Le saint sacrement

Auteur: Jean-Bertrand Madragule
Date de rédaction: 19/06/22
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Chers frères et sœurs,

Il est environ 23h aux Etats-Unis, le 20 juillet 1969, lorsque Neil Armstrong pose pour la première fois le pied sur la Lune. Alors que toute l’attention de millions de téléspectateurs se porte sur Armstrong, une scène insolite se passe dans le cockpit.

Que faisait le copilote Buzz Aldrin ? L’astronaute avait reçu l’autorisation de son Église de transporter les éléments clés de l’Eucharistie : le pain et le vin. Il les avait placés sur le pupitre de commande de la fusée Apollo 11 avant de communier.

Cette cérémonie surréaliste est décrite dans un article écrit par Aldrin en 1970 : « J’ai versé le vin dans le calice que notre église nous avait donné. Le vin a coulé lentement, en raison de la gravité de la Lune. C’était incroyable de penser que c’était le premier liquide versé sur la lune et la première nourriture mangée et qu’il s’agissait des éléments de la communion. » Oui, je suis rempli d’un sentiment d’admiration et de respect de savoir que le premier plat de l’homme sur la lune était le pain et le vin.

Et dans l’Évangile d’aujourd’hui, l’Église nous propose justement – à la Solennité du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ – le récit de la multiplication des pains.

Un étudiant me posait un jour la question suivante : Comment comprendre que le pain et le vin deviennent tout à coup le Corps et le Sang du Christ ? C’est une question fondamentale qui concerne le Mystère de notre foi. Le pain et le vin sont des aliments très simples mais sans lesquels nous ne pourrions pas vivre. Ils sont le « fruit de la terre et du travail des hommes ». Ils sont l’image de notre vie tout entière avec ses joies et ses peines, ses doutes et ses espérances.

Le Seigneur va se servir du pain et du vin pour en faire son Corps et son Sang. Dans l’Eucharistie, le pain et le vin sont certes sur l’autel, mais c’est par la Consécration qu’ils deviennent le Corps et le Sang de Jésus-Christ.

Remarquez que, pendant la Consécration, le prêtre agit au nom du Christ (In persona Christi). Il ne dit pas « ceci est le corps du Christ » mais bien « ceci est mon Corps » et « ceci est la Coupe de mon Sang ».

Une fois prononcées les paroles de Jésus, le pain et le vin deviennent réellement et substantiellement le Corps et le Sang du Christ.

Étant devenues le Corps et le Sang du Christ, le prêtre élève l’Hostie et la Coupe devant toute l’Assemblée, afin que celle-ci puisse adorer le Seigneur.

La Solennité du Saint-Sacrement vient nous ouvrir les yeux sur la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Cette fête est née ici à Liège au 13e siècle, à une époque où les théologiens se disputaient sur la nature de la présence du Christ dans l’Eucharistie. S’agissait-il d’une présence réelle ou symbolique du Christ ?

Alors que les théologiens se disputaient sur cette question, les croyants plaçaient l’Hostie dans l’ostensoir et sur l’autel : ils la regardaient pour l’adorer et ils confessaient la présence réelle du Seigneur.

Chers frères et sœurs, quelle est la place de l’Eucharistie dans votre vie ? En quoi, la solennité du Saint-Sacrement nous aide-t-elle à mieux comprendre le sens de l’Eucharistie ?

L’Eucharistie n’est pas un repas comme les autres. C’est un repas en Mémoire du Seigneur. Cela signifie qu’il y a deux façons de comprendre l’Eucharistie, deux façons de célébrer la Mémoire de Jésus-Christ : alors que les trois premiers Évangiles dits « synoptiques » rapportent l’Institution de l’Eucharistie, le soir du Jeudi Saint, et chez Luc avec cette invitation de Jésus : « Vous ferez cela en mémoire de moi » (Lc 22, 19), Saint Jean, lui, raconte le lavement des pieds et la recommandation de Jésus : « Ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi. » (Jn 13, 15)

L’invitation de Jésus à célébrer l’Eucharistie en sa Mémoire se réalise d’abord là où les femmes et les hommes participent à l’Eucharistie et communient au Corps et au Sang de Jésus, là où ils s’exercent à une vie nouvelle. Là où ils manifestent le désir de s’unir à la vie du Christ. Cet acte de communion conduit à l’Adoration qui est véritablement une prolongation de l’union intime au Christ accomplie dans la communion. Dans cette communion se réalise ce que Jésus a fait pour nous : le don de sa Vie. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15,13)

L’invitation de Jésus à célébrer l’Eucharistie en sa Mémoire se réalise ensuite là où chacune et chacun de nous se met au service des autres, service symbolisé par le lavement des pieds. Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! » (Lc 9, 13) En dépit de ta faiblesse et de ta blessure, de tes doutes et de ton manque de courage, Jésus continue à te faire confiance pour aimer tes frères et sœurs en son Nom, pour chercher avec eux la réponse à leurs besoins spirituels et matériels. Toutes ces personnes ont besoin de ton aide, « hic et nunc », ici et maintenant.

Je n’oublie jamais cette phrase du rabbin lituanien Israël Salanter (1810-1883), reprise par Emmanuel Levinas (1906-1995) quand il commente les obligations d’Abraham à l’égard d’autrui : « Les besoins matériels de mon prochain sont des besoins spirituels pour moi. » Cela signifie qu’il ne saurait y avoir de spiritualité authentique coupée de toute attention à la vie matérielle de mon prochain. Autrement dit, lorsque je réponds à ces besoins, cela signifie aussi qu’autrui vaut davantage que ses seuls besoins matériels.

En cette Solennité du Saint-Sacrement, tournons-nous vers la Vierge Marie, Mère de Jésus et notre Mère. C’est elle qui nous apprend ce que signifie entrer en communion avec le Christ et être au service des autres : par son oui, Marie est devenue le Tabernacle vivant du Fils de Dieu. Par sa foi en Dieu, Marie se hâte pour rendre visite et service à Elisabeth. Nous prions Marie aujourd’hui, pour qu’elle nous aide à ouvrir toujours toute notre vie à la présence du Christ ; prions Marie, pour qu’elle nous aide à suivre son Fils fidèlement, jour après jour, sur les routes de notre vie.

Amen.