15ème dimanche ordinaire

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 10/07/22
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Parmi les nombreux commentaires qui vous ont été donnés, ou que vous avez pu lire, à propos de cette parabole du Bon Samaritain – tellement connue qu’elle est devenue une expression du langage courant – il y a fort à parier qu’on vous a martelé : être chrétien c’est être un « Bon Samaritain ».

Ce n’est pourtant pas ce que dit le texte. En tous cas, pas exactement.

Peut-être même a-t-on alors remarqué qu’un prêtre et un lévite, deux serviteurs du Temple, ont préféré préserver leur pureté rituelle à secourir un pauvre agonisant au bord de la route, soulignant ainsi l’hypocrisie du clergé. C’est un peu vite oublier qu’ils quittent Jérusalem et non s’y rendent.

Il se peut que vous ayez été l’otage de cette interprétation antireligieuse de la parabole : au fond le véritable Christianisme ne serait pas d’aller prier au Temple, encore moins de se soucier de principes ou prescriptions religieux, a fortiori d’encens et de liturgie ; le véritable Christianisme ce serait d’aider les pauvres, soulager la souffrance, soi-même apporter le Salut.

C’est la fameuse phrase : « Moi le Christ, c’est dans la rencontre avec les autres que je le trouve » tellement emblématique qu’elle fonctionne comme un slogan de ce christianisme exclusivement social dont nos églises vides ne finissent pas de constater l’agonie.

On a perdu le Christ si on réduit le Christianisme à un vis-à-vis entre nous, à la rencontre sociale, fût-elle bienveillante et charitable. Mon amour pour autrui n’est jamais à la hauteur de l’amour que Dieu lui prodigue ; ni même l’amour des autres pour moi. Les athées sont tout autant capables que nous d’aimer. L’entre-soi ne suffit pas à incarner la présence de Dieu.

Comprenez-moi bien : je ne dis pas ici qu’il ne faut pas aimer et aider son prochain – Jésus, explicitement, le dit – je dis que le prochain dans la parabole ce n’est pas l’homme blessé, attaqué par les bandits ; le prochain qu’il faut aimer, que le Christ nous désigne dans la parabole, c’est le Samaritain. C’est lui qu’il faut aimer comme soi-même.

Reprenons le fil.

Un docteur de la Loi – c’est à dire un homme instruit, un théologien – entre en discussion avec Jésus. C’est une joute oratoire, le pilpoul traditionnel, encore en vigueur de nos jours, dans les écoles talmudiques juives. Sa question est « que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? ». Jésus le renvoie à la Loi, le domaine d’expertise de ce savant : « aimer Dieu de tout son cœur de toute son âme et de toute sa force et aimer son prochain comme soi-même ». Remarquez que ce n’est pas Jésus qui invente le commandement d’aimer. L’amour du prochain est déjà un commandement de l’Ancien Testament [Lévitique 19,18].

Le savant renchérit : qui est mon prochain ? En deux questions on est arrivé à la pierre d’achoppement entre Jésus et le judaïsme traditionnel ; qui restera pierre d’achoppement entre Juifs et Chrétiens, à savoir celle de l’universalité du Salut. Mon prochain, est-ce n’importe qui ou seulement un proche ? Jésus répond par une parabole.

Il met en scène un Samaritain, c’est à dire pour ce docteur de la Loi, non seulement un étranger mais, pire, un hérétique. Juifs et Samaritains se vouaient en effet une haine