34e dimanche ordinaire, année B (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Au Royaume de Dieu, il n'y a pas de place pour les valeurs boursières. Au Royaume des Cieux, la valeur qui prédomine, d'après notre évangile de ce jour, est celle de la vérité. Etre vrai, voilà le programme de vie que le Christ nous propose. D'abord être vrai avec soi, puis avec l'autre et enfin avec Dieu.

Tout part d'un mouvement au coeur de nous-mêmes, là où nous sommes sans fard ni déguisement, pour nous comprendre en nos balbutiements, parfaire nos ébauches et pouvoir enfin se trouver. Etre vrai est sans doute une des choses les plus difficiles à réaliser, d'abord parce que nos « vérités » sont liées, enfermées, voire même emprisonnées dans nos histoires personnelles. Elles se sont façonnées tout au coeur de nos vies par les diverses rencontres faites, les influences subies... Nos vérités personnelles ne font pas que vivre en nous, elles se sont confondues avec ce que nous sommes devenus. Et c'est sans doute la raison pour laquelle, il est si difficile d'oser être vrai. Cela demande tout un travail intérieur d'accepter de prendre un peu de recul par rapport à soi, de se dissocier de ce qui nous a façonné et qui nous équilibre aujourd'hui. C'est sans doute oser reconnaître que la personne dont on a le plus peur au monde, c'est soi-même. En effet, il n'est pas aisé d'aller à la rencontre de ses propres noeuds, de ses contradictions. Pire encore, nous pouvons être pris d'un étourdissement, d'un vertige lorsque nous décidons d'aller nous promener du côté de nos nocturnités intérieures, au royaume de notre ombre où nous restons insaisissables par rapport à nous-mêmes. Ce serait, me semble-t-il, un leurre de croire que, seul, un tel chemin d'intériorité est possible : l'être humain a une trop grande capacité à se mentir à lui-même. Cette recherche se vit accompagné, toujours en vérité et si possible dans l'amour et l'amitié. Toutefois, pourquoi cette nécessité d'être vrai, pouvons-nous nous demander ? Est-il nécessaire de se fatiguer ? Je crois que oui parce que nous ne sommes pas sur terre pour vivoter mais pour vivre. Et Jésus nous le rappelle avec force dans un autre passage de l'évangile de Jean, la vérité fera de vous des êtres libres. Libre par rapport à soi, libre par rapport à l'autre, libre par rapport à Dieu.

Fort de ce désir d'être vrai vis-à-vis de soi-même, un désir à toujours réinventer d'ailleurs, nous pouvons alors partir à la recherche de vérité par rapport à l'autre. C'est vrai, tout n'est pas toujours bon à dire, cependant il y a la façon de le dire et là, tout peut tout changer. Refuser de le faire, c'est hélas souvent utiliser une excuse un peu paternaliste pour se protéger soi-même. Il n'est pas évident de parler de choses difficiles. Mais paradoxe étonnant, il en va de même pour les choses belles, agréables. Combien d'entre nous n'ont pas vécu l'expérience d'un vouloir dire quelque chose de beau qui brûlait en nous, nous l'avions au bout de la langue, prêt à sortir mais aucun son ne venait. Pudeur ? peur de soi ? crainte d'être mal reçu ? trop tôt au risque d'être trop tard... Or nous dit le Christ : je suis venu pour rendre témoignage à la vérité. Et cela vaut pour la vérité de ce que l'on ressent, la vérité de ses émotions. Si nous sommes vrai et que cela vient vraiment du fond du coeur, nous ne pouvons pas mal faire. Un simple mot, un petit geste montre que nous nous intéressons à l'autre, qu'il est important pour moi, que je tiens à toi. Un mot, une caresse, des signes d'amour et d'amitié sont à vivre et à offrir. Arrêtons d'attendre, il n'y aura jamais, jamais, jamais de moment idéal. La tendresse trouve sa place à n'importe quel moment, dans tous lieux, à nous de la recevoir ou de la donner sans s'inquiéter du regard des autres.

Vient alors ce désir de vérité vis-à-vis de Dieu. Etre vrai avec Lui, c'est prendre le temps de redécouvrir un Père de miséricorde, un Père de tendresse. Dieu nous ne pouvons que le rencontrer dans la vérité puisqu'il se laisse découvrir dans son propre vestiaire, lorsque nous l'avons déshabillé de tous les mots dont nous aimons l'affubler, pour reprendre l'expression de Maître Eckhart. Et nous, osons-nous faire de même à son égard ? N'est-ce pas cela écouter sa voix et appartenir à la vérité ?

Ce matin (ce soir), à nouveau, Dieu se donne à nous en vérité et vient nous rejoindre au plus profond de nous-mêmes, au coeur de notre royaume intérieur, où coule une source d'eau claire et pure : notre moi le plus profond, se donnant à toi, pour que se révèle celui qui se définit tout simplement par l'Amour.

Amen