La semaine dernière, il s'agissait dans l'évangile de la prédication de Jean le Baptiste. Il y avait la prophétie d'Isaïe - « A travers le désert une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur » - Jean a apparu et disait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales » (Mc 1:7)). Cette semaine, c'est presque la même chose, mais dans un autre évangile, celui de Jean Jean dit : « Je suis la voix qui crie à travers le désert... Moi, je vous baptise dans l'eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas : c'est lui qui vient derrière moi, et je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale. » Mais si c'est presque la même chose cette semaine, il y a quand même des différences. Dans Marc, Jean le Baptiste prépare le peuple à la venue du Messie, tandis que dans Jean il rend témoignage à la lumière. La nouvelle idée, c'est la lumière. Et il y a aussi ce dialogue étrange avec les juifs. Jean le Baptiste n'est pas la lumière, dit l'évangéliste, et il y a beaucoup d'autres choses que Jean n'est pas. Il n'est pas le Messie, dit-il aux pharisiens, ni Élie, ni le grand prophète. Sa conversation avec les pharisiens est curieusement négative. Pourquoi répond-t-il à la question « Qui es-tu ? » en disant qui il n'est pas ?
Plus Noël s'approche, plus il s'agit de la lumière. Plus on parle de la lumière, et plus on allume les bougies. Beaucoup de religions ont leurs fêtes de la lumière, hanukkah chez les juifs et diwali chez les hindous. La lumière est toujours un symbole du divin. L'obscurité est effrayante, tandis que la lumière est attrayante, rassurante. Dans l'obscurité on ne se retrouve pas, on est perdu, tandis que dans la lumière on voit où on est. Dans l'obscurité il est dangereux de marcher ; dans la lumière le chemin est plus sûr ; on voit où on va. Et dans l'obscurité une lumière qui apparaît nous donne un sens. On marche vers la lumière. La lumière peut être à la fois notre destination, notre but, et ce qui éclaircit notre route, une sorte de guide. La lumière sert donc naturellement d'image du divin, de Dieu, qui est la destination de notre vie, qui donne un sens à notre vie et qui illumine notre chemin de sorte que nous pouvons arriver à Dieu.
Dieu est lumière, Dieu nous donne de la lumière pour que puissions voir clairement, trouver le bon chemin, aller dans le bon sens. Il illumine notre vie pour que nous vivions bien. Mais, si l'image de la lumière et d'une certaine façon une image naturelle de Dieu, il y a quelque chose de paradoxal. Jean, l'évangéliste, dit que Jean le Baptiste est venu pour rendre témoignage à la lumière. Mais la lumière, si elle illumine les choses pour que nous les voyions bien, n'a pas besoin d'être illuminée pour être vue. La lumière s'illumine, elle est lumineuse, elle est visible en soi. Pour voir la lumière, il ne faut qu'ouvrir les yeux. Il est donc inutile de l'indiquer, d'y rendre témoignage.
Mais parler de Dieu en termes de lumière, ce n'est finalement qu'une métaphore. Dans la vie, il est malheureusement possible de croire voir la lumière et de se tromper. Il est possible de croire bien comprendre les choses, voir clair, tandis qu'on comprend mal. Cela arrive souvent dans les petits détails de la vie quotidienne, mais aussi dans les questions plus importantes. Cela arrive aussi quand il s'agit de la compréhension de la vie même. Il y a eu, et il y a encore, beaucoup de gens - y compris des religieux - qui se croient éclairés et qui ne le sont pas, qui prétendent éclairer les autres et qui ne répandent que l'obscurité. Ces gens voient peut-être sincèrement, mais ils voient mal. Jésus dit donc dans l'évangile selon Matthieu : « Si ton oeil est malade, ton corps tout entier sera ténébreux. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres ! » (Mt 6:23).
C'est pourquoi il faut parfois quelqu'un qui ne prétende pas être la lumière, mais qui nous dirige vers elle, quelqu'un qui dise clairement qu'il n'est pas le Messie, ni Élie, ni le grand prophète. C'est pourquoi Jean est là, pour diriger les gens vers Jésus, qui les éclairera véritablement. C'est pourquoi l'Église est là aussi. L'Église ne contient pas la plénitude de la lumière divine ; simplement, elle nous dirige vers Jésus, vers, comme le dit Paul, la gloire de Dieu qui rayonne sur le visage du Christ (2 Cor 4:6). C'est en suivant Jésus, en permettant à Dieu même de nous guider, que nous arriverons à Dieu. C'est à sa lumière, à la lumière de Jésus que nous voyons la véritable lumière.