23ème dimanche du temps ordinaire (A)

Auteur: Philippe Cochinaux
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2019-2020

"N’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi. (…) Donc, le plein accomplissement de la loi, c’est l’amour », nous dit saint Paul dans sa Lettre aux Romains.  Qu’entend-il donc par la dette de l’amour mutuel.  Sommes-nous par définition des êtres endettés ?  N’est-il pas étonnant d’entendre un vocabulaire économique en lien avec l’amour ?  Ceci est d’autant plus étonnant que l’on m’a toujours dis que l’amour était gratuit.  Alors, si l’amour est vraiment gratuit, comment puis-je envisager d’avoir une dette de l’amour mutuel ? 

Premier constat, alors qu’une dette économique doit être remboursée, il en va tout autrement de la dette de l’amour mutuel.  Cette dernière ne se rembourse pas même si nous restons à jamais redevable et reconnaissant de ce qui nous a été donnée.  Chacune et chacun de nous, nous sommes endettés vis-à-vis du fait même que nous existions.  Notre vie est née de la rencontre de deux autres personnes et nous n’avons pas pris part à la décision de venir au monde.  La Vie nous a été donnée.  Nous sommes donc endettés vis-à-vis de nos parents non seulement parce qu’ils nous ont conçu mais aussi parce qu’ils nous ont accompagné par leur tendresse tout au long de nos premières années d’existence.  Et nous sommes également endettés vis-à-vis de Dieu qui a créé la Vie. L’unique raison de cette création est de permettre à ce que l’amour se vive et que nous participions et poursuivions à notre tour cette immense œuvre créationnelle.  Tant avec nos parents qu’avec Dieu, il s’agit de nourrir une relation.  Nous ne pouvons vivre sans celles-ci.  Les relations sont non seulement nécessaires mais vitales.  C’est sans doute raison pour laquelle saint Paul parle de la dette de l’amour mutuel.  Il faut donc être minimum deux pour que cet amour puisse se vivre et se décliner en toutes ses composantes de douceur, de tendresse, de compassion et de bienveillance.  Toutes ces qualités nécessaires lorsque nous sommes confrontés à l’expérience de la souffrance.  Il peut également nous arriver d’en ressentir le manque comme en ce temps de pandémie où nous sommes invités à ne pas vivre l’amour de tendresse comme nous en avions l’habitude.  Nous nous devons de garder nos distances sanitaires qui nous empêchent d’exprimer cet amour par certains gestes tout en espérant qu’un jour nous puissions à nouveau vivre de cette proximité.  L’amour mutuel se vit également dans sa dimension fraternelle au sein de nos familles ou de nos communautés.  L’amour mutuel s’épanouit dans les relations d’amitié lorsque nous grandissons ensemble nourris des sentiments qui nous animent. Et enfin, l’amour mutuel, l’amour d’agapè par excellence, se vit chaque fois que nous prenons la décision de nous rendre proche d’un autre être humain.  L’amour mutuel, l’agapè mutuel est cette attitude bienveillante du cœur qui fait de chacune et chacun de nous des guetteurs.  En effet, la fonction même du guetteur est de veiller.  Et c’est précisément ce qui se vit dans l’agapè mutuel.   Nous veillons l’un sur l’autre, c’est-à-dire que par la force des sentiments qui m’habitent, je veille à ce que l’autre puisse advenir à lui-même, à elle-même.  Par mon attitude, expression de cet amour mutuel, je participe, tout en douceur, tout en confiance, à l’accomplissement de la destinée de l’être aimé.  Nous pourrions aller jusqu’à dire que la devise de l’amour mutuel est : « deviens qui tu es !». Mon amour à ton égard, te permet de t’accomplir mais comme nous vivons un amour mutuel, je reconnais que ton amour à mon égard cette fois me permet également de me réaliser pleinement dans la destinée qui est la mienne.  Seul, je ne pourrais pas y arriver.  J’ai besoin de toi.  Tu as besoin de moi.  Tel est le propre de l’amour mutuel non seulement entre nous mais également dans notre relation à Dieu.  Dieu a aujourd’hui besoin de chacune et chacun d’entre nous et dans la foi, nous marquons notre propre désir de vivre de cette relation divine car nous savons au plus intime de nous-mêmes que Dieu veut que nous advenions à nous-même comme Lui-même l’est déjà.  Pour ce faire, nous n’avons pas besoin de règles établies, nous sommes entrés en relation.  Et c’est la raison précise pour laquelle « le plein accomplissement de la Loi, c’est l’Amour ».

Amen