Dimanche des Rameaux

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 10/04/22
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Il y a une petite personne qu’on oublie souvent pendant la lecture de la passion : c’est Simon de Cyrène.  Il fait partie de cette multitude personnages qui, dans la Bible, rendent de petits services et disparaissent aussitôt.  C’est comme la veuve de Sarepta qui a donné à manger à Elisée alors que c’était la famine et qu’elle-même n’avait plus qu’un peu de farine pour cuire une galette.  Il y a cette esclave juive qui a donné à son maître, un Syrien, un païen, l’adresse d’Elisée pour qu’il puisse guérir de la lèpre.  N’oublions pas Joseph.  Il ne dit rien dans l’Evangile, mais c’est lui qui accepte Marie comme elle est, c’est-à-dire enceinte, et il éduque l’enfant, comme s’il était le sien.  la Bible ne dit pas grand-chose à propos de ces personnages.  Elle dit tout simplement ceci : ce sont des gens qui ont rendu service.

            Il en fut de même pour Simon.  Et pourtant, il aurait mieux de ne pas être là.  C’est sûrement ce qu’il s’est dit ce jour-là.  De passage en ville, les soldats l’ont pris de force.  Ils l’ont obligé à porter le bois d’une croix.  Ce n’était pas pour lui.  C’était pour un condamné à mort.  Et voilà que Simon, l’honnête Simon, lui qui n’a jamais fait de politique, qui a toujours payé ses impôts, le voilà en train d’aider un condamné à mort.  Il ne le connaît même pas, ce Jésus. Et voilà qu’on le dérange pour le soulager du poids de sa croix !

            On nous sollicite de partout pour apporter de l’aide à la misère des victimes des inondations dans le pays de Liège, et puis aux réfugiés ukrainiens et d’autres pays, qui arrivent chez nous, sans oublier les malheureux qui souffrent dans des pays lointains.  On ne peut pas répondre à tout le monde, mais on répond souvent avec bienveillance.  Et on découvre alors petit à petit qu’il y a des gens remarquables qui vivent dans des situations épouvantables.  Cette femme, par exemple, elle travaille, mais elle ne gagne pas assez pour payer le loyer et donner à manger à ses enfants : elle vient chercher un sac de nourriture et surtout un peu de réconfort. 

            Le plus étonnant, c’est qu’en aidant ces personnes qui sont dans le besoin, nous découvrons que notre propre misère qui devient plus légère.  C’est pour cela que le Père Damien, sœur Teresa et Mère Emmanuelle ont fait de toute leur vie une vocation d’aide et de service.  Beaucoup d’hommes croulent sous le poids de leur misère.  Certains se relèvent en soulevant le poids des autres.  D’autres avancent et traversent les pires dangers en ayant sur eux un petit être fragile à protéger.  C’était cela, l’histoire de cet homme qui traversa la rivière pendant une violente tempête.  Il avait osé le faire parce qu’il fallait sauver un petit enfant.  Cet homme s’appelait Christophe, et cet enfant, c’était Jésus.

            Telle fut la surprise de Simon de Cyrène.  Quelques jours après avoir porté le bois d’un condamné, il avait appris par hasard que certains le disaient ressuscité.  Il ne voulait pas le croire, mais c’était trop tard : des dizaines, puis des centaines, et puis des milliers de gens étaient devenus ses disciples.  Simon se demanda alors s’il n’aurait pas mieux de parler avec ce suspect.  Mais il ne voulait pas perdre de temps avec lui.  Il était trop furieux d’avoir été pris de force pour porter la croix d’un condamné.  Il n’avait pas voulu lui parler, ni même le regarder. 

            Telle est peut-être la leçon de cet évangile de la passion : ne laissons pas passer Jésus à côté de nous.  C’est un condamné, un étranger, un réfugié.  Il a besoin de nous, mais il peut nous donner tellement de belles choses, parce que finalement c’est lui qui transforme le poids de notre vie en un chant d’amour et de résurrection.