse donne une fontaine. Peut-être qu'ils mourront de faim et de soif demain ? Nous-mêmes, nous pouvons parfois craindre l'inconnu.. Pour dépasser cette barrière, il est possible de nous appuyer sur Dieu. Il est l'anti-barrière par excellence puisqu'il est présent partout, en esprit et en vérité. Il n'est prisonnier d'aucun temple et d'aucune église.

Le Christ nous a révélé le visage de Dieu, comme pour la Samaritaine. C'est le visage qui touche nos vies, parfois blessées, pour faire jaillir une source de vie éternelle. La présence du Seigneur est humble et proche comme Jésus assis sur le puits. Notre être est parfois encombré par des rochers mais Moïse nous montre que Dieu est plus fort que la pierre. Il peut fissurer les c½urs de pierre et humidifier notre vie intérieure. De la sorte, si notre conscience et notre c½ur sont irrigués par le don de Dieu, nous aurons plus de force pour dépasser les obstacles dans la rencontre des autres, inconnus ou mal connus. Dieu a soif de nous rendre vivants et heureux. Nous, nous avons soif de bonheur et de vivre pleinement. Alors pourquoi ne pas jetter nos préjugés à la poubelle et accepter de trouver en Dieu le lieu de notre désir.

Amen

1er dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Il y a un peu plus de vingt ans, le Collège où j'allais n'était composé que de garçons. Vous imaginez ma joie d'aller suivre les cours de solfège à l'académie de musique qui, elle, était mixte. C'est là que je découvris le plaisir d'être avec l'autre moitié de l'humanité. Et dire qu'un jour je devrais choisir une d'entre elles parmi plus de trois milliards, six cents millions, sept cent soixante-huit mille huit cent quatorze autres femmes. Comme quoi, lorsqu'on relativise un peu, finalement entre le religieux que je suis et ceux qui ont choisi de se marier, la différence n'est que d'une seule personne. Pourtant ce n'est pas sur ce point précis que je voudrais m'entretenir avec vous en ce premier dimanche de l'Avent, temps de l'attente par excellence. Non, je voudrais revenir à cette époque de ma vie et me rappeler le souvenir suivant, qui d'après mes nombreuses recherches existe encore aujourd'hui parmi la jeune génération : lorsque je souhaitais déclarer ma flamme à l'élue de mon c½ur, je me faisais toujours un scénario préalable où j'envisageais tout dans les moindres détails : j'attendrais ce moment-là, nous irions à cet endroit précis et là, je lui dirais tout ce que je voulais lui dévoiler. Pour être honnête, cela ne s'est jamais passé comme je l'avais prévu. Tout simplement parce que mon scénario je l'écrivais toujours seul, tandis que la rencontre était à deux et en plus, il suffisait qu'elle-même se soit mise à écrire son propre scénario pour que la situation devienne plus cocasse encore.

En lien avec l'évangile de ce jour, il y a lieu de souligner qu'entre le scénario rêvé et le moment tant attendu, il y a tout ce temps d'attente où tout notre être est tendu vers la réalisation de ce désir. Toutes et tous nous avons des attentes et des désirs, sinon me semble-t-il la vie n'aurait plus aucun sens d'être vécue. Même si nous n'avons pas d'attentes spécifiques, nous avons au moins l'attente de la béatitude subjective par excellence : l'attente de la vie, c'est-à-dire l'attente d'être heureux. Vivre du désir de bonheur. Le bonheur ne se contrôle pas, il surgit dans nos vies surtout lorsque nous décidons de ne pas tout dominer, maîtriser. C'est quand nous arrêtons de contrôler nos vies que celles-ci se mettent à vivre. Etonnant ? Je ne le crois pas. Un désir trop précis, trop calculé risque de décevoir. Combien de films, de soirées où nos attentes étaient à ce point que nous en sommes ressortis déçus. Une attente trop grande risque d'être une atteinte à ma liberté intérieure. J'attends tellement que je reste en permanence sur le qui-vive. Je ne me détends pas, j'attends sans pour autant me laisser surprendre. Je suis à la quête d'une émotion forte qui tarde à venir pour s'éteindre à jamais dans un désir inassouvi. C'est bien la déception qui fait suite à une trop belle image du résultat de nos attentes. La recherche d'émotions fortes, la quête incessante de l'excès, nous conduisent immanquablement à une désillusion quant au bonheur à atteindre. Nous pouvons également passer à côté de ce dernier lorsque nous ne laissons pas le temps au temps de l'attente. Le désir assouvi instantanément, cette immédiateté érigée en valeur de société nous offrent des temps de plénitude de très courte durée.

Puissions-nous alors, chacune et chacun, au c½ur de nos histoires respectives, découvrir tant les bienfaits du temps de l'attente que le désir de désirer toujours et à jamais mais cette fois sans contrôler. Laisser advenir en moi l'événement pour que chaque instant soit vécu comme une aubaine de vie. Laisser advenir en moi l'autre pour qu'à chaque rencontre il et elle deviennent toujours un peu plus eux-mêmes. Laisser advenir en moi Dieu pour que lorsqu'il reviendra, à l'heure à laquelle je n'y penserai pas, je puisse d'abord le reconnaître et ensuite l'accueillir. Nous sommes entrés dans ce temps de l'attente de son retour. Nous n'y pensons pas tous les jours. Mais de temps à autre nous l'imaginons : reviendra-t-il, le Fils de l'Homme, avec une barbe, les cheveux longs, la toge un peu déchirée et des sandales aux pieds tel qu'il nous a toujours été présenté ? Ou comme le faisait remarquer (une jeune fille de notre paroisse) une de celles qui a préparé cette célébration : " il serait blond et en complet veston, cela ne m'irait pas du tout ". Afin d'éviter une déception lors de cette rencontre divine, ne nous mettons pas à envisager son retour dans les moindres détails, faisons de la place en nos c½urs pour qu'il puisse surgir, survenir en nous. Dieu est tellement différent de moi, que je ne puis l'imaginer. Il ne peut donc pas me décevoir. J'ai à lâcher prise, à m'abandonner pour être régi par un désir assez pur qui me permettra de me dire lorsqu'il reviendra : oui, Seigneur, c'est bien toi. Et en attendant ce jour, pour vivre de manière sereine l'attente de ce désir, nous sommes conviés à revêtir le Seigneur Jésus Christ nous dit saint Paul, c'est-à-dire revêtir cet habit de lumière reçu le jour de notre baptême pour qu'à notre tour nous donnions de la lumière à la vie. Amen.

