34e dimanche ordinaire, année B (Christ Roi)

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

La fête que nous célébrons aujourd'hui, la fête du Christ, roi de l'univers, a été instituée en 1925. C'était une manière de proclamer l'autorité universelle de Dieu et de son Messie. C'était le début de l'époque des grandes idéologies politiques, le communisme et le fascisme. Staline était au pouvoir dans l'Union Soviétique, le premier état communiste du monde, et Mussolini en Italie, le premier état fasciste. Pour ces régimes totalitaires, l'homme est complètement subordonné à l'état, ou au dictateur qui est censé incarner l'esprit du peuple. Notre fête est en partie une sorte de réponse à ces idéologies, une réponse que dit qu'aucune idéologie politique ne doit dominer sur l'homme, que l'état n'est pas la source de la vie humaine, qu'il n'est non plus la vraie fin de notre vie. L'état n'est pas « l'alpha et l'oméga ». L'alpha et l'oméga, celui qui a le premier mot et le dernier mot, notre origine et notre fin, c'est Dieu, le Dieu qui nous est révélé par et en Jésus Christ, comme le dit la lecture de l'Apocalypse de Jean. Ce n'est donc pas à Staline que devons obéir, ni à Mussolini, mais au Christ.

Les années 20 du 20e siècle n'étaient pas une époque de rois, mais de dictateurs et d'idéologues. L'Église parle plutôt en termes de rois parce que c'est plus conforme le langage traditionnel de la Bible. Mais c'est évidemment un titre très paradoxal. Si nous appelons Jésus « roi », c'est un roi qui n'assujettit pas son peuple mais qui les libère, qui ne s'impose pas à eux mais qui leur lave les pieds, c'est un roi dont le trône est un gibet. Le terme « roi » n'est pas approprié pour décrire Jésus. En fait, quand Pilate lui demande « Alors, tu es un roi ? », Jésus détourne la question, il change le vocabulaire. « C'est toi qui dit que je suis roi » dit-il. « Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ».

Les gouvernements totalitaires, tous les idéologues, tous les dictateurs, essaient, comme tout le monde, de se justifier ; ce faisant, ils essaient de supprimer la vérité. Ils doivent essayer de la supprimer, parce que la vérité est trop grande et trop diverse pour eux. Elle est trop riche pour être conforme à une idéologie. Ils doivent déformer la vérité, mentir, faire taire ceux qui essayent de dire la vérité. Il y avait un historien maoïste en Chine qui a écrit une histoire de la Chine. Un de ses lecteurs a remarqué que certaines choses que disait cet historien n'étaient pas conformes aux faits historiques, et il lui a reproché ce manque de vérité. L'historien lui a répondu : « Si les faits historiques ne s'accordent pas avec la théorie marxiste, il faut changer les faits. » C'était au moins un idéologue honnête. Pour lui, l'important n'était pas de proclamer la vérité, mais de suivre la ligne du parti.

Le Christ, par contre, n'est pas venu imposer une idéologie, mais apporter de la lumière, rendre témoignage à la vérité. Suivre le Christ, être obéissant au Christ, c'est être fidèle à la vérité, c'est toujours chercher la vérité. L'adhésion au Christ n'a rien à voir avec le fait de suivre la ligne du parti. Parfois, même l'Église a été tentée de se comporter comme un état totalitaire, comme si elle devait imposer une idéologie : elle a fait taire, parfois de manière violente, ceux qui ne suivaient pas la ligne officielle, elle a déformé la vérité. Mais, quand l'Église agit de la sorte, elle n'est plus fidèle à sa vocation, elle n'est plus fidèle au Christ, son roi. Les chrétiens, ceux qui suivent celui qui est venu rendre témoignage à la vérité, ont toujours le devoir de chercher la vérité et de ne pas se laisser séduire par ce qui est moins que la vérité, par ce qui est partiel et partial. Si nous cherchons la vérité, nous pouvons nous tromper, bien sûr - nous pouvons tomber, même sur le bon chemin - et en la cherchant il faut profiter de la sagesse et de l'expérience des autres, mais c'est finalement notre responsabilité de rester fidèle, non pas à la tradition, non pas à la doctrine de l'Église, mais à la vérité elle-même. Parfois, il peut sembler y avoir un conflit entre le christianisme et la vérité ; certains aspects du christianisme peuvent nous sembler faux. Il faut toujours suivre la vérité. Nous ne pouvons pas rester fidèles au Christ en ne restant pas fidèles à la vérité ; mais si, par contre, nous insistons pour suivre le chemin de la vérité, nous restons forcément fidèle au Christ, même sans le savoir, car le Christ est la vérité.