Treizième dimanche du temps ordinaire

Auteur: Stéphane Braun
Date de rédaction: 26/06/22
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

 

Voilà quelques étonnants récits de vocation !

Dans le 1er livre des Rois, près de 875 ans avant Jésus-Christ, nous entendons l’histoire un peu rocambolesque du prophète Elie qui doit choisir son successeur Elisée à la demande du Seigneur.

En passant par le champ que labourait Elisée, Elie lui jette son manteau sur les épaules. Pas de paroles mais un geste fort, signe d’une passation de pouvoir. A la demande du Seigneur, Elie fait d’Elisée son futur successeur.

Mais Elisée, qui a bien compris l’appel, n’accepte pas tout de suite. Il court derrière Elie pour le lui dire : « Laisse-moi d’abord embrasser mon père et ma mère, puis je te suivrai ». Elie n’insiste pas et renvoie Elisée aux champs. Mais subtilement, par son intermédiaire, le Seigneur agit au cœur d’Elisée qui retourne chez lui, immole ses bœufs les fait cuire en brulant le bois de l’attelage, distribue la viande et retourne chez Elie pour accepter de le suivre. En sacrifiant ses bœufs et en brulant son instrument de travail, Elisée abandonne sa capacité de travail pour se rendre entièrement disponible, sans attache. Il peut alors répondre à la séduction extraordinaire d’un appel irrésistible.

Et puis, cet évangile. L’équipe des douze est constituée et le groupe quitte la Galilée pour se mettre en marche vers Jérusalem. Mais au passage, il faut traverser la Samarie, ce territoire mi juif, mi païen, dans lequel chacun a sa religion et se méfie de l’autre. Un groupe d’étrangers, traversant la région pour se rendre à Jérusalem, la ville sainte des Juifs, n’est pas le bienvenu. Les deux premiers disciples, envoyés en éclaireurs, s’en rendent compte. Jésus ne s’en préoccupe pas et continue sa route avec son groupe. Trois récits d’interpellation en cours de route se succèdent :

Un homme se précipite pour dire à Jésus : « Je te suivrai partout ». Et Jésus lui répond « Les renards ont des tanières et les oiseaux des nids mais le Fils de l’homme n’a pas un endroit où reposer la tête ». Répondre à l’appel, c’est accepter l’itinérance, accepter de ne pas s’installer en construisant petit à petit son confort. Renoncer à sa tanière, à son nid, c’est renoncer à son lieu sécurisé de fécondité. L’itinérance proposée par Jésus n’est pas la parenthèse d’un voyage pour revenir au point de départ et retrouver ses attaches et son confort. L’itinérance est radicale, sans proposition de retour en arrière !

Un peu plus loin, c’est Jésus qui a repéré quelqu’un et lui dit « Suis-moi ! ». L’interpellé est quand même tenté, séduit. Il ne dit pas « non » mais « pas tout de suite. Laisse-moi d’abord enterrer mon père !». En orient, enterrer son père était une priorité. Ce devoir devait passer avant toute autre activité. Répondre à l’immédiat de l’appel de Jésus est donc plus important que le respect des rites sociaux et religieux, si important soient ils !

Un autre encore répond à l’appel de Jésus en disant : « je te suivrai, … mais permet moi d’aller d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison ». L’exigence est ici de quitter les liens familiaux et affectifs pour suivre Jésus qui lui répond : « Celui qui se met à labourer puis regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu ». 

Voilà de quoi nous décourager ! Depuis le début de ces textes et après chacun des paragraphes, on a envie de se dire : Ce royaume de Dieu, ce n’est pas pour moi ! C’est non seulement inaccessible mais irréaliste et inhumain.

Déjà au début de l’appel des premiers disciples on apprend qu’ils ont instantanément tout laissé tomber pour suivre Jésus, leurs filets de pêche, leurs barques, leurs familles sans même les prévenir qu’ils s’en allaient. Inimaginable et Incroyable ! L’évangile est truffé de propositions qui nous paraissent peut-être idéalistes mais surtout inhumaine et hors des limites de ce que nous sommes prêts à sacrifier !

Mais si Dieu s’est fait homme, c’est pour nous entrainer avec lui a croire à l’amour, l’inaccessible étoile de Jacques Brel. Inaccessible dans sa finalité humaine mais terrestre et accessible sur le chemin qui peut y conduire. L’amour humain est le chemin qui peut se prolonger dans l’infini de Dieu qui en est la source. Nous avons reçu Jésus pour faire avec lui l’expérience de la réalité de Dieu !

Tous nos biens matériels sont nécessaires pour structurer nos vrais besoins existentiels. Toutes nos valeurs, nos croyances, nos rites, sont nécessaires pour relier notre humanité à la part de divin qui l’habite déjà. Tous nos liens forts d’amitié et de relations humaines, nous ouvrent déjà les portes du mystère de Dieu.

Les textes entendus nous invitent à croire en l’inaccessible sur le chemin du possible. La radicalité proposée nous tire vers le haut en relativisant ce que nous mettons en place pour nous installer ici-bas.