2e dimanche de Carême, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Mt 17, 1-9

La valise est là, au milieu du hall. Elle est prête depuis plusieurs heures déjà. Et lui, il tourne autour. Vérifiant si tout y est. N'a-t-il rien oublié ? Une dernière fois, une main se glisse dans le petit sac, oui, le passeport, le billet et l'argent sont à leur place. Oui, il a bien le numéro de téléphone pour prévenir les gens qui l'attendent de l'autre côté. Il vérifie et sait déjà au fond de lui qu'il reviendra vérifier une fois encore et encore. Et ce, tant que la voiture ne le conduira pas au lieu d'embarquement. Il est content de partir, léger dit-il pour se rassurer mais avec un certain stress quand même. Il est vrai qu'il part pour quelques semaines dans un pays étranger, tellement différent du sien. Il ne connaît pas leur langue, leur culture mais avec le peu d'anglais qu'il possède, il devrait pouvoir s'en sortir. En tout cas, c'est ce que certains lui ont affirmé.

Les départs vers des contrées inconnues de nous-mêmes, nous laissent rarement indifférents. Des sentiments mixtes nous traversent : à la fois le plaisir de partir à la découverte de la différence, de se prouver que nous sommes capables de nous débrouiller seul, que la solitude ne nous effraye pas trop. Puis il y a aussi, la crainte du choc brutal, une peur à dépasser parce que nous espérons que nous en sortirons grandis. Il y a également ces questions : si nous partons pour longtemps, allons-nous changer, perdre certains de nos repères ? Le départ est donc toujours quelque part un dépassement, un risque. Et sans risque, il n'y a pas de vie.

En effet, (comme nous l'avons entendu), le plus grand danger dans la vie, c'est de ne rien risquer du tout. Celui qui ne risque rien, n'a rien ; celui qui risque rien, n'est rien. Seuls celles et ceux qui risquent sont libres. Si la liberté est le prix du risque, en amont de celle-ci nous sommes conviés à vivre l'expérience de la confiance. En effet, lorsque nous partons, vers cet ailleurs qui nous est inconnu, nous sommes parfois amener à faire ou refaire le pari de la confiance. Il n'y a pas d'autre possibilité. Nous sommes seuls et la confiance en l'autre, en cet inconnu, nous permet de retrouver certains repères, en découvrir de nouveaux, se rendre compte qu'ils fonctionnent tout autant et surtout apprécier la joie de la différence. Un peu comme si notre lumière intérieure s'illuminait pour rayonner de bonheur au travers de notre visage. Ces expériences sont multiples au cours d'une vie et il n'est certainement pas nécessaire de voyager des milliers de kilomètres pour les vivre. Il suffit parfois de se tourner vers soi, tout simplement.

Et Dieu, en ce jour, nous enjoint, à l'instar d'Abraham, de partir, de quitter les contrées de nos certitudes pour repartir, en ce temps de Carême, vers des horizons moins connus, voire inconnus. Ce départ-là se vit d'abord au plus profond de notre être, à l'endroit précis où Dieu aime venir se poser, se reposer, là où se noue l'humain et le divin. Nous devons, ici aussi, oser faire confiance, prendre le risque de prendre Dieu au sérieux. Pars, ne crains pas, je suis avec toi, jusqu'à la fin des temps, susurre-t-il dans une brise légère au c½ur de notre désert. Un peu comme si nous étions invités à nous quitter pour mieux le rencontrer. Tout au long de notre existence, nous avons reçu de celles et ceux qui ont croisé notre chemin et aujourd'hui, c'est à nous de partir et de marcher sur les destinées sinueuses de nos histoires. Cette démarche commence par chacune et chacun d'entre nous, là où nous en sommes. Je pars de qui je suis. Pour se faire, je dois connaître mes repères intérieurs, ceux qui me rassurent et ceux qui me donnent des ailes pour voler dans la vie. Fort de cette connaissance, je pars, je me quitte, sans pour autant jamais me nier ; je me quitte tout simplement pour partir à la rencontre de Dieu en moi ou chez l'autre.

Avec cette conviction d'en revenir transfiguré. Ayant dépassé mes propres peurs, je fais l'expérience lumineuse, merveilleuse d'un dépassement, d'une autre manière de regarder la vie et le monde. Mon regard s'illumine de lumière divine. Ayant quitté mes certitudes et pris la main de Dieu tout en confiance, je découvre à nouveau ce bonheur de croire en celui qui se transfigure sous nos yeux. L'expérience de la transfiguration devient ainsi l'invitation constante à quitter la plaine de nos raisonnements pour grimper la montagne de Dieu. Au sommet de celle-ci, au sommet de nos vies, Dieu se donne en lumière pour éclairer nos départs incertains. Que la lumière du Transfiguré nous ouvre la route de cette destinée à accomplir, à réaliser. Pourquoi ? Tout simplement parce que de la nuée, une voix disait : " Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; écoutez-le ".

Amen.