Mt 22, 1-14
Alors qu'Olivier Strelli vient de nous annoncer qu'il ne dessinera pas la robe de mariée de la future reine des Belges, que les médias nous parlent des collections de mode présentées à Paris cette semaine, les couturiers de Ralph Loren, Scapa of Scotland, Cricket and Co doivent être heureux d'entendre l'évangile de ce jour. Quelle belle publicité pour eux. Enfin pour qu'ils en soient conscients, il faudrait évidemment qu'ils assistent à la messe, et ça, je n'en suis pas trop sûr, mais qui sait finalement. Je profite de cette occasion pour formellement démentir le bruit qui a couru chez certains d'entre vous que les habits dominicains allaient être confectionnés par la célèbre marque belge. C'est tout à fait faux.
Et pourtant aussi compétents qu'ils soient ces couturiers, ils n'arriveront jamais à réaliser les vêtements dont le Christ nous parle. En effet, il n'existe à ce jour aucun tissu qui permet de confectionner les habits de la foi pour participer à la noce. Un vêtement spécifique que nous revêtons pour dire l'aujourd'hui de notre bonheur de croire. Il est cousu avec les plus beaux fils invisibles entrelacés d'amour et de douceur. Nous sommes invités à le porter tout le temps, à chaque instant. Et c'est là que les choses se compliquent un tant soit peu. Vivre et croire ne vont pas toujours très bien ensemble. C'est tellement facile pour nous d'être pris par les choses de la vie que nous en arrivons parfois à oublier les choses de l'éternité, de se limiter à ce que l'on voit plutôt qu'à ce que nous ne voyons pas, d'entendre les appels de plus en plus pressant du monde plutôt que la douceur de la voix du Christ. Nous pouvons être à ce point préoccupés de gagner notre vie que nous en arrivons à la perdre en passant à côté d'elle comme si l'organisation, la gestion de cette dernière nous en faisait presque oublier son existence. Je ne vis plus, je survis dans un monde qui me demande de plus en plus et j'en arrive presque à me noyer dans cet océan sans fond, sans îlot pour se reposer ne fut-ce qu'un petit temps au cours de cette course folle. Courir, toujours courir mais après quoi finalement : un bien-être terrestre, des désirs à combler, des plaisirs à fredonner. Au risque de se perdre soi-même. C'est vrai, il est souvent bien difficile à porter cet habit de foi, de vivre en accord avec soi au nom des valeurs auxquelles nous adhérons, au nom du Dieu auquel nous croyons.
Alors, c'est vrai, parfois nous nous déshabillons, nous retirons cet habit et nous succombons à certaines tentations qui ne nous font pas grandir, qui parfois nous blessent nous ou celles et ceux qui croisent nos chemins. Et ces fameuses tentations font elles aussi partie de la vie mais nous gardons en nous l'espérance que si nous ne portons pas toujours l'habit de la foi, il en reste toujours sa trace, comme s'il était imprimé sur notre corps. Même si Dieu n'est pas omniprésent dans nos existences, dans nos gestes quotidiens, la foi a ancré en nous des marques précises. Celles-ci parfois de manière inconsciente nous permettent de ne pas nous trahir, de continuer à avancer avec les valeurs de l'éternité que sont le respect, la tolérance de soi, des autres, du Tout-Autre. Parce que dans le miroir de l'amour nous revient toujours l'image de l'être que nous souhaitons devenir malgré nos errances, nos trébuchements. [Comme le disaient ceux qui ont préparé cette eucharistie, et comme ils sont tous en voie de devenir ingénieur,] « une flamme doit toujours rester comme dans le boiler de la salle de bain ». C'est une image peut-être un peu terre à terre mais elle nous rappelle que l'éphémère ne doit jamais l'emporter sur l'éternel. Le vêtement de la noce à laquelle toutes et tous nous sommes conviés est un habit divin. Il se porte, en tout temps, en tout lieu, avec douceur et en tendresse. Ne l'abîmons pas, ne le négligeons pas, il est souffle de vie. Il nous accompagne dans les plaines, sur des sentiers escarpés et même lorsque la vie nous semble devenir une montagne infranchissable. L'habit de la foi, revêtons-le, au-delà des couleurs qu'il apporte, il donne un tout autre goût à la vie.
Amen.